Chapitre dernier

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PDVAlizée 15/06/16 15:22


Je m'empare de l'arme, ma paume glisse sur le métal et s'emboîte parfaitement, comme si j'étais faite pour l'utiliser, mon Excalibur.

Je fixe mes yeux gris sur la détente, mais je n'ose pas y glisser les doigts par peur d'y exercer une pression indésirée, pourtant j'y suis bien obligée et je déglutis, anxieuse. Le remue-ménage autour de moi ne cesse pas, devient bien trop violent. Je vois au loin un gardien plaquer au sol un détenu de tout son poids et j'entendrais presque ses os se briser.

Je croise le regard du garde, rien que quelques secondes, et lui n'a sûrement pas assimilé mon personnage au lieu inapproprié où il se trouve, car il est trop occupé à enfoncer un taser dans le dos du criminel. Je ne dois pas ralentir la cadence, même si les grenades dans ma tête explosent trop près de mes tympans.

Ma tête me lance, elle tourne, tourne, tourne, comme une toupie. Une toupie dont la rotation devient difficile, granuleuse.

L'arme est lourde dans ma main, tout comme le poids des pierres dans celle brisée, au moins, elles sont à égalité.

L'océan humain se dresse devant moi, infranchissable, impressionnant, tumultueux. Je me répète en boucle le plan, le plan il faut que je suive le plan à la lettre. Tirer dans la main d' Ashton, simuler une crise hystérique, m'échapper de l'asile avec l'aide de Will, puis faire sortir mon amant de l'hôpital -c'est qu'à même plus simple de faire évader quelqu'un d'un hôpital que d'une prison-, s'enfuir. C'est le plan, voilà le plan.

Je m'élance, ignorant les détenus me percutant de plein fouet, parfois si fort qu'ils coupent ma respiration déjà difficile. Je ravale les cris qui veulent s'échapper de mes lèvres, je ne dois pas crier, c'est nécessaire, je ne dois pas prendre le risque d'attirer l'attention, il ne faut surtout pas que j'attire l'attention. Je me recroqueville le plus possible, plaque l'arme contre mon ventre comme une peluche sans laquelle je ne pourrais dormir.

J'accélère mon pas douloureux, on me heurte, on me percute, mes cheveux volent, ma main brûle, on me rentre dedans, je ferme les yeux, j'ai mal, on me tamponne, j'arrive, je le vois.

Je le vois, son crâne garni de boucles. Il n'est pas bien loin, mais pas véritablement près non plus, l'exact entre deux. Il ne m'a pas encore vu, je ne peux pas crier, le risque, toujours ce risque d'attirer l'attention. Je me retrouve les bras ballants, lourds, le regard fixé et frustrée, furieuse. Il ne me voit toujours pas, regarde moi !

Comme s'il avait attendu ma prière silencieuse, il pivote soudainement vers moi. Ses joues sont creusées mais il n'a pas l'air en sous nutrition, ses yeux sont enfoncés dans son crâne et il m'offre un petit sourire encourageant, le même qu'autrefois. Il ne faut pas que tu t'inquiètes pour moi, Alizée, tout va très bien se passer, m'avait-il dit. Ouais, tout vas bien se passer, il le faut.

Je lève d'une main tremblante l'arme, parcourue de spasme parfois si violent que je manque la lâcher, calme-toi. Je souffle un bon coup, inspire-expire, je dois seulement tirer dans sa main, c'est tout, tout va très bien se passer. Je suis obligée de perdre notre contact visuel pour être plus précise lors de mon tire, ce n'est pas mon tout premier, et heureusement, mais je ne suis pas vraiment à l'aise, beaucoup trop anxieuse à mon goût. Je dirige lentement, très lentement, le canon de l'arme dans la ligne jusqu'à viser la main de mon amant.

Je suis dans l'obligation de ramener ma deuxième main brisée autour de l'autre afin de l'empêcher de trop trembler, ce serait mauvais. Mes doigts contre le métal lisse et propre, l'odeur du soufre cyanure valériane et belladone, belladone, concentre-toi.

Sweet Serial KillerWhere stories live. Discover now