Chapitre 31

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Ema,

J'ai besoin que tu revienne. J'ai besoin d'effacer la douleur que j'ai lu dans ton regard hier. Ne me quitte pas comme ça, laisse-nous une chance. J'ai encore tellement de chose à te dire... Et si tu ne veux pas les entendre, je me battrais pour nous, je te le promets.

Milan

Les arbres défilent derrière les fenêtres de la voiture. Tout comme les sentiers, les villages que j'abandonne dans le rétroviseur. Je m'embourbe dans l'arrière-pays sans vraiment savoir où je vais. J'accélère toujours un peu plus pour laisser derrière moi les souvenirs qui me heurtent sans cesse, en vain. Les images se placardent devant mes yeux et que je le veuille ou non, je revis tout dans un immense chaos. La culpabilité dans le regard de Milan, les baisers passionnés que nous échangions, la confiance que je lui ai donnée, les mensonges qu'il trimballait... Et ma fuite. Ma fuite pour seule issue.

Je ne sais pas si j'ai bien fait de partir mais je ne pouvais pas rester dans cette maison. J'avais besoin d'être seule ; pour digérer, pour comprendre. Je suis seule maintenant, perdue au milieu de la campagne, mais je ne me sens pas mieux pour autant. Ce sentiment de trahison que je ressens depuis que j'ai posé les yeux sur ces satanés documents m'étreint si fort la poitrine que rien d'autre n'existe. J'ai baissé ma garde une fois, une seule fois. Je l'ai laissé m'approcher, je me suis débattue pour mettre au tapis mes propres démons et voilà où cette connerie m'a menée.

Je ne suis qu'une idiote. Je sais bien pourtant que je ne peux compter que sur moi-même et j'y ai cru.

Un rire amer résonne dans l'habitacle. J'efface mes larmes du revers de la main en reniflant bruyamment. Je suis pathétique bordel. Je suis amoureuse d'un homme qui me cache des informations sur ce qui fait ma vie depuis des mois et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Alors j'accélère et je m'engouffre sur des petites routes sinueuses. Le volant fermement ancré entre les mains, je redouble d'attention pour contrôler le véhicule et reprendre de la vitesse. Ces manœuvres laissent mes pensées dériver dans mon rétroviseur. L'espace de quelques heures, je ne vois rien d'autre que le bitume.

La journée touche à sa fin. Mon périple improvisé m'a menée sur des routes que je ne connaissais pas mais je réalise avec surprise que je ne me suis pas vraiment éloignée de la ville. Je dois être à moins de deux heures de chez Milan. Je n'ai pourtant aucune intention de retourner le voir ce soir, je ne suis pas encore prête à remonter sur le ring. Je m'arrête à une intersection pour étudier les panneaux. A droite, le nord et l'inconnu. A gauche, le sud et mes attaches. La gamine capricieuse et un peu tête brulée veut braquer à droite pour fuir sans laisser de trace. Je l'ai déjà fait une fois et même si je ne m'en souviens pas, je commence à penser que c'était finalement pour une bonne raison. Mais la sonnerie de mon téléphone me fait sursauter. Si je fulmine en imaginant Milan à l'autre bout du fil, je ne m'attendais pas à cette déception quand je vois le nom de ma meilleure amie.

Milan ne m'a pas appelée une seule fois depuis que j'ai claqué la porte de la Mustang. Pas un appel, pas un message, pas une excuse, pas une explication.

-Oui Jamie ?

-Rejoins-nous au Sick one Ema, on t'attend !

-On ? grogné-je entre mes dents.

-Oui, je suis avec Sophia. Ça te dit une petite virée entre filles ?

C'est exactement ce dont j'ai besoin.

-Je vous rejoins au bar dans une heure, ok ?

-Parfait !

Je bifurque finalement à gauche, non sans un regard vers la fuite que j'aurais de nouveau pu prendre. Je suis bien consciente que ce n'est sûrement pas une solution mais j'ai besoin de me protéger un peu ce soir. J'ai rarement eu aussi mal. J'ai l'impression que mon cœur n'est plus qu'une flopée de miettes éparpillées un peu partout. D'un coup de vent, il ne reste plus rien de lui. Et même si je vais continuer à pister Natur'alliance, cela n'atténuera pas mes regrets.

Nos Petits Mots (Terminé)Where stories live. Discover now