Sulie en média.
PDV ALBA :
Quand on y réfléchit, c'est plutôt logique. Les six Alphas Suprêmes français, regroupés en trois Meutes Principales, sont en conflit depuis pas mal de temps. Et moi, je débarque sans que personne n'ait eu connaissance de mon existence auparavant. Cela ne plairait à aucun dirigeant de voir apparaitre soudain, un potentiel adversaire.
De plus, toutes la Meute Nomade de Scott m'a vue à l'œuvre. Ils ont dû tout de suite deviner de quelle nature j'étais. Les Métamorphes ont dû informer certains de leurs amis appartenant à d'autres Meutes Nomades, sans vraiment se rendre compte des conséquences.
En fait, si je restais seule, j'étais foutue. Clairement.
On finirait tôt ou tard par me retrouver, autant être entourée d'autres Métamorphes.
Je crois bien que désormais j'allais devenir la cible des Meutes Principales, mais aussi des Pionnières étant donné qu'elles sont sous leurs ordres. En clair, ce zoologiste avait foutu ma vie tranquille en l'air. J'avais deviné son métier au moment où je l'avais vu. Il sentait les animaux, il passait donc beaucoup de temps avec eux. Il y avait aussi plusieurs odeurs provenant de sa caisse en bois qui m'avaient interpellée. En cherchant un peu dans ma mémoire, je m'étais souvenue d'une discussion avec ma mère, me parlant spécialement de ce métier et des outils nécessaires. Son métier, son identité, m'avait donc sauté aux yeux, le sifflet confirmant mes dires. Il était évident que c'était cet humain qui avait dévoilé mon identité. Qui d'autres aurait pu ? Il avait dû s'affolé et aller le raconter au poste de police le plus proche. Et d'une quelconque façon, la meute de Scott en avait été informée.
Je regardai Scott et hocha la tête, lui faisant comprendre que je restais. Bien que j'avais compris quelque chose. Il ne voulait pas essentiellement me garder auprès de lui pour me protéger. Non, il avait quelque chose derrière la tête, après tout, pourquoi protéger une tigresse inconnue qui l'a blessé, si ce n'est pour une raison particulière ?
PDV ELIAZ :
Elle hocha la tête, mes muscles se détendirent. Je ne savais pas pourquoi, mais à l'entente de sa probable liberté loin de moi, je m'étais soudainement crispé. Mon corps n'aimait pas ça, il ne voulait pas, et moi je ne comprenais pas.
Plus je reste avec elle, plus je deviens étrange. Plus je reste avec elle, plus les murmures qui me parvenait deviennent clair. J'ai compris au bout de la deuxième fois, que ce que je captais n'était autre que ses pensées les plus fortes. Celles qu'elle pensait clairement.
Et plus les minutes s'écoulaient, plus ses paroles devenaient claires et pures. Je n'avais jamais entendu sa voix humaine, mais celle qui me parvenait depuis son esprit, était aussi douce que de l'eau cristalline. Bien que ses pensées soient aussi tranchantes que des épées. J'aimais bien cette contradiction.
- Je suis content que tu acceptes, répondit Scott à son hochement de tête. Nous allons bientôt partir, il faut faire les derniers rangements, je vous laisse tranquille désormais. Quant à Eliaz, on se parlera une fois arrivé.
Il me lança un regard rempli de sous-entendus.
Il commença à partir en direction du camp, où les Métamorphes se réveillaient peu à peu, tous guéris. Joshua le suivit, tout en me lançant un regard noir. Un peu comme d'habitude. Ce type n'aimait personne.
Bien entendu, Scott n'allait pas en rester là, il voulait comprendre pourquoi, Moi, j'étais là, avec lui, dans son camp. Cette discussion allait s'avérer ennuyeuse, et tendue.
Je me souvins de mes achats d'hier. Ma viande et mes couteaux ! Restés dans le camion ! Je les avais oubliés, trop obnubilé d'informé Scott de ma découverte. Mais j'avais perdu les clés au moment où je m'étais transformé, déchirant mes vêtements. Heureusement qu'on avait plusieurs doubles, cela arrivait souvent.
- Suis-moi, dis-je à la tigresse.
Je crois bien que je devais m'occuper d'elle, mais aussi la surveiller. Je m'étais attribué derechef ce rôle, sans même y réfléchir. Cela ne me dérangeait pas, et puis de toute façon, lorsque je m'éloignais d'elle ne serait-ce que d'un pas, mes muscles se tendaient. Cela devenait de plus en plus étrange.
La tigresse obtempéra. Heureusement pour moi.
Je me dirigeai vers le camp, la femelle trottinant à côté de moi. Bizarrement, je me sentais fier de marché à ses côtés, je me sentais fort. Même si je le suis déjà naturellement. Là c'était plutôt du côté psychologique que physique.
On approcha, les regards noirs commencèrent à afflués. Tous dirigés vers moi, quelques-uns vers la femelle, d'autres plus curieux.
Je vais les bouffer.
La pensée de la tigresse me fit rire intérieurement. Elle n'est pas difficile à comprendre dans ce genre de moment. Après tout, elle grogne, si on ne comprend pas qu'elle est en colère, on est sourd, aveugle, et idiot.
On commença à dépasser plusieurs personnes, qui commencèrent petit à petit à se détourner de nous et continuer le rangement. Il fallait que je trouve Louis, c'est lui qui avait les clés de tous les camions. En espérant qu'il accepte de me passer, encore, les doubles de la camionnette. La dernière fois, j'avais cramé la clé, pour une raison que je ne dévoilerais pas. Quant à l'autre fois, je l'avais tout simplement perdue.
C'était d'ailleurs en partie à cause de moi qu'ils avaient décidés de faire plusieurs doubles des clés de camions. On avait plusieurs informaticiens, électriciens, mécaniciens assez talentueux. Les clés de voiture sans fil étaient devenues un jeu d'enfant à reproduire selon eux.
En effet, beaucoup de Métamorphes de notre meute avaient été sauvé par Scott d'une quelconque manière. Certains avaient déjà fait des études, avaient obtenus un métier. Tandis que d'autres sortaient à peine du ventre de leurs mères. D'autres, étaient nés au sein de la meute ou étaient venus de leurs pleins grés.
Il ne faut pas croire que tous les Métamorphes vivent au sein de meutes. Il y a quelques Delta, cependant ils doivent respecter notre loi. Ce que, bien entendu, je n'ai pas fait il y a à peine vingt-quatre heures. Vivre dans une Meute n'est pas obligatoire, mais extrêmement conseillé, on s'attire moins de problèmes, il y a moins de risques. Par exemple, les territoires des Meutes Pionnières ne sont pas très bien limités, il se peut qu'en tant que Delta, on puisse y pénétrer sans le savoir et vite se faire punir. Il est donc préférable d'être plusieurs, la sentence serait moins...mortelle. Un loup Delta, une Meute Nomade, n'a aucun droit d'enfreindre le territoire d'une autre meute. Mais même les Meutes Pionnières entre elles n'ont pas le droit de franchir la frontière de chacune. Seules les Meutes Principales ont tous les droits.
C'est pour cette raison, que les villes les plus grandes, les plus peuplés ne sont pas habités par des Meutes. Tout cela pour empêcher les conflits, cela permet aux Delta de s'installer au sein des grandes villes, et aux Meutes Nomades de se ressourcer. Comme Paris, Marseille ou encore Lyon. Les Meutes Principales les laissent tranquille depuis plusieurs années.
Mais c'est aussi pour garder notre existence secrète, rien de mieux que les petites villes, les communes ou encore les villages. Les Meutes Pionnières s'y installent donc.
Soudain je m'arrêtai brusquement, mes muscles se crispaient. Je tournai sur moi-même, plus de tigresse à l'horizon. Mon corps me faisait légèrement souffrir, comme des courbatures. Elle s'était éloignée de moi. Je cherchai plus soigneusement, et la vit plusieurs mètres au loin. Elle tournait autour d'une fille, d'à peu près onze ans. Tout le monde s'était arrêté de travailler, le souffle coupé. Que faisait-elle ? Elle tournait autour de cette enfant comme si c'était une proie. La petite était pétrifiée. Sulie, il me semble.
Elle tenait dans ses mains un petit livre à coloriage et le serrait contre elle, en observant la tigresse lui tourner autour, les membres tremblotants. Elle était beaucoup plus petite que la femelle, elle ressemblait à une souris face à elle.
La tigresse la renifla sous toutes les coutures, je ne savais pas ce qu'elle faisait, mais elle semblait...apprécier son odeur ? Elle lui donna un coup de museau dans le visage, et la lécha de long en large. Montrant une certaine affection. Que lui arrivait-il ?
Je repris mon souffle, mais mes muscles étaient toujours tendus. Les Métamorphes semblaient plus rassurés, ils n'avaient pas bougés durant la scène, pétrifiés face à l'Alpha Suprême.
Je réfléchis, essayant de me souvenir qui était Sulie. Et comme un flash, mes souvenirs me revinrent. Cette petite se métamorphosait en dauphin, un beau dauphin albinos précisément. Son énergie, son corps, devait donc avoir une certaine odeur. Un peu comme l'océan et l'air frais de la plage. La tigresse aimait donc cela ?
Sans me rendre compte je pris mon tee-shirt et le sentit. Est-ce que je sentais bon moi aussi ?
Je secouai la tête me rendant compte de mon acte, quel idiot.
Sulie, était la seule du camp à être une Métamorphe Marine. Après tout ils étaient très rares et vivaient rarement loin des littoraux. Celle-ci était une orpheline que Scott avait sauvée.
La petite semblait plus rassurée et commença à rigoler sous les coups de langues de la femelle. Elle finit d'ailleurs, par la prendre dans sa mâchoire en prenant ses vêtements. Elle la plaça ensuite sur son dos, sous l'œil ahuri de tous les Métamorphes aux alentours. Son cahier de coloriage était tombé par terre, Sulie ne s'en souciait même plus.
Puis elle s'en alla dans ma direction, l'air de rien, une gamine de onze ans sur son dos. Mes muscles se détendaient au fur et à mesure qu'elle se rapprochait, et mon corps se réchauffait. Je n'avais même pas remarqué que j'étais devenue glacial, j'avais la chair de poule. Etrange pour un Métamorphe, ça ne m'était jamais encore arrivé.
La gamine semblait désormais aux anges, elle caressait la tigresse sous tous les angles. Elle avait largement la place pour s'allonger et jouer avec les oreilles de l'Alpha Suprême.
Elle prenait trop ses aises, elle avait peur d'elle il y a à peine deux minutes. Cela m'agaçait qu'elle touche la tigresse aussi innocemment. Pourquoi cela m'irritait-il autant ?
Les Métamorphes aux alentours se regardaient, incompris. La scène qui venait de se dérouler était des plus déroutantes. Après tout, pour eux, la tigresse était féroce et dangereuse, et là, elle léchait une petite fille comme son propre enfant.
Ils haussèrent les épaules et retournèrent à leurs travaux. Ils s'habituaient vite dit donc...
Moi-même cela me choquait, pourquoi tout d'un coup elle s'était entichée de Sulie ? Mais ma réflexion fut vite coupée lorsque la tigresse se plaça à côté de moi, en me regardant fixement, sous-entendant un « on y va ? ». La gamine était allongée sur le ventre, les bras et pied pendants de chaque côté de ses flancs, et prenant beaucoup trop de plaisir à s'allonger sur son dos.
Je n'aimais définitivement pas ça. Je grognais en fixant Sulie qui ne me regardais pas, les yeux fermés et la tête enfouie dans le cou de la femelle.
Mais j'avais oublié mon objectif de départ, allé chercher ma viande et mes couteaux.
Ma viande surtout.
Et après je décrocherais cette gamine de la tigresse.