Le retour de Lucius.

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11 juillet 1997, Manoir Malefoy, Wiltshire.


Quand Narcissa se réveilla ce matin là, elle eut une étrange sensation dans sa poitrine. Il était très tôt, et le soleil ne brillait pas encore assez fort pour éclairer la pièce entière. Aussi, elle saisit sa baguette et alluma le lustre suspendu au plafond. À l'instant où la lumière des bougies se propagea dans la chambre, la femme sursauta. Assis sur un fauteuil au coin de la pièce, tout habillé de noir, un homme se tenait silencieux, immobile, tête baissée. Ses longs cheveux blonds presque blancs étaient plats, ternes et sales. Même sous ses habits, on devinait un corps décharné et abîmé. Assise sur son lit dans sa longue robe de nuit en dentelles blanches, Narcissa sentit ses yeux brûler et sa gorge se nouer. Elle se mordit la lèvre pour étouffer un sanglot, et descendit tout doucement de son lit. Tremblante, elle s'approcha prudemment de l'homme qui n'avait toujours fait aucun mouvement. Elle se mit à genoux devant lui, et posa délicatement une main contre sa mâchoire sur laquelle avait poussé une barbe mal entretenue et jaunissante. Une larme chaude coula le long de la joue droite de Narcissa Malefoy, et l'homme leva enfin ses yeux bleus vers les siens.

- Oh, Lucius...

Narcissa se jeta contre son époux et enfouit sa tête dans le creux de son cou, et, enfin, se laissa aller. Elle fondit larmes, le corps secoué de ses longs sanglots. Elle n'arrivait pas à croire qu'il était enfin là, devant elle, contre elle.
Jamais ils n'avaient été séparés si longtemps, et l'absence de sa moitié avait été si pénible, si douloureuse pour Narcissa qu'elle avait parfois cru perdre la raison.
Mais Lucius était de retour, après avoir été enfermé une année à la prison d'Azkaban. Et il était métamorphosé. Narcissa observa son visage désormais émacié, ses cernes sombres qui creusaient ses yeux, ses lèvres si sèches qu'elles n'étaient plus que des bouts de peau à moitié décollés et des croutes de sang séché.

- Oh, Lucius, répéta-t-elle d'une voix étranglée. Quand es-tu revenu ?

Le sorcier mit de longues secondes à répondre, avant d'expliquer très brièvement qu'il était rentré au Manoir une heure auparavant.

- As-tu faim ? Je peux aller te préparer quelque chose, il faut que tu... ou peut-être préfères-tu prendre un bain avant ?

Narcissa ne savait que proposer à Lucius, elle ignorait pas où commencer.

- Je ne compte pas rester dans cet état, répliqua froidement Lucius.

Sa femme aquiesça, et se dirigea aussitôt vers la salle de bain où elle fit couler une grande quantité d'eau bien chaude dans la large baignoire de leur suite. Elle y ajouta des huiles parfumées, et fit apparaître de la mousse ainsi que des bougies afin d'égayer au mieux la pièce. Elle commença à se déshabiller pour entrer dans l'eau et partager ce moment avec son époux, mais lorsque celui-ci entra dans la salle de bain, il se figea. Narcissa se sentit soudain mal à l'aise face à son regard glacial, et recouvrit instinctivement son corps de ses mains, bien que Lucius l'ait vue nue d'innombrable fois.

- Je préfère être seul, dit Lucius.
- Nous ne sommes pas obligés de parler, si tu le souhaites, assura doucement Narcissa.
- Je ne veux pas que tu me vois, Cissy, rétorqua sèchement Lucius. Pas comme ça. Sors, s'il te plait.

Narcissa sentit de nouvelles larmes lui monter aux yeux, mais elle acquiesça, ramassa ses affaires, et prit congé de son époux.

En attendant, elle se prépara à affronter une nouvelle journée. Elle revêtit une longue robe grise, accrocha à son cou son collier de perles offert par sa mère pour son dix-septième anniversaire et enfila une paire de talons. Quand elle fut prête, elle descendit aux cuisines afin de préparer un petit déjeuner copieux à son fils et son époux. À sept heure trente, quand elle eut terminé la cuisine, elle alla réveiller Draco.
L'adolescent avait refusé de dire à sa mère ce qui s'était passé après la dernière réunion, mais il avait depuis été incapable de passer une nuit paisible. Narcissa l'entendait hurler en plein milieu de la nuit, réveillé par d'horribles cauchemars. Mais Draco ne désirait nullement partager ses maux avec Narcissa, et gardait tout son malheur pour lui.
Quand elle ouvrit la porte de sa chambre, elle fut surprise de le voir déjà éveillé, assis au bord de son lit, dos à elle. À la lumière du jour qui filtrait entre les rideaux à demi clos des fenêtres, elle voyait que son fils transpirait abondement, et qu'il tremblait légèrement. Son cœur se serra.

- Draco ?

Le garçon sursauta, et lança un rapide regard à sa mère avant de se retourner. Narcissa vint s'asseoir à côté de lui, et passa une main dans ses cheveux humides.

- Ton père est revenu, dit-elle d'une voix douce. Tout rentre dans l'ordre.

Narcissa savait que ces derniers mots formaient un mensonge. Il lui semblait que, tant que sa famille était liée à Lord Voldemort, rien ne serait jamais en ordre.

- Ça va aller, continua la mère en caressant la nuque de son fils d'une main délicate. Tant que nous sommes tous les trois, tout ira. Ne tarde pas à descendre, d'accord ? Lucius veut voir son fils.


****


- Tout ça pour moi ? Quelle aubaine, je meurs de faim.

Bellatrix entra dans la cuisine et commença à se servir une assiette bien remplie. Narcissa la regarda faire, les lèvres pincées.

- Ce n'est pas pour toi, Bella, siffla la blonde.

Bellatrix s'arrêta et haussa un sourcil.

- C'est pour qui alors ?

Narcissa regarda quelqu'un par dessus l'épaule de Bellatrix, et cette dernière fit volte face pour découvrir celui qui venait d'arriver dans la pièce.

- Lucius, dit-elle avec surprise. Quelle charmante surprise.

L'homme ignora sa belle-sœur et alla se servir également une assiette avant de s'asseoir à table sans un mot.

- Je t'ai connu plus loquace, dit Bellatrix d'un ton sarcastique.
- Assez, Bellatrix, dit sèchement Narcissa.

Draco arriva à ce moment là, et s'arrêta net quand il vit son père. Lucius se leva d'un coup, et père et fils se firent face un long moment en silence. Un profond malaise pouvait se lire sur le visage de chacun d'entre eux. Draco découvrait la nouvelle apparence de son père, effaré, et Lucius baissait les yeux, honteux. C'était peut-être la première fois qu'il se sentait aussi vulnérable devant son fils. La dernière fois, c'était lors du procès, lorsque Draco l'avait vu enchainé devant le Magenmagot.

- Draco... dit Lucius d'une voix rauque.

Le garçon s'approcha prudemment de son père puis, lorsqu'il fut assez proche, le prit dans ses bras. Ils restèrent dans les bras l'un de l'autre, muets, immobiles, une bonne minute. Bellatrix, à côté, mangeait un croissant comme si de n'était, et Narcissa les observait, émue.

- Oh, au fait, commença Bellatrix la bouche pleine avant d'essuyer d'un revers de la main les miettes qui parsemaient son menton, j'ai quelques courses à faire. Cissy, j'ai mis la liste sur ton bureau... c'est assez urgent. Tu pourrais y aller pour moi aujourd'hui ? il n'y a pas grand chose, ça devrait être rapide.

Narcissa reposa la tasse de thé qu'elle avait porté à ses lèvres et lança un regard agacé à son aînée.

- Je ne suis pas ton elfe de maison.

Bellatrix étouffa un rire et se leva de sa chaise.

- Tu préfères peut-être que la seule sœur qui te reste prenne le risque d'aller faire son shopping sur l'une des avenues les plus fréquentées de Grande-Bretagne et se fasse arrêter par les aurors ? Ce n'est pas ma faute si vous avez été incapables de garder Buddy ou je ne sais quel était son nom.
- Dobby, corrigea Narcissa en serrant les dents.

La mangemort leva les yeux au ciel et soupira.

- La liste est sur ton bureau, dit-elle en se dirigeant hors de la salle à manger. Ne me fais pas attendre.

Narcissa n'eut pas le temps de protester que Bellatrix était déjà partie. Derrière elle, Lucius et Draco avaient observé la scène, silencieux, bien trop méfiants pour intervenir.


****


Chemin de Traverse, Londres.


- C'est quand même bizarre que tu n'aies pas de costume à ta taille, dit Andromeda en observant les passants autour d'elle d'un œil méfiant. Tu en avais pourtant acheté un pour le mariage d'Arya et Jane.
- Oui enfin, chérie, c'était il y a des années, répondit Teddy amusé, marchant à côté de son épouse sous le soleil écrasant du mois de juillet. Je sais que tu m'idéalises, mais mon corps n'est plus exactement le même que quand j'avais la vingtaine.

Andromeda s'arrêta et lança un regard contrarié mais tout de même amusé à son époux avant de jeter un petit coup d'œil à sa bedaine ronde.

- Oui, bon, avoua la sorcière. Mais ce n'est pas si flagrant, je t'assure. Ça ne se voit pas.
- Pas besoin de mentir, Dromeda, répondit Teddy en riant. Tant que tu ne demandes pas le divorce parce que ton mari est devenu gros, ça me va.
- Teddy ! rouspéta Andromeda. Divorcer, ça ne va pas ?

Teddy explosa de rire alors que les deux entraient chez Tissard et Brodette. Tout à coup, Andromeda se figea, et son cœur s'accéléra. La femme dans laquelle elle avait failli rentrer eut la même réaction, et manqua de faire tomber le sac de course qu'elle tenait de son bras gauche. Teddy sentit un profond malaise gagner l'atmosphère et s'empressa de se mettre en retrait. Quand Andromeda réussit à reprendre ses esprits, elle garda ses yeux plongés dans ceux de la femme blonde qui lui faisait face.

- Cissy...

Narcissa parut avoir un déclic en entendant le surnom affectueux, et elle passa brusquement devant sa sœur pour sortir précipitamment de la boutique de prêt à porter. Andromeda la regarda s'éloigner à travers la vitrine, encore fébrile.

- Hey, Dromeda ?

Elle se tourna vers Teddy qui la regardait avec inquiétude.

- Ça va, mentit-elle. Hum... le costume alors ?

Teddy hocha la tête, comprenant que son épouse ne désirait pas parler de ce qui venait de se passer.

- J'hésite entre le bleu et le jaune, dit-il.
- Le jaune ? Qu'est ce qui ne va pas chez toi ? plaisanta Andromeda en se penchant pour attraper une veste de tailleur bleu nuit. Tiens, ça, ça fera l'affaire. Du jaune, non mais !

****

- Tiens, ils sont là, dit Teddy en désignant un couple assis à une table isolée au fond du Chaudron Baveur.

Le couple Tonks alla rejoindre Nymphadora et Remus qui discutaient à voix basse. Ils embrassèrent leur fille et leur gendre avant de s'asseoir et commandèrent chacun une bièraubeurre quand le serveur passa.

- C'est une catastrophe au Ministère. Tout le monde soupçonne tout le monde, on est certains qu'il y a des espions parmi nous. Alastor et moi, on a décidé de s'éloigner du Bureau des Aurors pour un temps, dit Nymphadora d'un ton grave.
- D'après Kingsley, l'ambiance n'a jamais été aussi tendue, ajouta Remus. Même lui est d'accord pour affirmer que l'Ordre ne doit plus rien avoir à faire avec le Ministère de la Magie. Désormais, il faut se méfier des institutions, et faire front avec ceux qui sont dignes de confiance.
- Mais comment savoir à qui faire confiance ? N'importe qui pourrait être soumis au sortilège de l'Imperium, argua Andromeda. Regardez ce pauvre gamin un peu simplet... je n'arrive pas à me remettre son nom... Ted, tu vois de qui je parle ?
- Hmm... le garçon du bus ? demanda-t-il.
- Oui, oui, celui-là.
- Oh, Stan Rocade, dit Nymphadora.
- Oui, et bien voilà. Tout ça pour dire que ce peut être n'importe qui.
- Nous faisons très attention, maman, assura Nymphadora. D'ailleurs, à ce propos, nous avions quelque chose à vous demander.

Les Tonks échangèrent un regard incertain, mais Teddy invita tout de même sa fille à continuer.

- Et bien voilà. En gros ; Harry va être transféré de son domicile actuel, vous savez il réside chez sa tante horrible enfin ce n'est pas le propos mais... Harry va être transféré avant ses dix-sept ans, avant que la protection de son foyer cesse. Ce sera une grosse opération et je ne vais pas en révéler tous les détails, mais on a besoin que vous puissiez l'abriter le temps qu'il rejoigne un portoloin qui l'amènera en lieu sûr. Il y a des risques que les mangemorts pointent le bout de leur nez, et cela a pour but de brouiller les pistes. Vous serez en sécurité tout du long, nous nous chargerons de protéger votre maison. Il faudra juste accueillir Harry et lui donner l'accès à un portoloin.

Andromeda secoua la tête et commença à marmonner dans sa barbe. Teddy avait l'air grave, mais sa fille prit sa main dans la sienne et fit les yeux doux.

- Papa, s'il te plait... c'est très important...
- Je ne sais pas, Dora...
- C'est de la folie, ajouta Andromeda. Si les mangemorts surprennent tout cela, vous n'avez aucune chance. Il y aura des morts.
- Les mangemorts s'attendent à ce qu'Harry quitte le 4, Privet Drive le jour même de son anniversaire. Les chances qu'ils soient là avant cette date sont quasi inexistantes.
- C'est de la folie, répéta Andromeda à voix basse.
- Alors, insista Nymphadora, c'est oui ou non ? C'est vraiment important, c'est très important. S'il vous plait. Tout se déroulera bien, personne ne sera blessé. C'est juste une disposition de plus pour garantir la sécurité du garçon.
- Il va mourir de toute façon, rétorqua Andromeda. Tu-Sais-Qui le veut mort, pourquoi vous acharnez-vous à le maintenir en vie ? On sait tous comment ça va terminer. Tu devrais penser à toi avant de penser aux autres quelques fois, Nymphadora. Mais non, il faut que tu te la joues Poufsouffle tout le...
- Dromeda, grinça Teddy pour l'arrêter.
- Tonks, corrigea furieusement Nymphadora. Et toi, Andromeda, tu n'en as pas marre de ne penser qu'à ta gueule tout le temps ? Je te demande une chose, un infime geste pour notre cause, et toi tu penses à ta petite sécurité au lieu de penser à sauver des milliers de vies !
- Doucement, Dora, dit Lupin en passant un bras autour de la taille de sa fiancée. Ce n'est pas la peine de t'énerver. Ta mère s'inquiète pour toi, c'est normal.

Remus leva les yeux vers Andromeda, dont tous les muscles du visage étaient tendus.

- Madame Tonks, dit-il, je vous garantis qu'il n'arrivera aucun mal à vos proches. Nous avons fait très attention en montant cette opération. Vous voyez, Harry est très important, et nous avons l'intime conviction qu'il est l'unique sorcier capable de défaire Vous-Savez-Qui. Il est notre dernière chance, à tous. S'il lui arrivait quelque chose, aucun de nous ne survivrait. Si Harry n'est pas en sécurité, aucun de nous ne l'est. En aidant à protéger Harry, vous laissez une chance de survie à des milliers de sorcières et de sorciers, y compris à votre fille et votre époux.

Andromeda resta longuement silencieuse, puis elle regarda Teddy. D'un hochement de tête, ils se mirent d'accord.

- Quand aura lieu l'opération ? demanda-t-elle les lèvres pincées.

Un large sourire se dessina sur les lèvres de Nymphadora, et elle se pencha pour embrasser sa mère sur la joue.

- Le 27 juillet, répondit la métamorphomage d'une voix enjouée.

A Black Tale II : the Dark Lord ascendingWhere stories live. Discover now