- Chapitre 29 -

En başından başla
                                    

« Vous allez mourir !

— Si vous restez là, je vais devoir m'assurer que vous ne mourriez pas, vous aussi. Partez, c'est mieux pour tout le monde. »

Tandis qu'il parlait, il esquiva une attaque, puis fit volte-face et courut ouvrir un placard, au fond de l'atelier, qui donnait sur une paire de rideaux de velours. Il les dégagea d'un geste brusque, pour laisser place à un portail aux bords scintillants, vers une ruelle déserte.

« Sortez par là ! » ordonna-t-il.

Bien que les adolescents n'aiment pas cela, ils durent reconnaître qu'il avait raison, et s'élancèrent vers l'issue. Mais l'hybride les avait remarqués. D'une démarche animale, il bondit à leur suite.

Valentin fut le premier à passer la porte, puis, à cet instant, regretta son acte : ses amies avaient-elles pu quitter la tour, elles aussi ? Pendant une fraction de seconde, il resta seul, physiquement vivant, mais mentalement mort d'inquiétude. Puis Anouk s'effondra sur lui. Même si ce contact le mettait mal à l'aise, il poussa un soupir de soulagement.

« Tu t'en es sortie ! Manon, tu es là ? »

L'absence de réponse, couplée à la goutte salée qui tomba de la joue de la graphiste sur son cou, fut éloquente.

« J'ai... j'ai entendu un claquement, en sautant, murmura-t-elle. Je crois que le placard s'est refermé.

— J'y crois pas... elle est restée là-bas, pour que le monstre nous atteigne pas.

— Elle s'est... sacrifiée pour nous ?

— Je crois bien. Maintenant, on doit lui amener des renforts. »

Ils se dégagèrent l'un de l'autre, et se relevèrent.

« T'as raison, affirma Anouk. On peut pas la laisser comme ça. Mais on fait comment ? Si on appelle le Sénat, le créateur ne va pas trop aimer.

— Inalén m'a dit de faire un signal, pour qu'elle nous localise. Je sais pas si ça nous aidera beaucoup, mais déjà on peut faire ça. J'ai le numéro de téléphone de Johanna, et un message ne coûte pas grand-chose. Et avec un peu de chance, le gars de la Galerie des Offices voudra bien nous aider, lui aussi.

— D'habitude, tu n'es pas aussi optimiste...

 — Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre ? Manon se met en danger pour nous. T'es la première à le dire, en tant qu'amis, il est de notre devoir de la sortir de la merde. »

*
*     *

La merde. C'était le meilleur mot pour décrire la situation dans laquelle Manon s'était retrouvée.

Seule — enfin, alliée malgré elle à une série de copies d'un homme dont l'art était inconnu —, face à des ennemis bien plus expérimentés qu'elle, ne serait-ce que parce qu'ils maîtrisaient leurs capacités magiques. Elle ne savait rien de son pouvoir, sinon qu'il inspirait les criminels ! Elle ne comprenait vraiment pas ce qui lui avait pris, lorsqu'elle avait fermé le portail vers l'extérieur.

Le créateur non plus, à en juger de son air déconcerté. Mais, plutôt que de le lui reprocher, il s'était contenté de grogner, et d'ouvrir un autre placard. Il en avait sorti un cerceau d'acier, et l'avait lancé vers elle. Au moment où l'objet avait touché le sol, une muraille translucide, mais solide, s'était dressée autour de l'écrivaine. Désormais, elle espérait que cette barrière supporte les attaques susceptibles d'arriver en sa direction, tandis qu'elle cherchait un moyen d'assister son protecteur.

Ses capacités intellectuelles ne l'aideraient pas, elle le savait. Ses faibles aptitudes physiques non plus. Il ne lui restait plus que son art, qu'elle redoutait d'invoquer depuis qu'elle avait vu ses conséquences sur les esprits, lorsqu'elle ne le contrôlait pas. De plus, elle n'avait pas eu le temps de prévoir comment elle souhaitait le modeler : si Valentin et Anouk s'étaient décidés dès leurs premières œuvres, elle voulait construire sa magie petit à petit. Essayer des choses et ne montrer au monde que le résultat. Cacher les faiblesses et n'exposer que les forces, comme dans la vie. Mais là, elle n'avait plus le choix. Elle devait prendre le risque d'échouer.

Alors elle ouvrit son ordinateur, et lança son programme de traitement de texte. Puis elle réfléchit aux visées de son écrit. Bien qu'elle aime les genres de l'imaginaire, elle n'était pas habituée à en écrire, elle ne se voyait donc pas matérialiser des objets. Elle préférait le policier, les enquêtes complexes, l'association d'indices. Lancer son lecteur sur des pistes, vraies ou fausses, et le laisser extrapoler. Le manipuler vers une conclusion de son choix, sans qu'il s'en rende compte. Lui donner des idées.

Lorsqu'elle s'échappa de ses pensées, elle réalisa qu'elle venait d'écrire une page de récit, à propos d'un des géants. Elle lui avait proposé d'arrêter le combat pour quelques instants, et quand elle leva les yeux vers lui, elle en resta bouche bée. Appuyé contre un mur, sa hache à ses pieds, il regardait l'affrontement comme un blockbuster hollywoodien. Elle avait réussi à infiltrer de nouvelles intentions dans son esprit, et à le persuader de les suivre. Ses pouvoirs s'étaient illustrés de manière si efficace, en si peu de temps... elle y croyait à peine.

 Puis une détonation la tira de sa rêverie. Elle se retourna vers la source du son, et se figea. Le créateur venait de tomber au sol, et un filet de sang coulait de sa jambe. Ses copies, elles, avaient disparu.

Artistes 1 - Le masque mimétiqueHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin