Phase 1.2☞Arrivée au palais • Ariane Thompson

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A R I A N E

L'assise est inconfortable. Je croise et décroise mes jambes plusieurs fois durant le trajet tant la douleur aux fesses est insupportable. L'homme assis en face, me toise de ses yeux de braise. Je me sens mise à nue, si bien que je ne fait que me trémousser sur le canapé doré qui sert de chaise. J'extirpe une cigarette d'un paquet de Malboro ainsi qu'un briquet. La flamme danse avant d'embraser le bout de ma clope que j'apporte à mes lèvres. Je me demande ce que cet homme doit bien pouvoir penser de moi. Moi, l'orpheline, au tatouage gothique représentant une liane qui s'enroule autour de mon poignet, qui est choisi pour participer à la sélection. La sélection est un jeu, ce qui tombe bien pour moi, j'ai toujours été une grande joueuse. Particulièrement ceux du genre dangereux, ce qui fait ma renommée. Dans le genre, je suis le chat et tu es la souris. Mais dans la rue, on apprend très vite que jouer n'est pas un acte sans conséquence. Dans ce monde s'applique une loi que tous se doivent de respecter. Tuer où être tué. Les âmes faibles sont immédiatement rayées de la carte. Dès lors, cette règle apprise, je me suis mise à tuer. A tuer, tout en me remémorant ce visage qui se matérialisait dans mon esprit. Lui, cette crapule pour laquelle j'avais participé à la sélection. Je n'imaginais pas être prise, mais je dois bien avouer que c'est un soulagement. Tout serait beaucoup plus simple. Gagner la sélection ne me viendrait même pas à l'esprit. Mais je pourrais enfin me venger.Mon regard gagne la fenêtre. Pendant un certain temps, je contemple les champs verdoyants où broutent les chevaux sauvages aux longues crinières. Si bien que je me surprends à repenser à lui. Lui, cet être qui a chamboulé ma vie du tout au tout. J'étais heureuse avant. Avant son apparition à lui. En me souvenant de son visage maculé de sang, je sers les lèvres et tire sur ma cigarette. Le nuage de fumée s'élève dans la voiture. Quel plaisir!Enfin la voiture s'arrête. Bien trop occupée à fumer, je n'avais même pas aperçu que nous sommes arrivés à destination. Tout est exactement comme je me l'étais représentée. Le château est immense et je me surprends à m'imaginer de longs corridors blancs où je pourrais m'échapper en toute discrétion tandis que mes compagnes dormiraient à poings fermés. De grands bassins ont également été creusés à même le sol. Je réprime de justesse un rire sarcastique, par respect pour l'homme dont le temps a creusé des rides sur son visage bouffi. J'ignorais à quoi s'attendait ce brave monsieur, mais apparemment pas à ma réaction décalée. Pas d'émerveillement, pas de cris. Rien que le silence. Mon cœur devint aussi lourd que la pierre.A travers la fenêtre, j'aperçois quantiques visages se massant auprès d'une famille royale. Tous, sans exeption, ont un sourire gravé sur leur visage. Je remarque leurs vêtements de trop bonnes qualités qui brillent sous le soleil éclatant. Tout semble mignon, dans ce monde. Bien trop pour moi. L'homme se penche pour m'ouvrir , mais je m'interpose. J'attrape la poignée, m'extirpe de moi-même à l'extérieur et tient la porte au vieil homme qui en sort aussi rouge qu'une pivoine. -Vous ne devriez pas, mademoiselle. Je suis payé pour. -Au diable les convenances. Arrêtez un peu de râler et laissez-moi vous aider. Pour la première fois, je lui décoche un sourire. Alors que j'attends un peu de politesse, il fixe obstinément ma clope coincée entre mon index et mon majeur. Comprenant ce qu'il insinue, je l'écrase sous la semelle de ma chaussure. Je relâche la porte et mon regard tombe sur lui. Il me sourit, me dévore du regard alors que je le fixe avec haine. Colère, douleur et tristesse me transperce le cœur. Il ne doit pas se souvenir de moi, sinon il ne me sourirait pas. Sous mes yeux furieux, le visage du Prince se couvre du sang. Mais pas de n'importe lequel. Le sang de ma mère. Le soleil joue avec ses cheveux. Je dois bien admettre qu'il est aussi beau que les filles le disent. On m'avait souvent jugé d'assez belle, mais d'où je viens, la beauté est un poison. Je me force à sourire. D'un sourire haineux en direction du Prince dont le visage redevient neutre. J'entre dans le château, inspire une goulée d'air et y disparaît sans une seule pensée pour le Prince.

L A P R I N C E S S E ♛ - Jeu de rôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant