Au revoir, Ariane ❤

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Avant d'ouvrir les yeux, je sentais le danger. J'ouvris les paupières sur un ciel bleu moucheté de nuages. J'étais allongée sur le flanc et la froideur du sol s'insinuait à travers mes vêtements... là où j'en portais. Mon corps était à peine recouvert d'un débardeur qui avait dû être blanc dans une autre vie, d'un pantalon en cuir et de bottes de motard, autour de ma taille était nouée une chemise rouge à carreau qui aurait fait hurler des groupies fan de mode. Prenant conscience de ma nuque endolorie, je tentais de me relever. Mes mains glissèrent dans la boue. Cahin-caha, je me remis debout, les jambes flageolantes. Une douleur martela mon crâne. Je massai mes tempes du bout des doigts. Un liquide poisseux les teinta de rouge. L'odeur cuivré du sang empli mes narines. Ma vue se brouilla. Je dus fermer les yeux pour retrouver une vision à peu près normale. Je balayais le paysage alentour d'un coup d'œil circulaire. L'endroit m'était vaguement familier mais une douleur fulgurante résonnait dans ma tête, m'empêchant de penser clairement.

Des tombes. L'endroit pullulait de tombes par centaines. Les stèles étaient brunies par les années passées sous la colère des éléments. Dénouant la chemise de ma taille, je la revêtis. En me frictionnant les bras, des bribes de souvenirs me revinrent. Un visage à la beauté diabolique. Je me souvenais m'être dit qu'il était dangereux, ses yeux sombres lui donnaient un air de voyou. Et après, c'est le trou noir. Comment je me suis retrouvée ici ? Je n'en n'ai pas la moindre idée.

-Ariane !

Je me tournai en direction de la voix. Un homme au visage identique à celui de mes souvenirs. Entièrement vêtu de noir, de son cuir aux bottes, un pistolet nonchalamment posé sur son épaule. Il était adossé à une moto d'un rouge incarnat. Ai-je déjà mentionné son épaisse chevelure sombre et sa peau mate ?

Automatiquement, mon corps se mit en mouvement dans sa direction. Soudain, ça fit tilt dans ma tête. Si j'avais été un personnage de dessin animé, une ampoule se serait allumée au-dessus de ma tête.

-Liam.

Il avait une bonne tête de plus que moi, je dus lever les yeux pour rencontrer ses yeux insondables, deux puits sans fond, une abysse encore plus profonde que les fosses Marianne. Ses doigts s'aventurèrent sur mon visage, puis tracèrent la courbe de mes lèvres. Mon cœur était sur le point d'exploser.

-Qu'est-ce qui s'est passé ?

-Un vilain coup.

Sa voix était envoutante, fascinante. Une merveille que je rêvais d'étudier de plus près.

-Quoi comme mauvais coup ?

Le son de ma voix était plat, sans aucune profondeur, comme si je me fichais de ce qui m'était arrivé. Rectification : je me fichais de ce qui m'était arrivé tant que sa main trainerait lentement le long de ma joue. Je m'écartai brusquement. Qu'est-ce qui me prenait, enfin ? Je retrouvai mes esprits et considérai Liam avec un mauvais œil. Ce genre de type était capable de vous embrouiller dès le premier regard, il respirait le danger. Tout comme moi. Et pourtant, je savais que j'en étais amoureuse. Terriblement. Et le pire dans tout ce remue-ménage ? Je savais qu'il partageait mes sentiments. Nous nous ressemblons suffisamment pour que nous puissions partager nous aimer d'un amour maudit. Même si Liam jouait plus sur la carte du type séduisant et moi sur l'insaisissable.

-Notre dernier chasseur de prime t'a filé un mauvais coup. Je suis parti chercher des victuailles (il désigne un sachet) après t'avoir cachée dans ce cimetière. Qui viendrait te chercher ici ?

Je me souvenais de la fuite, des cavales, les chasseurs de prime à notre suite. Mon passé en était la cause et Liam m'aimait suffisamment pour m'avoir suivie. Nous vivions de vol, de choses pas très nettes, mais je m'en fichais. C'était, au contraire comme vivre quelque chose d'excitant. Ne jamais savoir ce qu'il pouvait survenir et pourtant continuer à avancer défiant toutes les lois. Tout ça à cause de ma participation à la sélection. J'ai tenté de l'assassiner et c'est revenu aux oreilles du roi. Il a envoyé ses sbires à mes trousses. Je suis traquée là où je pose le pied. Et pourtant j'ai l'impression de voler.

Parfois, je me demande ce qu'il serait advenu de moi si j'avais été choisie pour être reine. J'aurais été une reine pitoyable. Le palais se serait refermé sur moi. Il serait devenu ma prison. Sans compter que l'amour d'Aidan était si différent de celui de Liam. Il avait tendance à couver, à considérer une femme comme une petite chose fragile qu'il devait protéger. Aux côtés de Liam, je goûtai l'indépendance et la liberté à pleine dent. J'ai fait la paix avec moi-même. Je n'avais plus peur de m'endormir et voir les visages maculés de sang de mes proches en jurant que par la vengeance.

Maintenant, je pouvais enfin vivre.

L A P R I N C E S S E ♛ - Jeu de rôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant