La porte s'ouvrit sur ma mère. Ses vêtements étaient crasseux, déchirés et ensanglantés. Sous ses allures de zombie, son expression semblait horrifiée, attristée et incrédule. Il fallait dire que ce n'était pas tous les jours que l'on voyait deux vampires s'engueuler, l'un un fauteuil tenu à bout de bras sur le point de le briser et l'autre esquivant les projectiles que le jetait sa fille.

Mais ma colère s'estompa lorsque je me rendis compte que ma mère me plaignait du regard, et me jetai dans ses bras. J'étais heureuse qu'elle se soit pointée au bon moment, même si la découverte de son vase gisant au sol en mille morceaux avait changé le regard bienfaisant de ses yeux clairs. Chassant sa contrariété d'un battement de cils, elle prit mon visage entre ses mains, et déclara :

- Tu es magnifique.

Magnifique, moi ? Non je ne crois pas.

- Oui et ne le nie pas.

Oups. J'avais pensé à voix haute. Non ? Alors comment avait-elle fait pour interpréter mes paroles ? On disait toujours que les mères avaient un sixième sens. C'était sûrement ça. D'ailleurs, ça ne pouvait être que ça. Je changeai brusquement de sujet.

- Pourquoi n'es-tu là que maintenant ? Qu'est-il arrivé ? Pourquoi es-tu dans cet état ?

- Quand voulais-tu que j'arrive ? Nous avons patrouillé loin avec la meute, et avons rencontré la horde adverse. Un affrontement violent a eu lieu, et ils ont perdu beaucoup des leurs. Leah, ma meilleure amie s'est gravement blessée durant une bagarre avec un loup adversaire. Elle a perdu énormément de sang et son ventre comportait des blessures profondes jusqu'aux os. Malheureusement, elle est morte. Ce n'est pas mon sang que tu vois sur mes vêtements (je soupirai de soulagement). J'ai tenté de la sauver, mais même la vitesse de guérison d'un loup-garou n'aurait rien pu faire contre cela.

Ses yeux étaient humides ; elle semblait retenir ses larmes. Je la serrai à nouveau dans mes bras.

Elle chassa sa tristesse et passa outre les chamboulements de sa meute.

- Pourquoi vous disputiez-vous avant mon arrivée ?

Je jetai un regard noir à mon père, puis avouai :

- Papa veut que je retourne au lycée la semaine prochaine. S'il souhaite que je fasse de ce lieu un bain de sang... Je n'y vois pas d'inconvénient, ironisai-je.

- Tu sauras te contrôler ! protesta l'intéressé.

- Ah oui ? Alors explique-moi pourquoi je me suis jetée sur Clara !

- Tu as mordu Clara ?! s'enquit ma mère.

Dans le silence pesant, je répondis avec un pincement au cœur :

- Oui. Et presque tuée...

Et je lui expliquai mon après-midi. Seulement, ni moi ni mon père ne lui avouâmes que j'avais tenté de me suicider. Elle déclina, ne paraissant plus surprise du tout par mon attitude.

- Elle a raison John. C'est un très jeune vampire et c'est un miracle qu'elle n'ait pas tué Clara.

- Si je ne l'ai pas tuée, c'est grâce à papa. S'il ne m'avait pas empêchée de boire tout son sang, elle serait peut-être morte à l'heure qu'il est. Voici la preuve que je ne peux pas retourner au lycée, ajoutai-je.

Il soupira, excédé par cette conversation qui me portait avantage. J'étais fière que ma mère soit de mon côté -ce qui était rare-. Celle-ci darda son regard de prédatrice sur mon père. Droit dans les yeux, le menton haut, le dos droit et les mâchoires serrées. Ça ne m'aurait pas étonnée qu'elle se transforme sur-le-champ. Mais mon père ne céda pas, et soutint son regard jusqu'à ce que j'eusse fait diversion.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOnde histórias criam vida. Descubra agora