L'épée de Gryffondor

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2 septembre 1997, Manoir Malefoy, Wiltshire.


Bellatrix était assise au bord de son lit. Elle se sentait comme un rat en cage. Lord Voldemort lui avait interdit de sortir du Manoir, ni même de quitter ses appartements lorsque d'autres mangemorts étaient dans les environs. Narcissa venait la voir régulièrement, et Rodulphus passait quelques fois, lui aussi. Mais la mangemort désirait une toute autre compagnie.
Elle avait passé treize ans entre les murs d'Azkaban, loin de son Maître. Maintenant, ils vivaient sous le même toit, et il ne daignait pas poser les yeux sur elle. Bien sûr, elle lui avait été utile pour ses... nouveaux plans. Mais depuis ce soir si étrange, c'est à peine s'il remarquait sa présence.

La sorcière inspira profondément, réunissant tout son courage, puis se leva. Elle se dirigea hors de sa chambre, puis tourna au bout du couloir et s'arrêta devant la porte qui donnait accès aux appartements de Lord Voldemort. Il était tard, elle le savait, mais son Maître était généralement encore éveillé à cette heure-ci. Elle leva le poing et s'apprêta à toquer quand une voix la coupa dans son geste.

- Il n'est pas là.

Bellatrix ferma les yeux, soupira, puis tourna les yeux vers l'endroit d'où la voix provenait. Son regard se posa sur le tableau d'une femme d'une trentaine d'années qui tenait un chat noir serré contre sa poitrine. Elle avait des yeux bleus comme la glace, et des cheveux si blonds qu'ils en étaient presque blancs. Elle regarda l'inscription en bas du cadre.

« Galatéa Malefoy, 1854-1886 ».

- Est-il parti depuis longtemps ? demanda Bellatrix à la sorcière de la peinture.
- Quatre heures environ, répondit la femme. C'est un sorcier étrange, votre ami.
- Surveille ton langage si tu ne veux pas que je jette ton portrait au feu.

La sorcière poussa un petit cri d'indignation, accompagnée par le miaulement strident de son chat qui s'agitait dans ses bras.

- Tu as entendu ce qu'il partait faire ?
- Non.

Bellatrix soupira et se laissa tomber au sol. Elle prit sa tête entre ses mains, le regard rivé sur le plancher sombre.

- Vous devriez vous reposer, madame, suggéra le portrait. Le bébé a besoin de repos.

Bellatrix lui lança un regard noir.

- Mêle-toi de tes affaires, Malefoy, hissa-t-elle.
- Par la barbe de Merlin, j'essaie simplement de vous aider, moi. Ce n'est pas possible ce que vous avez mauvais caractère chez les Black.

Bellatrix laissa échapper un petit rire surpris.

- Comment t'as su que j'étais une Black ?
- Vous avez tous la même tête. Et puis, je connais bien Narcissa. Elle est très gentille. Elle me raconte beaucoup de choses sur sa famille. Je la connais depuis qu'elle est toute jeune, vous savez. Elle venait passer ses après-midis au Manoir avec Lucius, il fut un temps. Bien sûr, elle habite ici désormais. Mais ce n'est pas pareil. Les choses ont changé.
- Elles ont changé pour le meilleur, répliqua sèchement Bellatrix.

La femme du portrait eut un sourire triste alors.

- J'ai vu beaucoup de choses, Madame Black, ces derniers siècles. Je ne saurais que vous conseiller d'être prudente. Ce sont des temps troubles, et l'ennemi n'est pas toujours celui qu'on imagine.

À ce moment, un bruissement se fit entendre, faisant sursauter Bellatrix qui se leva précipitamment. Dans la semi-pénombre, elle parvint à distinguer une grande silhouette sombre. Celle-ci s'avança légèrement, juste assez pour entrer dans la lumière des torches suspendues au mur, et Bellatrix put reconnaître le visage de son Maître. Il était froid, dénué d'expression, mais ses yeux écarlates brillaient d'une lueur maléfique. Il tenait sa baguette fermement dans sa main droite, et des tâches de sang étaient visibles sur le tissu sombre de ses robes. Maître et servante s'observèrent un moment en silence, jusqu'à ce que Bellatrix ait la présence d'esprit de s'incliner.

- Maître...
- Tu devrais aller te reposer, Bellatrix, dit-il sèchement, passant devant elle d'un pas fluide.

Elle tourna la tête pour le suivre du regard, les lèvres entrouvertes et le souffle court.

- Je n'arrive pas à dormir.
- Il existe des potions pour cela.

La porte des appartements du mage noir s'ouvrit sur son passage sans qu'il ne fasse le moindre geste pour actionner la poignée. Il entra à l'intérieur sans prêter attention à Bellatrix, qui le suivit jusqu'au pas de la porte, sans oser aller plus loin.

