Square Grimmaurd.

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9 mars 1996, 12, square Grimmaurd, Londres.


Andromeda s'arrêta net face au bâtiment qui abritait la noble et très ancienne demeure des Black. Elle n'y avait pas mis les pieds depuis qu'elle avait été reniée de la famille, le jour où elle avait épousé Teddy. Se retrouver sur les lieux de son enfance lui rappelaient des souvenirs à la fois heureux, et profondément douloureux. Elle se rappelait avec précision des après-midi passées ici en compagnie de ses sœurs et de ses cousins, à jouer aux échecs où aux cartes. Dans la cour, elle avait aidé le jeune Regulus à maîtriser le vol sur un balai. Dans le salon, elle avait imaginé un avenir radieux avec Bellatrix. Dans la cuisine, elle s'était essayée à la pâtisserie avec Narcissa.
Tout cela était passé, et ne reviendrai plus. Regulus était présumé mort depuis bientôt dix-sept ans, et ses deux sœurs refusaient catégoriquement de reprendre contact. Plus encore, Bellatrix représentait une menace pour Andromeda, et la cadette des sœurs Black savait très bien que son aînée n'hésiterait pas à la tuer si l'occasion se présentait.

- Maman ? Tu viens ?

Andromeda baissa les yeux vers sa fille qui l'attendait devant l'entrée. Nymphadora avait insisté pour que son vingt-troisième anniversaire se déroule dans ce foyer, qui servait désormais de quartier général à l'Ordre du Phénix que le couple Tonks avait toujours refusé de rejoindre.
Sirius, étant le seul descendant vivant d'Orion et Walburga, avait hérité du 12, square Grimmaurd en 1985, à la mort de sa mère. Andromeda ne put réprimer un léger sourire quand elle pensa à sa tante qui devait se retourner dans sa tombe à l'idée que sa noble maison soit maintenant envahie par d'autres individus que des « Sacrés ».

- J'arrive.

Madame Tonks alla rejoindre sa fille. Toutes deux, suivie de Teddy, entrèrent. L'intérieur était déjà bien animé. En traversant le couloir de l'entrée, Andromeda pouvait déjà entendre la voix de Sirius qui discutait avec Molly Weasley.

- Puisque je te dis qu'il est assez fort pour se défendre, dit Black.
- Ce sont des enfants ! répliqua la rousse grassouillette.

Sirius se tut et un sourire ravi éclaira son visage quand il vit Nymphadora qui s'avançait vers lui.

- L'invitée d'honneur est là ! s'exclama-t-il en tendant les bras à la jeune femme. Joyeux anniversaire Tonks.

Molly accueillit Teddy chaleureusement, et invita Andromeda à retrouver les autres dans le salon. Là, elle retrouva Rémus Lupin, Alastor Maugrey, Kingsley Schakelbolt et Arthur Weasley. Quand tout le monde fut réuni dans la pièce, une bouteille enchantée commença à servir des verres d'hydromel, et une conversation animée débuta. Andromeda, plutôt effacée, se contentait d'écouter et d'observer le monde autour d'elle. Les sujets de discussion, sans grande surprise, tournaient surtout autour du retour du Seigneur des Ténèbres, et du Ministère de la Magie.

- Fudge fait tout ce qui est en son possible pour taire ce qui s'est réellement passé au cimetière, martelait Sirius. Tout recommence comme avant, et je refuse que nous perdions plus de nos membres. Nous avons assez souffert. Il faut agir avant qu'Il ne se retrouve une nouvelle fois au sommet de sa puissance. S'il faut faire dans l'illégalité parce que le Ministère est incapable de traiter une crise d'une telle ampleur, alors nous ferons.
- Tu-Sais-Qui a réuni ses partisans les plus puissants, répondit Arthur. Nos forces sont affaiblies, nous ne sommes pas de taille à...
- Et qui est de taille alors ? répliqua Sirius. Qui ? Je préfère risquer ma vie à essayer de changer les choses plutôt que de continuer à vivre dans une absolue inutilité. Je refuse de rester là les bras croisés. La guerre a déjà commencé, ce n'est qu'une question de temps avant que les premières batailles soient livrées. Vous savez pertinemment qu'il essaiera d'abord de s'en prendre à Harry. Il faut qu'il soit prêt.
- Nous en avons déjà discuté, Sirius, s'indigna Molly. Ils n'ont que quinze ans !
- Et que crois-tu que nous faisions à leur âge ? rétorqua Sirius. Nous étions en pleine guerre, des gens mourraient tous les jours autour de nous. À quinze ans, James et moi apprenions déjà à nous battre !
- Utilisez tous les gamins que vous voulez comme soldat, intervint Maugrey d'une voix rauque, Potter doit rester en vie. Vous savez très bien pourquoi.
- Et si on parlait d'autre chose ?

Tous les regards se tournèrent vers Teddy. Nymphadora eut un sourire gêné, et lança un regard discret en direction de Rémus.

- Nous sommes là pour Dora, non ? ajouta l'homme.
- Papa...
- Non, c'est vrai, dit Kingsley en levant son verre pour porter un toast. À Nymphadora, la meilleure auror de sa génération.
- À Nymphadora, répétèrent les autres en chœur.

Andromeda remarqua que Rémus et sa fille avaient échangé un long regard, avant que celui-ci ne détourne le sien avec un malaise notable et prenne une longue gorgée d'hydromel. Les cheveux de Nymphadora, eux, étaient alors passés du violet au rose fuchsia. La mère s'approcha alors de l'oreille de sa fille et lui glissa en chuchotant : « il a plus de dix ans de plus que toi ». Nymphadora arbora alors un air absolument indigné, et lança un regard dissuasif à sa mère. Andromeda comprit tout de suite ce que ce regard signifiait : occupe-toi de tes affaires.

- Je reviens tout de suite, lança-t-elle d'un coup au groupe.

La sorcière fit mine de se rendre à la salle de bain, mais tourna ensuite sur la gauche en direction des escaliers qui menaient aux chambres. À l'étage, rien n'avait changé. Les murs étaient les mêmes, les portraits de leurs ancêtres y étaient toujours accrochés, et l'odeur de bois vieillit flottait toujours dans les airs.

- Pourritures de traitres à leur sang, grinça une voix au fond du couloir. Ma pauvre maîtresse, que dirait-elle... La noble et très ancienne demeure des Black, souillée par la présence de ces immondes...
- Kreattur ?

La voix s'arrêta net. Andromeda s'en approcha, et découvrit l'elfe de maison caché dans la pénombre. Il lui semblait que Kreattur avait toujours été au service de la famille Black. Enfant déjà, Andromeda le connaissait.

- Oh, Kreattur...je ne savais pas que tu étais encore là, dit la sorcière.
- Kreattur servira toujours la famille Black, croassa l'elfe en jetant à la femme un regard mauvais. Kreattur n'a pas le choix, même s'il ne reste que...

Il était évident que l'elfe voulait continuer ses médisances, mais il lui était impossible de dire du mal de ses propriétaires.

- Cette maison ancestrale, qui abrite les amis des moldus, des bêtes sauvages et des sangs de bourbe... trahison, déshonneur ! cracha Kreattur.
- N'emploie pas ce mot, répondit sèchement Andromeda. Cesse de dire du mal de ces gens, ce sont nos amis, que cela te plaise ou non.

Kreattur fit une grimace effrayante, et lança un regard noir à la femme avant de s'en aller d'un pas traînant. Andromeda remarqua après que l'elfe venait probablement de sortir de la chambre de Regulus, car la porte de cette dernière était entrouverte. Aussi, elle décida d'y jeter un œil, et entra d'un pas prudent.
Un mince filet de lumière éclairait la pièce aux couleurs de la maison Serpentard. Toutes les affaires étaient impeccablement rangées, et le lit était fait. C'était comme si Regulus avait quitté les lieux ce matin, et qu'il avait tenu à laisser sa chambre impeccable avant son départ.

- Je ne suis pas entré dans cette chambre depuis des années, fit une voix masculine derrière Andromeda.

Sirius fit quelques pas jusqu'à sa cousine, les mains dans les poches, le regard embrassant la pièce.

- C'est comme s'ils étaient tous encore là, murmura Andromeda, le regard perdu dans le vide. Tante Walburga, oncle Orion, Regulus... il me semble que c'était hier que nous nous réunissions tous dans cette maison.

Sirius ricana doucement, puis secoua la tête.

- J'ai toujours détesté ces réunions de famille.
- Je le sais bien, répondit sa cousine avec un sourire triste.

Un court silence s'installa, mais Andromeda ne tarda pas à poser la question qui lui brûlait les lèvres.

- Qu'est-il arrivé à ton frère ?

Une ombre traversa le visage du dernier homme de la famille Black, puis il braqua son regard sombre dans celui de la sorcière.

- Tué par Lord Voldemort, répondit-il platoniquement. Ou par l'un de ses mangemorts, plus probablement. Il a essayé de fuir mais...
- On ne fuit pas le Seigneur des Ténèbres, compléta Andromeda dans un soupir. Pauvre Regulus.
- Il a fait les mauvais choix, dit Sirius d'un ton sec.
- Ne sois pas si dur envers lui, dit Andromeda d'une voix douce. Ce n'était qu'un enfant...
- Nous étions tous des enfants à l'époque. Nous avons tous du faire un choix à un moment donné. Le pouvoir, ou la liberté. Je sais que mon frère n'était pas entièrement mauvais, personne ne l'est. Mais il a fait le mauvais choix, et personne d'autre que lui est responsable de sa perte.

Andromeda acquiesça en silence. Si Regulus avait réellement rejoint les rangs des mangemorts à un moment donné, alors Sirius n'avait pas entièrement tort à son propos.

- Comment penses-tu que tout cela se terminera cette fois ? demanda-t-elle l'air grave.
- Je n'en ai aucune idée, répondit Sirius à voix basse. Mais je me battrais, quoi qu'il en coûte. J'ai vécu mes jours, des jours sombres. J'ai trop perdu pour revivre cela à nouveau. Je ferai tout ce qui est en mon possible pour que le Mal ne nous arrache jamais plus ceux qui nous sont chers, même si je dois y laisser la vie.
- Je ne t'ai jamais dit à quel point j'étais désolée pour eux, murmura Andromeda.

Un sourire sincère se dessina sur les lèvres de Sirius, et il posa sa main sur l'épaule de sa cousine pour la lui presser affectueusement.

- James et Lily étaient tout pour moi, dit-il. Mais il reste Harry, et je suis sa seule famille.
- Dans ce cas, tâche de rester en vie, répondit Andromeda avec un sourire ému. Pour lui, pour le garçon.

Black amena alors sa cousine contre lui, et la serra fort contre sa poitrine. Les deux restèrent ainsi un long moment, collés l'un à l'autre, ignorant tout ce temps le reste du monde.


****


19 juin 1926, Manoir Malefoy, Wiltshire.


Il était vingt heures précises quand Bellatrix sentit sa Marque des Ténèbres la brûler. Elle était alors occupée à se préparer pour la nuit, et venait d'enfiler sa nuisette. En vitesse, elle passa une cape par-dessus, puis se dirigea précipitamment au rez-de-chaussée, jusqu'à la salle de réunion. Elle arriva en même temps que d'autres mangemorts, dont Mulciber, Avery, Nott, Rookwood et Jugson.
À l'intérieur, Lucius, les Lestrange, Macnair, Crabbe et Dolohov était déjà assis autour de la table. Au bout, à sa place habituelle, Lord Voldemort attendait. Bellatrix et les autres s'assirent en silence, se jetant des coups d'œil curieux.

- Si vous avez été convoqués ce soir, c'est que vous faites partie du groupe qui ira récupérer la prophétie au Département des Mystères, annonça le Seigneur des Ténèbres. L'opération sera dirigée par Lucius Malefoy, que vous accompagnerez afin d'assurer le bon déroulement de la mission ; même si j'ose espérer que, vu la carrure de vos adversaires, cela ne devrait pas être bien compliqué pour vous.

Bellatrix eut un rire narquois, et Lucius abordait son éternel air supérieur.

- Potter tente de me fermer son esprit, depuis maintenant plusieurs mois, expliqua ensuite le mage noir. Ses efforts sont absolument vains, naturellement... j'estime avoir réuni assez d'informations sur lui pour pouvoir désormais cibler ceux qui lui sont le plus cher. Il n'y a qu'ainsi qu'il se déplacera jusqu'au Ministère par les temps qui courent. Bella, je crois que ton cousin Sirius va enfin pouvoir nous être utile...
- Allez-vous le tuer, mon Seigneur ? demanda la mangemort avec enthousiasme.
- Pas exactement, non... je sais à quel point tu désires mettre toi-même fin à ses jours, répondit son Maître. Néanmoins, je vais me servir de l'affection que lui porte le garçon pour attirer Potter jusqu'à nous. Grâce à mes talents de legilimens, je convaincrais Potter que son cher parrain à ma merci, et que nous nous trouvons à l'endroit exact où nous désirons qu'il se rende. Je connais assez le garçon pour savoir qu'il n'hésitera pas une seule seconde à voler à la rescousse de Black... n'est-il pas un Gryffondor, après tout ?

Les rires des mangemorts accompagnèrent les propos de Lord Voldemort, et ce dernier s'en délecta un instant avant de continuer l'exposé de son plan.

- Potter croit qu'il a accès à mon esprit, dit le mage noir, alors qu'il est en réalité manipulé. C'est grâce à son idiotie que je lui montrerai où se trouve la prophétie, et qu'il croira alors avoir l'avantage sur moi. Quand il la verra, il la récupèrera, et vous serez là pour la lui prendre. Vous connaissez déjà cette partie du plan. Laissez-moi Potter, restez discrets, et revenez ici dès que la prophétie sera entre vos mains. Est-ce clair ?
- Limpide, Maître, répondit Malefoy.
- Bien. Lorsque vous sentirez mon appel demain, transplanez directement au Ministère. Je ne veux vous revoir qu'une fois que vous aurez ce que je désire. Disposez.

Bellatrix sortit de la salle et se dirigea vers la cuisine. Elle n'avait pas encore dîné et la délicieuse odeur qui flottait dans les airs lui indiquait que Narcissa était sur le point de finir la préparation du repas. Elle retrouva en effet sa petite sœur aux fourneaux, ce qui lui ôta un souvenir.

- Il serait temps de régler ce problème d'elfe de maison, dit la brune.

Narcissa, qui n'avait pas entendu Bellatrix arriver, sursauta, puis esquissa un sourire.

- Oui, répondit-elle. Je n'en peux plus de faire les tâches ménagères. J'ai l'impression d'être une Weasley.
- Terrifiant.
- Tiens, peux-tu mettre la table ? demanda la blonde.
- Je te demande pardon ?

Narcissa leva les yeux au ciel. Bellatrix, elle, était profondément offusquée d'avoir reçu un tel ordre. Elle n'avait jamais eu à faire ce genre de chose, cela n'allait pas commencer aujourd'hui.

- S'il te plait, Bella.
- D'accord.

La mangemort ignorait de toute évidence où se trouvait la vaisselle, ce qui amusa sa sœur. Narcissa lui indiqua où les ustensiles étaient rangés, et Bellatrix s'attela à dresser la table pour le dîner en rouspétant dans sa barbe. Lucius, lui, arriva une fois que tout fut prêt, et n'eut qu'à glisser les pieds sous la table en attendant que son épouse le serve. Une fois que les trois furent assis devant leur assiette, Narcissa prit la parole.

- Alors ça y est... vous allez au Ministère.
- Oui. Tout est prêt, répondit Lucius. J'ai passé les derniers mois à inspecter le niveau 9, à faire des repérages et à m'assurer que nous aurons la voie libre. Tout devrait se dérouler sans accroche.

La maîtresse de maison parue peu convaincue. Bellatrix, la bouche pleine, tint à la rassurer.

- T'inquiète pas, Cissy, dit-elle. Ce sont des gosses, ils sortent à peine des jupons de leurs mères.
- Kreattur m'a dit qu'ils étaient déterminés à se battre contre le Seigneur des Ténèbres, rétorqua la blonde.
- Kreattur ? répéta Bellatrix en posant ses couverts. Kreattur t'a dit ça ? Quand l'as-tu vu ?
- Il est arrivé à la fin du mois de décembre ici, au Manoir, expliqua Narcissa. Il disait que Sirius lui avait ordonner de partir, et que, puisque j'étais la dernière Black en dehors de son Maître, il avait pensé à me rejoindre. Il m'a dit toute sorte de choses, que Lucius et moi avons transmis au Seigneur des Ténèbres. Il nous a raconté que l'Ordre du Phénix avait établi ses quartiers au square Grimmaurd, et que le garçon Potter aimait Sirius plus que tout.
- Répugnant, dit la brune avec une grimace. Je n'arrive pas à croire que ce sale traître à son sang ait transformé la noble et ancienne demeure de nos ancêtres en...en... ça.
- Moi non plus, dit la sœur avec regret.

Bellatrix se leva alors de table, et ensorcela sa vaisselle pour qu'elle se débarrasse elle-même. Avant de quitter les Malefoy, elle se retourna vers sa sœur pour lui lancé un regard moqueur.

- Oh et, retrouvez votre elfe. C'est insupportable de vivre comme les pauvres.

A Black Tale II : the Dark Lord ascendingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant