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[musique en média]




Harry


    La salle était silencieuse. Gabriel finissait de manger, je le regardais faire. Parfois, il battait des ailes pour se déplacer de plat en plat. Un petit groupe de professeurs était parti, quelques uns persistaient ; surement qu'ils attendaient que je sorte à mon tour. Mon aigle a terminé son repas avec un dernier morceau de viande et a regagné mon avant-bras. John se tenait droit à côté de la porte, le menton levé, les mains derrière lui. Ce qu'il paraissait solennel, c'était inhabituel. Peut-être qu'il sentait une menace au-dessus de lui, peut-être que Morgan était la menace. Et c'est justement lui qui m'a interpellé. Sa voix inanimée a résonné dans le réfectoire : lui, Wolf et Greem me regardaient de l'autre bout de la pièce. Et, à contre-coeur, je me suis avancé, me postant devant eux, la mine assurée.


— Que puis-je pour vous ?


— Ne fais pas le malin Harry, a tranché le directeur. Mr Greem m'a informé que c'était toi qui avait hébergé Miyu et sa sœur. Tu les as donc influencées à quitter l'université sans prévenir aucun professeur et tu les as mises en danger alors qu'elles étaient sous notre responsabilité.


— Quoi ? Mais non, je-


— Mr Sleaz confirme les propos de Mr Greem.


— Mais...


— Une punition t'attend. Mr Sleaz va te raccompagner à ta chambre. Inutile de discuter ; c'est inacceptable.


    J'étais abasourdi. Puni ? Ça n'avait aucun sens. Le plus souvent, Wolf ne remarquait pas lorsque nous fuguions quelques heures, même un jour entier. Nous étions si nombreux, que l'absence d'un élève n'arrivait jamais à l'oreille de notre proviseur. Et voilà que j'étais puni pour avoir accueilli Miyu et Thalia chez moi. J'étais en colère. Furieux contre Mr Wolf, furieux contre Mr Greem et surtout furieux contre Morgan. Heureusement pour lui, il n'abordait pas son abominable sourire vicieux – car honnêtement je n'aurais pas pu me contenir de lui sauter à la gorge.


    Il m'a attrapé le coude du bras sur lequel je n'avais pas Gabriel et m'a trainé hors du réfectoire. Je me suis débattu pour défaire son emprise et l'ai menacé du regard. Il n'a pas tiqué, préférant continuer à me mener à ma chambre. Cependant, ce n'était pas la direction des dortoirs. Mon aigle commençait à s'affoler. Il remuait ses ailes, se tordait le cou pour inspecter les couloirs, défiait l'horrible chauve-souris de Morgan. J'essayais tant bien que mal de le relaxer alors que l'homme à mes côtés ne cessait de me bousculer pour que je marche plus vite. Finalement, nous sommes arrivés devant une porte que je ne connaissais que trop bien.


— Que faisons-nous là ?


— Tu es puni.


— Oui, mais seulement-


    J'ai été coupé par le cri strident de Gabriel, ôté sauvagement de mon bras. Morgan le tenait dans ses mains alors que mon aigle bougeait dans tous les sens pour se libérer. Ma haine envers cet homme n'a fait que décupler. Mon sang pulsait, je ne réfléchissais plus normalement. Mes nerfs étaient à vif, mon oiseau tentait de se débarrasser de lui mais sa prise était trop forte. Je lui ai alors infligé un coup de poing puissant dans les côtes. Il a tangué une seconde mais s'est redressé. Sa chauve-souris a fondu sur mon visage, me griffant les joues et le front. J'ai immédiatement fermé les yeux en cherchant à repousser l'animal. C'était le chaos. Je n'arrivais plus à résonner correctement. Une force m'a poussé à l'arrière, j'ai trébuché sur le tapis et me suis retrouvé au sol, le totem de Morgan toujours en train de massacrer ma peau. J'ai enfin réussi à l'écarter mais c'est seulement quand je me suis relevé que j'ai découvert que je me trouvais dans la « salle sans nom ». Morgan se tenait fièrement à l'extérieur, Gabriel entre ses mains, sa chauve-souris revenue sur son épaule. J'ai repris mes esprits et ai foncé sur lui pour l'étrangler mais il a claqué la porte avant que je ne puisse le toucher. Un cliquetis s'est glissé jusqu'à mes oreilles : il avait fermé à clé. De toutes mes forces, j'ai cogné mes poings contre le bois, provoquant un boucan énorme dans le manoir. Il avait mon aigle. Il avait gagné. Il m'avait enfermé. Et je ne pouvais rien faire.


Butterfly | hsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant