21 : Mamie est cannibale

37 8 7
                                    



585 mots, écrits sur le thème : « Mamie est cannibale »




Héloïse Hidalf était la doyenne de sa famille. À soixante-cinq ans, sa beauté avait perdu de sa superbe, et le temps lui faisait un peu perdre l'esprit. Les secrets sulfureux qu'elle gardait tenait en respect ses rivaux, qui n'osaient pas s'aventurer dans ses affaires, sous peine d'y risquer leur réputation et leur fortune.

Tout en étant moins vieille que Maitre Magimel, sa santé était moins bonne que celle du vieux magistrat. La moitié de son temps, elle le passait dans un des confortables canapés du manoir Hidalf, l'autre moitié dans sa propre demeure, bien moins proche de l'océan.

Quand Juliette d'Airain avait deux ans, Mathieu lui avait fait croire que leur grand-mère était cannibale. Il lui avait donné deux preuves.

La première était le goût avéré de la vieille femme pour les gâteaux que préparaient Mme Hidalf, des desserts sucrés représentant de petits personnages.

La seconde était la phrase que leur grand-mère disait toujours en venant les voir : « Ils sont à croquer ! ».

Mais le temps avait passé et la petite Juliette ne croyait plus a ces sornettes depuis longtemps. Assise sur une des chaises de la table du salon, elle écoutait les conversations des adultes avec grand intérêt. De temps à autre, elle tendait sa main vers une coupole pleine de biscuits et de chocolats, en essayant d'avoir l'air raisonnable. En face d'elle, son frère avait moins de scrupules et tenait déjà deux grosses poignées de sucreries entre ses mains.

— Rigor, je crois savoir que tu as contacté les ogres pour faire commerce avec eux, aborda la grand-mère.

— Les rumeurs sont rapides, maugréa M. Hidalf.

— Que comptes-tu faire avec eux ?

— Les ogres ont une force bien plus importante que la nôtre, et comme beaucoup de montagnes se trouvent dans ces zones, j'envisageai un échange de fournitures. Autant de bois que nécessaire pour qu'ils puissent se chauffer à tout instant de l'hiver, une livraison régulière de poissons, en échange de certaines roches. Il paraît que certaines sont particulièrement solides, je pense pouvoir les monnayer à bon prix auprès du roi pour qu'il ait une demeure annexe en cas de guerre...

— Mathieu, Juliette ! s'écria Mme Hidalf. Ne mangez pas tant de sucres, vous n'aurez plus d'appétit pour le dîner !

Les deux enfants échangèrent un regard dubitatif avant que leur grand-mère ne vienne à leur secours.

— Laisse donc, Emma. Il est normal d'aimer le sucre lorsque l'on est jeune. Le risque pour eux, c'est qu'ils aient l'air si appétissant qu'une ogresse vienne les dévorer.

— Une ogresse ? s'inquiéta soudain Mathieu. Quelle ogresse ?

— Mes enfants, c'est ainsi que beaucoup surnomme ma mère, soupira M. Hidalf. C'est une ogresse des secrets, elle dévore la réputation de ses rivaux aussi vite que toi devant ces bonbons. Et maintenant, filez avant qu'elle n'essaye de connaître vos secrets.

La vieille femme se mit à rire joyeusement et les deux partirent précipitamment.

— Tu avais raison, Mathieu, murmura Juliette d'Airain. C'est bien une ogresse.

— Elle ne nous mangera pas si elle pense que nous n'avons aucun secret à cacher. Ce qui devrait être facile pour toi, tu ne caches jamais rien ! Mais moi, il faut bien que je prépare mes bêtises, c'est un gros travail, soupira son frère.

Héloïse Hidalf écouta d'une oreille distraite ces mots avant de reporter son attention sur son fils, qui lui donnait tous les détails de son futur projet avec la demeure annexe du roi, qui devrait lui apporter de grands honneurs.

Elle en parlerait certainement à Abélard la prochaine fois qu'elle le verrait. Après tout, il pourrait être intéressé.




Publié le 25 / 07 / 2022

Enfance au manoir Hidalf (Writober 2021, spécial Mathieu Hidalf)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant