Enfance au manoir Hidalf (Writober 2021, spécial Mathieu Hidalf)

31 : Le bal des monstres

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Malgré sa punition qui durait depuis un an et demi, Mathieu trouvait finalement que ce n'était pas aussi pénible qu'au début d'être enfermé dans sa chambre. Il avait ainsi échappé à plusieurs visites de Marie-Marie du Château-Boisé et Mme Hidalf se débrouillait régulièrement pour faire venir Pierre Chapelier au manoir.

Ce qui n'empêchait pas Mathieu d'être jaloux de sa sœur aînée, Juliette d'Or, pour se trouver au centre du royaume depuis déjà quelques mois. À sa place, il se serait rendu devant les grilles de l'Élite tous les jours pour y espionner les élèves, admirer l'Arbre doré planté dans le vestibule de l'école et observer avec admiration les Élitiens qui s'y trouvaient.

Avec un peu de chance, l'un d'eux l'aurait même salué, puisque Mathieu était à présent l'enfant le plus connu dans tout le royaume.

Mais ça, ce n'était qu'un rêve d'enfant, et hélas pour lui, Mathieu en était toujours un, ce qu'il détestait au plus haut point. En apprenant que sa sœur participait à un bal costumé au château et que ses parents s'y rendaient également, il avait explosé de colère.

S'il avait été adulte, il n'aurait pas été puni, et il aurait pu aller à ce bal et y rencontrer qui il voulait, préparer des contrats, les faire signer à des idiots en échange de services futiles.

Pour se venger, il s'imagina que le bal était rempli de monstres tous plus affreux les uns que les autres. Sa propre imagination le fit frémir alors que son esprit inventait des monstres tout droit sortis des contes interdits aux moins de 16 ans écrits par la grand-mère édentée. Il osa même imaginer que les terribles frères Estaffes qui se trouvaient parfois dans ces histoires viendraient perturber le bal, avant d'être arrêtés par Louis Serra.

Sa bonne humour fut de courte durée à cette pensée. Après tous, les monstres n'étaient pour la plupart pas réels, les Estaffes n'existaient pas et n'étaient que l'invention d'une vieille femme au caractère revêche, tous comme les dragons ou beaucoup de monstres marins.

Il se demanda soudain si Juliette d'Or dansait avec un jeune homme, et si oui, lequel. S'il arrivait à deviner, peut-être qu'il pourrait la faire chanter et obtenir enfin la chambre de sa sœur, puisqu'elle ne vivait de toute façon plus au manoir Hidalf.

Fier de son idée, Mathieu fut cependant contraint de la rejeter lorsqu'une autre traversa son esprit. Une idée si osée qu'il resta figé un moment, incapable de croire qu'elle serait faisable. Mais si elle marchait...

Seul dans sa chambre, il se mit à rédiger plusieurs lettres à différentes attentions. L'une d'elle pour un allié qu'il avait depuis quelques années parmi les journalistes du royaume, une autre pour sa sœur où il exigeait qu'elle lui remette sa chambre et la plus importante, à la grand-mère édentée elle-même.

— J'espère qu'elle acceptera, murmura le garçon pour lui-même.

Il envoya une nymphette porter ces lettres et s'endormît nerveusement. Il rêva d'un bal étrange, où des monstres dansaient avec des nymphettes à taille humaine. Où sa sœur faisait face à un Estaffes, où ses parents discutaient avec un ogre. Son réveil agité fut stoppé par la venue de sa mère dans sa chambre au matin suivant, qui lui déclara que le bal avait été magnifique, et qu'il aurait le droit de participer au prochain, s'il n'était pas puni bien sûr.

Mathieu l'ignora, préférant lire son courrier, avant de sourire à sa mère.

— Je suis sûre que l'anniversaire du roi sera très réussi s'il y a un bal, dit-il joyeusement.

Mme Hidalf sourit à son fils sans se douter qu'il avait entre les mains une lettre qui pourrait changer la destinée du royaume. Après tout, son garçon était gentil malgré ses bêtises occasionnelles, il ne ferait rien de véritablement fâcheux.

Publié le 12 / 08 / 2022