Chapitre 15

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Milan,

Je sais, j'ai vraiment un caractère de merde. Oui mais voilà, ça tu le savais déjà avant de me demander de m'installer ici, alors arrête de te plaindre ! Je n'ai pas aimé ta réaction la semaine dernière quand je t'ai parlé de mes parents et je n'ai absolument pas envie d'aborder à nouveau le sujet avec toi. Je ferais tout pour découvrir la vérité, que ça te plaise ou non. Je préfèrerais simplement que tu sois de mon côté.

Ema

-Ema ! Tu vas sortir quand de cette foutue salle de bain ?

La voix de mon petit frère gronde derrière le bois de la porte. Je l'entends faire les cent pas en grommelant mais je ne peux m'empêcher de sourire. J'adore le mettre en rogne. Il est encore plus mignon quand ses cheveux rebelles caressent sa moue boudeuse. J'ouvre la porte à la volée en lui déposant au passage un petit baiser sur la joue.

-Tu fais chier Em' ! Ça ne te suffit pas de faire la gueule depuis une semaine, il faut aussi que tu monopolises la salle de bain ce soir ?

-T'en fais pas beau gosse, tu as encore le temps de te préparer. Arriver à l'heure, c'est pour les nazes.

Visiblement agacé, mon frère referme la porte d'un geste brusque. Un rapide coup d'œil dans le miroir quand je regagne ma chambre me conforte dans mon choix vestimentaire. Généralement, je me fiche totalement de ce que je porte mais ce soir, j'ai envie de faire un effort. Je veux que Milan sache que cette soirée est importante pour moi aussi. Je veux qu'il monte sur scène avec la certitude que je suis là, comme avant. Que je ne raterai plus aucun concert et que je me posterai toujours au milieu de la foule pour qu'il puisse s'accrocher à mes yeux de jade si le stress se fait trop intense. Je veux simplement retrouver ce que nous avions, il y a sept ans.

Depuis notre légère altercation la semaine dernière, Milan n'a cessé de vouloir me faire renoncer à ma petite enquête concernant Naturalliance. Selon lui, je vais me fourrer dans les ennuis au lieu de laisser la police faire son travail. Après plusieurs jours sous tension, j'ai fini par aller voir cette fameuse police en laquelle il croit tant. Comme d'habitude, les officiers en charge du dossier de mes parents m'ont servi leur baratin habituel et se sont contentés de m'abreuver de détails inutiles. Je suis donc ressortie du commissariat encore plus déterminée à rendre une petite visite à cette structure si mystérieuse. Quand j'ai raconté cela à Milan, il s'est décomposé. Je comprends qu'il veuille me protéger mais je ne saisis absolument pas pourquoi il tient autant à me tenir à l'écart des investigations. Nous nous sommes donc disputés une nouvelle fois et j'ai fini par lui claquer la porte de ma chambre au nez.

C'était hier soir. Depuis, je ne l'ai pas vu. Je l'ai entendu partir au salon de tatouage ce matin mais je suis restée cloitrée une bonne partie de la journée, à noircir des pages entières de mon petit carnet aux dorures envoutantes. J'ai laissé les mots heurter le papier pour laisser éclore ce qui tempête en moi. Depuis que j'ai perdu les pédales, j'essaie de ne plus me comporter comme une gamine en pleine crise d'ado et je crois que mes confessions écrites m'aident à y voir un peu plus clair. J'ai ainsi pris conscience que le soutien de Milan me manque cruellement et que je me sens seule.

Mais ce soir, je veux faire une trêve. J'en ai assez de toutes ces tensions. Tant pis s'il ne veut pas me soutenir, j'avancerai seule. Je suis d'ailleurs plutôt douée à ce petit jeu. En attendant, je veux m'assurer que Milan passera une belle soirée sur scène, là où est sa place. Je veux revoir son sourire illuminer ma nuit et son regard brûler mes peurs. Je veux entendre sa voix susurrer à mon oreille comme si nous étions seuls sur terre. Je veux oublier tout ce qui n'est pas nous le temps de quelques chansons.

Nos Petits Mots (Terminé)Where stories live. Discover now