- Je me demandais... est-ce que...

Voldemort leva un sourcil interrogateur.

- Pourrais-je passer la nuit ici ?

Le mage noir se figea et fixa Bellatrix de son regard écarlate. La sorcière entendit alors un sifflement inquiétant derrière elle, et baissa les yeux pour voir Nagini ramper jusqu'à elle, puis la dépasser pour rejoindre son Maître. Voldemort passa lentement le bout de sa langue sur sa lèvre inférieure, ferma les yeux, et acquiesça doucement avant de s'adresser à Nagini en Fourchelangue. Le serpent marqua un temps d'hésitation, puis rampa à nouveau vers la sortie.
Voldemort invita Bellatrix à entrer, et ferma la porte derrière elle d'un geste de la main. D'un pas prudent, la sorcière s'approcha du lit sur lequel elle s'assit.

- Installe-toi. J'ai encore quelques choses à faire.

La mangemort acquiesça et se glissa dans les couvertures. Un long moment passa, où elle ne parvenait pas à trouver le sommeil et se contentait d'écouter les allées et venues de Voldemort dans ses quartiers. Puis, alors que ses paupières se faisaient lourdes, elle sentit le matelas être secoué par un poids, et comprit que son Maître était venu se coucher à côté d'elle. Elle n'osa pas se tourner vers lui, et resta de son côté du lit, immobile. Elle pouvait sentir sa présence derrière elle, humer son parfum métallique. Il l'avait autorisée à partager sa couche alors qu'elle l'avait déçu à plusieurs reprises. Pourquoi était-il si bon avec elle ?

- Quelque chose m'échappe.

Le mage noir avait parlé avec une voix presque inaudible, comme s'il se parlait à lui même. Bellatrix retint son souffle, maintenant bien éveillée.

- J'ai eu Ollivander, Gregorovitch... aucun des deux...

Voldemort n'avait pas dit à ses serviteurs la raison pour laquelle ces derniers avaient dû capturer le vendeur de baguettes magiques anglais. Bellatrix n'apprenait d'ailleurs que maintenant que son Maître avait également vu Gregorovitch. Était-ce de là qu'il revenait ? S'était-il rendu en Bulgarie pendant son absence ?

- Devrions-nous trouver un autre fabriquant de baguette, mon Seigneur ?
- Non, non, grogna le mage noir d'une voix aigüe. Je sais exactement ce que je cherche, et qui peut me donner des informations dessus. Il n'y avait qu'eux. Ils m'ont été inutiles. Ce que je cherche a été volé il y a des années, et l'identité du voleur est méconnue de tous.

Son ton était froid, presque menaçant. Bellatrix frémit, et se recroquevilla un peu plus sur elle-même.

- Potter n'est pas retourné à Poudlard. J'ai placé des hommes devant le Square Grimmaurd, envoyé d'autres vérifier le Poudlard Express. Aucun n'a été capable de me fournir la moindre piste.

Cette fois, Bellatrix se tourna et plongea ses grands yeux sombres dans ceux du Seigneur des Ténèbres.

- Vous avez les Rafleurs, Maître, qui patrouillent dans tout le pays. Des mangemorts, prêt à vous servir à chaque instant. La Gazette est de notre côté, tout comme l'opinion publique. Si nous ne parvenons pas à inciter les gens à se joindre à notre cause par les mots, nous le ferons par la force. Ils savent qu'ils ne peuvent pas nous cacher Potter. Nous sommes nombreux, je suis sûre que nous trouverons le garçon d'ici peu de temps.

Voldemort se contenta de fixer Bellatrix, l'air absent. Cette dernière porta une main fébrile à son visage, et ses yeux se remplirent de larmes d'émotion quand elle dit à son Maître :

- Le monde magique sera bientôt à vous, mon Seigneur. La victoire est proche, et je n'ai pas de désir plus grand que celui de vous voir triompher.

Le regard du mage noir descendit sur le ventre de Bellatrix, et il posa une main douce sur la surface arrondie.

- J'ai donné l'ordre de n'utiliser la Marque que si l'on trouve Potter. Aucun de mes mangemorts ne s'en est servi depuis.
- Vous la sentirez bientôt, Maître. Quelqu'un le trouvera. Il ne peut pas fuir indéfiniment.

Voldemort retira sa main d'un geste brusque alors, et tourna le dos à Bellatrix. Même s'il ne daigna pas s'approcher d'elle, ni lui adresser à nouveau le moindre mot, la sorcière se trouva grandement apaisée par la proximité entre elle et son Maître ce soir là et passa la nuit la plus douce qu'elle avait connu ces derniers mois.


****


15 Octobre 1997, Manoir Malefoy, Wiltshire.


Narcissa était assise à côté de Lucius, se tenant droite, avec toute la fierté qu'il lui restait. Son époux, lui, était avachi, le visage terne, les yeux creusés par des cernes sombres. Lorsque le Seigneur des Ténèbres fit son entrée dans la salle de réunion, Lucius frémit. L'instinct protecteur de Narcissa la poussa à prendre discrètement la main de Lucius sous la table, et ce dernier sembla se détendre légèrement.
La maitresse de maison jeta un regard circulaire à travers la pièce. Il n'y avait que peu de mangemorts réunis ce soir là. On ne pouvait compter que les frères Lestrange, Severus, Dolohov et les Carrow.

- Trois élèves ont tenté de dérober l'épée de Godric Gryffondor, déclara Lord Voldemort d'une voix glaciale. D'après ce que nous savons, Dumbledore aurait légué l'épée à Harry Potter. Nous ne pouvons qu'en déduire que nos voleurs tentaient de rendre à Harry ce qu'ils croient lui appartenir. Severus, tu remettras l'épée aux Lestrange. Rodulphus, Rabastan, vous placerez l'épée dans votre coffre-fort à Gringott.

Les trois concernés acquiescèrent.

- Amycus, Alecto, veillez à ce que les trois élèves soient punis à la hauteur de leur méfait. J'imagine qu'ils étaient tous de Gryffondor, hmm ?
- Et de Serdaigle, précisa Amycus d'une voix tremblante.

Voldemort ne releva pas, et fit signe à ses serviteurs de disposer d'un geste de la main. Tous se levèrent d'un seul homme, sans un bruit, le regard vide.


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31 octobre 1997,10, Montagu Road, Oxfordshire.


Andromeda jeta un coup d'œil inquiet à la fenêtre. Dehors, les enfants du quartier faisaient la tournée des bonbons, selon la tradition moldue pour fêter Halloween, le jour des morts. Certains étaient déguisés en « sorcier », c'est à dire avec une robe noire et un chapeau pointu de la même couleur. D'autres étaient des fantômes, des loups-garoux ou toute sorte d'autres créatures fantastiques. Pour les moldus, cependant, tout cela n'était que des contes de fées. Ils ignoraient que ces créatures vivaient parmi eux, et que certaines représentaient un grand danger pour eux. Andromeda sentit son cœur se serrer quand elle pensa à ce qui pouvait arriver à ces enfants innocents. Les mangemorts pouvaient arriver à n'importe quel moment.

Elle entendit la radio grésiller à l'autre bout de la pièce et tourna la tête. Debout à côté du poste, Teddy tenait sa baguette et répétait le même mot en boucle : « Albus ». Andromeda fit un léger sourire et s'approcha de lui à pas doux.

- C'est Fol'Œil, chéri, expliqua-t-elle.
- Oh, oui, répondit Teddy avant de se racler la gorge et de pointer sa baguette à nouveau sur le poste de radio. Fol'Œil.

Lorsqu'il prononça le mot de passe, la radio se mit automatiquement sur une station secrète. Potterveille venait d'être mise en place par des membres de l'Ordre du Phénix afin de dénoncer la réalité du régime mis en place par le Seigneur des Ténèbres. Chaque jour, des élèves et des adultes prenaient la parole sous des pseudonymes pour tenir leurs auditeurs au courant de ce qui se passait partout dans le monde magique, y comprit à Poudlard.

« Royal qui vous parle, six moldus tués par le chef des Mangemorts cette semaine. Restez vigilants, faites attention à vos proches, évitez le Ministère. L'homme à la cicatrice en forme d'éclair est toujours recherché, protégez-le afin de nous protéger tous. Aujourd'hui, la liste des victimes est courte. Nous déplorons les pertes de... »

- Teddy, on est vraiment obligés d'écouter ça ? se plaignit Andromeda.
- C'est important, Dromeda... répondit le sorcier.

Au même moment, on sonna à la porte. Le couple échangea un regard dubitatif, et Andromeda se décida à aller ouvrir, laissant Teddy écouter l'émission radio. Par précaution, elle prit sa baguette, et ne fit qu'entrouvrir la porte. Devant elle, trois enfants d'environ sept ans tendaient des sceaux déjà remplis de friandises.

- Des bonbons ou un sort ? fit la voix fluette d'une petite fille blonde.

Andromeda soupira, et ouvrit plus largement la porte. Elle leur donna chacun une bonne poignée de bonbon et les regarda s'éloigner. Derrière elle, la radio clandestine continuait de compter les morts.

A Black Tale II : the Dark Lord ascendingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant