Cinquante-sept

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Cinquante-sept (813 mots)

Pdv de Benjamin Pavard

Être sans Jade au sein du groupe de garçons me manque terriblement. La joie qu'elle apportait, le stress qu'elle nous faisait oublier, les fous rires, les moments plus girlys, les délires à chaque instant, les surnoms, le sourire qu'elle nous transmettait instinctivement, le naturel de son charme, sa simplicité à apprécier chaque moment, même ceux qu'on détestait... Tout ça pour dire qu'elle me manque. En réalité, je mens. Elle nous manque.

On adore l'appeler ; Kylian, Lucas, Théo, et moi en premier évidemment. Antoine lui parle plus par messages, je sais qu'ils ont des discussions plus profondes qu'elle n'en a avec d'autres. On parle énormément sur le groupe Whatsapp, à tel point qu'on a dû en créer un autre sans elle afin de ne pas déranger l'organisation et une partie du staff.

Je surveille peu ses intéractions d'abord car notre relation est un peu étrange : on s'est quittés silencieux, se faisant des adieux devant tout le monde, et on s'est dit qu'on attendrait mon retour pour une discussion sur notre nous. Mais son départ hors de son appartement précipité l'a traumatisée et je ne voulais pas la laisser revivre chez Lola. Pas qu'elle ne se seraient pas supportées ; au contraire, elles s'adorent et ont déjà vécu ensemble. Le problème est que Lola n'a qu'une chambre donc Jade aurait été forcée de dormir sur le canapé, de plus ça lui rappelle une période difficile de sa vie, et je ne veux pas qu'elle se sente mal.

Elle a donc emménagé chez moi il y a quelques jours, et m'a appelée pour qu'on discute. On s'est dit qu'à notre retour, on avait qu'à vivre ensemble pendant quelques semaines et voir si ça nous allait ou non.

J'ai hâte de rentrer, et en même temps, ce sera probablement après la fin de la Coupe du Monde. Cette période est chargée, et un aller-retour à Lille me fatiguerait beaucoup trop physiquement.

Je sais que Jade bosse toujours à la boulangerie, d'ailleurs elle doit se lever à des heures pas possibles afin d'arriver là-bas à temps. Elle est épuisée et quand elle rentre, elle fait les courses, le nettoyage, la cuisine, passe des entretiens d'embauche, retravaille son CV et l'envoie partout où elle peut bosser. Son seul passe temps, c'est analyser les derniers matchs de nos futurs adversaires afin de nous aider comme elle peut.

Je m'inquiète pour elle. D'abord à cause de son angoisse de ne pas trouver un job, malgré ses recherches intensives. Elle passe deux à trois heures par jour à prendre les transports en commun et déposer son CV dans toutes les boîtes aux lettres des entreprises où elle pourrait avoir une chance de travailler. C'est déjà difficile de trouver du travail, ça l'est d'autant plus quand tu n'es pas diplômé... Je crois en elle, je suis sûr qu'elle va décrocher un contrat quelque part.

Mais je suis aussi inquiet parce qu'elle transforme sa passion en obsession. Elle passe des heures à analyser des matchs, nous prévenir des tactiques de nos adversaires, de nous citer leurs qualités, leurs points faibles, etc. Elle ne pense qu'à ça hors du taff. Elle sort de la boulangerie, rentre, vérifie ses mails, ses appels et se met à regarder deux, trois ou même quatre matchs d'affilée. Elle en oublie parfois de manger. Ça devient inquiétant pour moi, car j'aurais tellement aimé qu'elle puisse travailler avec nous ; en tant que masseuse, comptable, avocate, kinésithérapeute, n'importe quoi s'il le faut, mais elle n'a aucun diplôme. Et ça me tue qu'elle soit loin de moi comme ça.

Je la veux à mes côtés, pour me supporter, me réconforter, me câliner, me partager sa bonne humeur.

Je la veux pour toutes ces raisons qui font que je n'oublierai jamais cette première et unique nuit qu'on a passée ensemble.

Je la veux près de moi afin que je puisse me moquer de ses bafouillages, de son stress, de sa ressemblance avec Raiponce, de son manque de confiance en elle alors qu'elle est parfaite en tout point.

Je la veux ici, proche de moi. Je veux pouvoir ressentir la chaleur de son corps, entendre son cœur battre fort, sentir son odeur irrésistiblement agréable, entendre sa voix si douce, la voir rire haut et fort.

Je la veux heureuse, et je sais qu'elle est plus qu'heureuse avec moi. Je sais que je la fais se sentir bien car quand elle va mal, j'arrive toujours à la faire sourire à nouveau.

Je la veux.

Je la veux car c'est Jade, et quel fou ne voudrait pas d'elle ?

Je la veux car chaque cellule de mon corps s'affaiblit quand je suis loin d'elle.

Je la veux car sa présence me manque et que je lui manque aussi, à elle.

Je la veux car elle est belle.

Je la veux car elle est mienne.

Je la veux car je l'aime. 

Cheveux bouclésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant