20 : Prison virtuelle

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575 mots, écrits sur le thème : « Prison virtuelle »




M. Hidalf avait beau aimer ses enfants sincèrement, les punir ne le dérangeait pas lorsqu'il estimait qu'ils avaient commis des bêtises. En particulier Mathieu, qui se faisait un devoir depuis plusieurs années de gâcher l'anniversaire du roi par une frasque.

De ce fait, lorsqu'il avait accepté que son fils ait un chien à quatre têtes à ses cinq ans, il avait signé avec lui un contrat, espérant ainsi inculquer quelques notions de responsabilité dans la tête de l'enfant. Et même si cela avait eu peu d'effets, cela lui donnait tout de même le droit de punir son fils lorsque l'animal commettait une faute.

Manger une nymphette en était une, voilà pourquoi Mathieu était consigné pour une semaine dans sa chambre, n'ayant le droit d'en sortir qu'au moment des repas, pour rejoindre sa famille.

Assis sur son lit à contempler le plafond, le garçon estimait que son père était injuste. Comment pouvait-il empêcher Bougetou de manger des nymphettes ? À part avertir les petites fées de ne pas s'approcher de son chien, il ne pouvait pas agir.

Depuis peu, il s'était mis à affirmer à ses parents que la Tour des Enfants était une prison, et que sa chambre en était une cellule. Sa mère avait rougi d'embarras, son père s'était empourpré de colère. Ses sœurs n'avaient rien dit, mais avaient acquiescé en silence.

Il était resté puni malgré tout.

Un après-midi pourtant, il eut la surprise de voir Marie-Marie venir dans sa chambre. Elle avait été invitée par ses parents, et après avoir passé du temps avec les Juliettes, la fillette avait décidé de venir voir Mathieu.

Les deux enfants étaient silencieux, Bougetou allongé près d'eux, ses quatre têtes blanches endormies sur le tapis de la pièce.

— Je suis toujours puni même lorsque ce n'est pas de ma faute, se plaignit Mathieu.

— Je ne suis jamais punie, avoua Marie-Marie d'une voix plate.

Ses grands yeux noirs étaient fixés sur une nymphette, assise près d'une fenêtre, dont les battements d'ailes légers suffisaient à éclairer la salle.

— Ah bon ? Et pourquoi ça ?

— Je vis avec mon oncle. Il est gentil, mais souvent absent.

— Donc tu es seule dans ta maison ? C'est bien ?

— Je suis souvent seule, et il n'y a pas de nymphettes dans l'aile où je vis. Mais ça ne me dérange pas.

Mathieu haussa un sourcil intrigué, mais son attention fut vite détournée par Bougetou quand celui-ci se réveilla, venant le bousculer, sans doute pour jouer. Le chien ne se tourna pas immédiatement vers Marie-Marie, mais quand il le fit, la fillette sourit joyeusement, son visage s'égayant pour la première fois depuis qu'elle était entrée dans la pièce.

Un peu vexé de ne pas avoir été celui qui la faisait sourire en premier, Mathieu se convainquit que c'était parce qu'ils se trouvaient dans la cellule d'une prison, pas dans une chambre confortable. L'atmosphère devait inquiéter la demoiselle, alors il s'évertua à discuter avec elle de tout et de rien, comme s'ils avaient toujours été amis.

C'était la deuxième fois que Marie-Marie venait au manoir, et Mathieu demanda à ses parents de l'inviter plus souvent, une fois la journée finie. Mme Hidalf en semblait ravie, mais elle perdit son sourire quand son fils lui déclara qu'une fois qu'elle et son mari seraient morts, il aurait le manoir pour lui tout seul, comme Marie-Marie.

Devant tant de grossièreté, et même si ces mots ne contenaient pas de méchanceté, M. Hidalf punit de nouveau son fils.

Une semaine de plus dans sa chambre.

Dans sa prison, songea Mathieu.




Publié le 15 / 07 / 2022

Enfance au manoir Hidalf (Writober 2021, spécial Mathieu Hidalf)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant