Chapitre 19

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Milan,

J'ai de plus en plus de mal à rester loin de toi. Nos petits jeux me rendent folle et je ne sais pas vraiment comment tout cela va se terminer. Mais une chose est sûre, je ne ferai pas marche arrière. J'espère simplement que tu veux la même chose que moi.

Ema

-Veuillez patienter un instant, le Docteur Copri va vous recevoir.

Un sourire crispé aux lèvres, la femme rousse postée à l'accueil du centre Naturalliance me fait signe de me diriger vers la salle d'attente. Je m'exécute docilement, le cœur battant à l'idée de ce qui m'attend. J'ai rendez-vous avec un conseil naturopathe pour « faire un bilan de mon état de bien-être ». En réalité, je suis ici pour découvrir ce que cache cette structure plutôt simple au premier abord, localisée en périphérie de la ville, dans une zone industrielle très animée en semaine.

Le bâtiment est plutôt accueillant, avec sa belle façade blanche et ses espaces verts arborés. Derrière une grande baie vitrée qui absorbe les rayons du soleil, une immense entrée prend place au milieu de laquelle trône la femme rousse, accoudée derrière une banque d'accueil en chêne clair. Quelques tableaux tachètent les murs immaculés, présentant divers remèdes médicinaux contre des maux bien connus de notre époque : anxiété, burn-out ou encore troubles alimentaires. Une douce mélodie jouée au piano s'échappe de quelques haut-parleurs disposés ci et là, intensifiant cette atmosphère sereine. Tout le monde se salue et prend le temps d'échanger quelques paroles lorsqu'ils se croisent. Mais rapidement, je remarque les regards appuyés des uns et des autres à mon encontre et la quiétude s'étiole, me rappelant mes doutes et mes interrogations.

Je n'ai prévenu personne de mon initiative. J'ai l'habitude d'avancer seule et de pas déranger les autres. J'ai toujours pensé que l'amitié était faite pour partager des moments mémorables mais je n'ai jamais réussi à ouvrir mon cœur à qui que ce soit d'autre qu'à Milan. Pourtant, en cet instant, j'aurais bien besoin que quelqu'un soit là pour me serrer la main et me dire que je ne suis pas en train de faire une grosse bêtise. Mais il est trop tard pour reculer, j'aperçois déjà un homme d'une cinquantaine d'années, au crâne chauve et au regard perçant se diriger vers moi. Ses lèvres fines sont dissimulées sous une barbe grisonnante et ses traits semblent avoir été dessinés au fusain. Précis, anguleux, tranchants. Une fois prise au piège de son regard, je ne parviens pas à m'en défaire.

-Mlle Pazzi, je vous heureux de vous rencontrer. Je suis le Dr Copri, suivez-moi s'il vous plait.

Sa voix est grave et parfaitement placée, comme s'il avait répété pendant des années pour obtenir cette élocution ensorcelante. Je lui emboite le pas silencieusement, enregistrant tous les détails qui me sautent aux yeux sur notre chemin. Le silence qui règne dans les couloirs quand on s'enfonce dans le centre, la démarche assurée du Dr Copri qui déambule comme s'il possédait le monde entier, les poignées de main respectueuses qu'il reçoit dès qu'il croise quelqu'un, les messages positifs exposés le long du corridor. Je suis sur mes gardes et je peine à maitriser le tremblement de mes mains mais il me suffit de penser à mes parents pour m'insuffler un nouvel élan de courage.         

Le cinquantenaire s'arrête devant une grande porte en bois massif sur laquelle est accrochée une plaque dorée avec son nom gravé. Il l'ouvre et m'invite à m'installer sur un fauteuil confortable en face de son bureau. Il attrape une bouteille d'eau fraiche ainsi qu'un grand verre qu'il me tend en souriant brièvement. J'avale une petite gorgée d'eau pour gagner du temps, je ne me sens vraiment pas à l'aise avec cet homme.

-Je suis très heureux de vous accueillir au centre Naturalliance Mlle Pazzi. Je vous écoute, expliquez-moi ce qui vous amène ici.

-Je... je suis venue pour vous parler de mes parents. Je... je sais qu'ils... étaient impliqués dans votre centre et je voudrais vous demander si vous avez une idée de ce qui a pu leur arriver. Ils ont été victimes d'un accident très violent qui leur a coûté la vie et j'aimerais comprendre.

Nos Petits Mots (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant