Teddy.

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Du coin de l'œil, Bellatrix vit Narcissa sortir précipitamment de la pièce en emportant Draco avec elle. Puis, très lentement, elle leva son regard vers Lord Voldemort, dont les paupières étaient closes. Il respirait doucement, comme s'il méditait. À ses pieds, Nagini ondulait, poussant des sifflements stridents, agressifs, menaçants. Bellatrix frémit de terreur.

- Maître... maître... balbutia la sorcière, les yeux soudain emplis de larmes.

Voldemort leva sa main, intimant le silence. Derrière lui, Lucius sursauta nerveusement. Bellatrix déglutit. Le mage noir ouvrit les yeux, et son regard se posa sur sa servante. Il était froid, sinistre, dangereux.

- Je croyais pourtant avoir été clair... murmura Voldemort d'une voix aiguë en balayant lentement la pièce du regard. Je pensais que vous aviez compris mon ordre, que vous ne m'appelleriez que si Potter venait à être capturé...
- Maître... il... il était là, mon Seigneur, dit Bellatrix d'une voix tremblante. Le garçon... je ne vous aurais jamais désobéi, Maître...

Une lueur inquiétante traversa les pupilles écarlates de Voldemort, et avant que Bellatrix ait pu faire le moindre geste, elle se retrouva propulsée à l'autre bout de la pièce. Elle heurta violemment le mur, et entendit Lucius pousser un petit cri de malaise lorsqu'elle s'effondra à terre. Elle se releva en grimaçant, portant sa main à l'arrière de son crâne ensanglanté. Sa vision était trouble, son souffle était saccadé lorsqu'elle regarda d'où provenaient les hurlements de douleur. Droit devant elle, Lucius venait également de s'effondrer au sol, mais lui continuait de se tordre de douleur. Bellatrix leva les yeux Lord Voldemort, qui maintenait son sortilège de torture sur le père de famille sans exprimer aucune émotion.

- Comment avez vous pu le laisser s'échapper ? Incapables, traitres, immondes serviteurs.

Elle sentait des larmes couler le long de ses joues alors qu'elle observait, impuissante, son beau-frère subir la colère du Seigneur des Ténèbres. Elle ne pleurait pas pour lui, ni même parce qu'elle était blessée. Elle pleurait car elle savait qu'elle avait encore une fois déçu son Maître. Elle savait que, dorénavant, il n'aurait plus aucune estime pour elle. Plus jamais.
Alors, dans son coin, elle se recroquevilla, comme une enfant que l'on punit, et ferma les yeux. Après un long moment, les hurlements s'arrêtèrent. Elle n'entendit son Maître s'adresser à eux que de façon lointaine, et ne perçut que la moitié de ses mots. Entre deux flots d'insultes, d'humiliations et de douloureux rappels de leurs échecs, Lord Voldemort leur interdit de mettre un pied en dehors du Manoir. Ils étaient la honte du monde sorcier, ses servants les plus incapables, et ils n'avaient pas le droit de sortir de ce manoir. S'ils venaient à lui désobéir une nouvelle fois, ils en paieraient le prix fort, et devaient s'estimer heureux de ne pas déjà l'avoir payé.
Sans un mot de plus, le Seigneur des Ténèbres transplana, emportant avec lui Nagini, et laissa ses deux serviteurs hagards, sonnés, et humiliés.

****

3 avril 1997, Manoir Malefoy, Wiltshire.


Elle pouvait l'entendre sangloter à longueur de journée. Bellatrix n'était plus que l'ombre d'elle même depuis que Potter s'était échappé avec ses amis. Elle n'était pas sortie de sa chambre, pas même pour nourrir Delphini, et encore moins pour se nourrir elle-même.

Narcissa avait essayé d'aller la voir, mais Bellatrix avait verrouillé l'entrée de ses appartements et restait cloitrée dans sa chambre. Elle avait tout perdu. La confiance de son Maître, sa baguette. Sans cela, elle n'était plus rien. Elle ne valait pas mieux que la vermine la plus infâme.
Narcissa aurait voulu avoir plus de peine pour sa sœur que ce qu'elle ressentait à présent ; mais c'était la colère qui prédominait, qui écrasait son cœur. Elle savait ce que Voldemort avait fait à Lucius. Elle savait ce qu'il pourrait faire à son fils. Elle savait qu'ils étaient tous en danger, et qu'ils le resteraient temps que le Seigneur des Ténèbres serait en vie. Elle n'était pas assez bête pour croire que Lord Voldemort les pardonnerait un jour. Pas assez bête pour continuer d'espérer qu'ils rentreraient à nouveau dans ses bonnes grâces un jour. Tout était perdu pour eux.
Ils étaient des ennemis du Ministère, de l'Ordre du Phénix, et n'étaient plus les réels alliés de Voldemort. Ils n'étaient que ses esclaves, des esclaves dont le mage noir pouvait disposer définitivement à tout instant. C'était d'ailleurs un miracle qu'ils aient survécu à sa rage jusque là.

Au moins, Draco était retourné en sécurité à Poudlard. Là, il était loin de Voldemort, et Severus pouvait veiller sur lui. C'est ce que Narcissa ne cessait de se répéter, pour essayer de se convaincre que, par ces temps, il valait mieux que son fils soit loin d'elle. Loin d'elle qui était coincée ici, au manoir, à la merci du Seigneur des Ténèbres. Draco était en sécurité avec ses amis, à Poudlard. Il fallait que Narcissa y croit, ou bien elle perdrait la raison.

****

Tout était engourdi. Son corps, ses pensées. Bellatrix était assise au fond de son lit, dans le noir, les yeux rivés sur le mur en face d'elle, ses lèvres sèches et abîmées entrouvertes. Son regard était vide, comme couvert d'un voile étrange. Son teint était livide, ses yeux étaient creusés de cernes sombres. Cela faisait des jours qu'elle dormait à peine, et avalait le strict minimum pour se maintenir en vie. Il fallait qu'elle survivre. Son Maître aurait besoin de ses services à nouveau.

Était-ce vraiment le cas ? Daignerait-il à nouveau lui confier une mission, après tous ces échecs ? C'était elle qui l'avait appelé, elle qui avait laissé s'échapper Potter. Elle aurait dû le tuer dès l'instant où elle avait posé les yeux sur lui, au Ministère, deux ans plus tôt. Elle aurait largement pu éliminer le garçon à ce moment là. Si Lucius ne l'en avait pas empêchée...

Lucius. Tout était sa faute, en vérité... cet idiot, qui avait libéré son elfe... s'il n'avait pas libéré son elfe, Potter ne se serait pas échappé. Tout était la faute de Lucius, en vérité.
Non.
Tout était sa faute. Bellatrix se mordit la lèvre, laissant une énième larme couler le long de sa joue. Elle avait trahi la confiance que son Maître plaçait en elle. Désormais, elle n'était plus rien. Le Seigneur des Ténèbres n'avait pas donné de nouvelles depuis la fuite de Potter. Elle ignorait s'il lui en donnerait un jour à nouveau. Peut-être même qu'il allait prendre Delphini et l'emporter loin d'elle, et que Bellatrix n'aurait plus aucune trace de la relation qu'elle avait autrefois entretenue avec lui.
Il la haïssait dorénavant, cela ne faisait aucun doute.
Il fallait qu'elle survive, mais tout ce que Bellatrix voulait, c'était mourir.

****

8 avril 1998, Rutland.


Andromeda arriva en catastrophe devant la petite bâtisse. Elle avait reçu l'adresse ce matin dans une lettre écrite par Rémus. Nymphadora avait commencé le travail aux aurores. Le petit était né, et il était en bonne santé. Andromeda était grand-mère.

En lisant les mots de Lupin, elle n'avait pu retenir ses larmes. Un événement aussi heureux, aussi joyeux, par ces temps de folie et de malheur, était un espoir inespéré. Andromeda avait passé le dernier mois à faire le deuil de son époux, de l'unique amour de sa vie. Elle doutait fortement pouvoir s'en remettre un jour. Elle avait passé trois décennies à ses côtés. Elle avait grandi, vieilli avec lui. Il avait été la source de ses rires, de ses pleurs, de ses doutes et de sa confiance. Il l'avait serrée contre lui chaque fois qu'elle en avait eu besoin, et avait su lui tenir tête quand personne d'autre n'osait le faire. Il lui avait appris la tolérance, le partage et la patience. Il avait été là pour elle quand tout le monde lui avait tourné le dos. Il l'avait toujours défendue et rassurée. Teddy avait été tout ce qu'Andromeda avait, et il n'était plus là.

Elle se sentait coupable. C'était elle qui l'avait poussé à partir. Elle avait été persuadée que ce n'était qu'un au revoir, et elle avait précipité son départ. Alors qu'elle ferma les yeux, prenant une grande inspiration avant d'entrer dans le bâtiment, la scène se rejoua sous ses paupières.

- Ted...
- Je n'ai pas dit au revoir à Dora...
- Tu n'as pas à lui dire au revoir. Elle comprendra. Et puis, nous nous reverrons tous avant même que l'on se soit rendu compte que nous avions été séparés, assura Andromeda avec un sourire bienveillant. Tout ira bien, mon amour.
- Et notre petit-fils... je risque de ne pas être là pour sa naissance.
- Ton petit-fils aura tout le temps d'apprendre à te connaître. Quand tu rentreras, il sera encore un tout petit bébé et tu pourras jouer avec lui comme tu le faisais si souvent avec notre fille.

À cause d'elle, Teddy n'avait pas dit au revoir à sa fille. Nymphadora devait lui en vouloir, et elle aurait raison. Si Andromeda n'avait pas encouragé Teddy à partir, peut-être qu'il serait là, avec elle. Peut-être qu'il aurait fait la connaissance du petit.

- Madame Tonks ?

Andromeda releva la tête, essuyant rapidement une larme qui s'était formée au coin de son œil. Rémus la regardait avec un sourire bienveillant sur le perron, et l'invita à entrer d'un geste de la main. La sorcière le suivit sans un mot, la gorge nouée. Ils empruntèrent des escaliers en colimaçon jusqu'au troisième étage, et entrèrent dans un appartement lumineux. Andromeda regarda autour d'elle. Des affaires avaient été empilées ça et là ; ce logement ne semblait pas être définitif. Rémus sembla comprendre ce qu'elle pensait, puisqu'il précisa :

- Nous ne sommes là que depuis deux semaines, Tonks ne pouvait plus rester au Square Grimmaurd. Les hurlements de Walburga la fatiguaient.
- Oh... oui, cela fait sens, murmura Andromeda, le regard balayant toujours la pièce. Comment va-t-elle ?
- Pourquoi n'allez-vous pas lui demander vous même ? suggéra gentiment Rémus. Elle est dans la chambre du fond, avec le petit. Je crois qu'il dort.

Au fond du couloir qui menait aux chambres, une porte entrouverte laissait filtrer une douce lumière. En s'approchant, Andromeda entendit une voix féminine qui fredonnait une mélodie apaisante. Elle poussa doucement la porte, et découvrit Nymphadora assise sur le lit, berçant un tout petit bébé enveloppé dans des couvertures. La jeune mère semblait fatiguée par l'effort, mais son sourire était rayonnant, et ses yeux était rempli d'amour.
Elle sembla remarquer la présence de sa mère au bout de quelques secondes, et son sourire s'élargit un peu plus quand elle posa les yeux sur elle. Elle tapota sur la place vide à côté d'elle, invitant Andromeda à s'asseoir à côté d'elle. Andromeda fit, prenant soin de ne pas trop faire bouger le matelas, et déposa un baiser sur le front de sa fille. Elle posa une main chaude sur la joue de Nymphadora, qui appuya un peu plus sa tête contre sa paume et ferma les yeux. Andromeda sentit des larmes lui brûler les yeux. Sa fille ne lui en voulait pas.

- Dora...

La fille ouvrit ses yeux, et plongea son regard dans celui de sa mère. Elle aussi pleurait. Mais ce n'était pas des larmes de tristesse. Mère et fille étaient simplement émues.

- Il s'appelle Teddy, murmura Nymphadora.

Andromeda baissa les yeux vers le nouveau-né que sa fille tenait serré contre sa poitrine. Il dormait paisiblement. Il était si petit, si fragile dans les bras de sa mère.

- Teddy... répéta Andromeda en caressant du bout du doigt le mince duvet de cheveux sur le crâne du bébé. Je suis tellement fière de toi, Dora. Et je sais qu'il l'est aussi.

Il. Teddy. Le père de Nymphadora.
La fille eut un petit triste, et acquiesça.

- Tu veux le tenir ?

Andromeda hésita un instant, puis tendit ses bras. Nymphadora plaça avec une extrême délicatesse l'enfant contre sa grand-mère, et posa sa tête contre l'épaule d'Andromeda, regardant son fils avec tendresse alors que Rémus entrait dans la pièce et observait le trio avec émotion.

- Tu es si aimé Teddy, dit Andromeda à mi-voix. Ta maman t'aime, ton papa t'aime, et tes grands-parents t'aiment. Ne l'oublie jamais, Teddy Lupin.

A Black Tale II : the Dark Lord ascendingWhere stories live. Discover now