25 : Tempête de légumes géants

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Les légumes étaient souvent cuisinés au manoir Hidalf, sans pour autant qu'ils soient appréciés à leur juste valeur. Chaque enfant Hidalf avait des aliments qu'ils détestaient profondément, ou qu'ils refusaient obstinément de goûter.

C'est pourquoi Mme Hidalf avait donné aux cuisiniers une instruction radicale pour que ses enfants mangent enfin des légumes. Les employés avaient échangés des coups d'œil surpris, se défiant les uns les autres de faire le plat le plus exceptionnel possible pour impressionner la femme devant eux.

Au repas suivant, Mme Hidalf fut la seule à sourire face au plat posé sur la table de la salle à manger. Même M. Hidalf resta bouche bée face à l'énorme dinde qui trônait devant lui. L'animal semblait aussi gros qu'un cochon.

— Emma, est-ce que des invités doivent venir dîner avec nous ? demanda-t-il à sa femme.

— Pas ce soir, mais Julius Maxima doit passer la semaine prochaine.

Juliette d'Argent regarda son frère, certaine qu'il était responsable de l'énorme repas qui se trouvait près d'eux, mais devant l'air stupéfait de Mathieu, elle comprit qu'il n'avait rien fait qui explique la situation. Prudemment, elle coupa un gros morceau de l'animal, avant de se lever de table en voyant un liquide rouge couler à gros flots du plat.

— C'est du sang ! s'écria-t-elle.

— Allons ma Juliette, regarde mieux, demanda doucement sa mère.

— C'est du jus de tomate, nota Juliette d'Airain. Et on dirait...

— Oh, il y a du chou dans la dinde ! ajouta Mathieu.

— Et des pommes de terre ! renchérit Juliette d'Or.

Les quatre enfants s'extasièrent devant la quantité de légumes qui se trouvaient dans la dinde fourrée, ayant déjà oubliée leur frayeur première.

— Bien ! Puisque tout le monde a faim semble-t-il, chacun devra prendre un peu de tout ! décida M. Hidalf.

— Si j'avais su, j'aurai invité Pierre, murmura Mathieu. Il y a des betteraves, et je sais qu'il adore ça.

— Tu devrais en manger quelques unes, suggéra Juliette d'Argent. Peut-être que comme ça, tu grandiras aussi vite que lui.

Son frère rougit, furieux qu'on lui rappelle qu'il était petit. À sept ans, il se plaisait à croire qu'il était grand pour son âge, tout en sachant que c'était faux. Au même âge, son ami était plus grand d'au moins une tête, et l'écart de taille entre eux deux ne cessait de s'agrandir au fil du temps.

Mathieu mordit rageusement dans un bout de concombres, dévisageant les betteraves comme si elles l'avaient insulté. Sous le regard sévère de sa mère, il finit tout de même par en goûter un ridicule petit bout, et même s'il trouva que le légume était meilleur que le cèleri, il se jura de ne plus jamais en manger.

Une fois le plat dévoré, il ne restait plus beaucoup de place dans les estomacs des convives pour profiter du dessert, qui leur arriva sous une forme bien étrange.

— Mère, père, pourquoi le gâteau est orange ? questionna doucement la petite Juliette.

— Il est à la carotte, indiqua le serveur.

— Mais on a déjà mangé tous nos légumes ! protesta Mathieu. Je préfère encore ne prendre de dessert !

— Mathieu, tu ne peux être impoli de la sorte qu'avec un Pompous, gronda M. Hidalf, alors soit tu te tais et tu prends une part de gâteau, soit tu vas trouver un Pompous pour lui jeter ta part à la tête !

Peu enclin à sortir et marcher des heures jusqu'au manoir de la famille Pompous, Mathieu mangea finalement une part de gâteau à la carotte et fut à nouveau agréablement surpris. Le glaçage à la vanille sur le dessert allégeait le goût du légume qui n'était d'ailleurs pas très fort.

— Finalement, c'était un bon repas, reconnut Juliette d'Or en sortant de table. Mais j'espère que ça n'arrivera pas souvent, il y avait beaucoup de légumes.

— Oui, une vraie tempête ! grommela Mathieu.




Publié le 09 / 08 / 2022

Enfance au manoir Hidalf (Writober 2021, spécial Mathieu Hidalf)Where stories live. Discover now