11 : Profondeurs insondables

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598 mots, sur le thème "Profondeurs insondables"



Mathieu regardait le garçon devant lui avec une certaine froideur. L'enfant avait parfaitement compris la manigance de sa mère, une manœuvre assez désespérée.

L'enfant allait bientôt avoir quatre ans, et malgré son très jeune âge, il avait déjà un esprit hors du commun. Il détestait être si jeune, et que son anniversaire coïncide avec celui du roi, car cela signifiait que personne ne se souciait de fêter le sien. L'année passée, alors qu'il se trouvait dans la garderie du château pendant que ses parents fêtaient le cinquante-troisième anniversaire du Grand Busier, Mathieu avait profité de l'occasion pour fuir la garderie, interrompant la cérémonie.

L'incident avait eu un effet bénéfique, du moins aux yeux des parents Hidalf. Ils avaient pris conscience que le garçon n'avait aucun ami, sans cela il serait resté dans la garderie du château le soir de ses trois ans. À cet âge, ce n'était pas si surprenant, mais couplé avec son mutisme total, cela avait commencé à devenir problématique. Si Mathieu arrivait à se faire comprendre, il n'était pas capable de dire un mot intelligible, encore moins une phrase.

Sa mère avait tenté, en vain, de le faire parler un peu, Maître Magimel lui avait fait de longues leçons pour lui apprendre du vocabulaire, ses soeurs avaient essayé de l'aider, mais rien n'était venu à bout de son mutisme. En désespoir de cause, Mme Hidalf avait supposé que Mathieu ne parlait pas car il n'avait simplement personne de confiance avec qui parler. Les deux Juliette s'étaient vexées, avant d'admettre qu'elles n'avaient pas besoin de mot pour comprendre leur frère.

Et voilà pourquoi, devant Mathieu, un garçon blond qui devait avoir deux ans de plus que lui le regardait en silence. Il avait des yeux aussi noirs que les siens, mais en dehors de ça, Mathieu pressentait que le garçon ne pouvait pas être plus différent de lui.

— Je m'appelle Pierre Chapelier, se présenta enfin le garçon blond. Et toi ?

Son ton poli était suffisant pour que Mathieu se désintéresse de lui. Peu importe ce que pouvait bien dire ce camarade inattendu, le jeune Hidalf était certain que ce Pierre était prévisible.

Pendant une grosse heure, les deux garçons restèrent dans la chambre de Mathieu. Celui-ci feuilletait l'album de l'Élite que lui avait offert sa soeur ainée quelques jours plus tôt. En réalité, il était surtout rempli de vignettes de jeunes garçons séduisants que Juliette d'Or avait réussi à récupérer dans le dos de M. Hidalf.

Pierre tenta bien de lui parler à quelques reprises, mais très rapidement, il dût constater l'évidence : Mathieu ne lui parlerait pas plus qu'à n'importe qui d'autre. Le garçon blond resta donc assis, silencieux, observant l'autre enfant.

La porte de la chambre s'ouvrit sur Juliette d'Argent, qui regarda l'enfant blond puis Mathieu.

— Il n'a rien dit, c'est ça ? supposa la fillette.

— Pas un mot, soupira Pierre.

Les deux enfants parlèrent un peu, sans plus se préoccuper de Mathieu. Celui-ci se joignit finalement à eux, leur donnant des vignettes qui se trouvaient en double dans son album. Il n'aimait pas être laissé de côté, alors il se débrouilla pour être dans le centre de l'attention de sa soeur et de ce garçon étrange.

Le soir venu, Pierre dût partir. Mathieu n'avait pas encore parlé, mais les deux garçons étaient amis. Seule Juliette d'Argent se doutait de la chose, et elle souriait un peu. Les liens qui allaient unir les deux enfants se renforceraient sans doute rapidement, des liens d'une profondeur insondable.

Dans le même temps, son petit coeur d'enfant battait joyeusement à l'idée de revoir Pierre, sans qu'elle ne se doute de ses sentiments tout juste naissants à son égard.



Publié le 16/12/2021

Enfance au manoir Hidalf (Writober 2021, spécial Mathieu Hidalf)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant