CHAPITRE 3 | Stan

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☾ 𝐒𝐓𝐀𝐍 ☾

Les yeux éteints, le regard vide, je stationne quelques instants devant l'édifice ancien sous un ciel sombre. Je fais tourner ma chevalière sur mon annulaire gauche, réfléchissant.

J'ai toujours eu des tendances mélancoliques, elles prennent largement possession de mes pensées, tournant, retournant dans mon esprit alimentant autant ma poésie que ma chute. J'apprécie donc être en mouvement afin de faire taire le tourbillon omniprésent dans ma tête. Alors, j'aime le début de l'année à Oxford, il apporte toujours son lot d'excitation, d'adrénaline et de secrets.

Je passe une main entre mes mèches sombres comme les plumesd'un corbeau  et relève la tête vers le ciel. La nuit est noire, parsemée de nuages et de quelques étoiles qui brillent malgré les lumières industrielles. J'ai toujours aimé le ciel.

Skyler

Son visage éclaire mes iris. Je la revois, en colère d'être terrifiée, tremblante devant mon apparence. Elle a changé. Elle a toujours été belle, mais à présent, elle est tout simplement irrésistible. Surtout pour un homme aussi dépravé que je le suis. Mon cœur bat, fort.

Enfin, je pénètre dans la bibliothèque universitaire. Le bois ancien du parquet craque sous mes chaussures vernies. Il fait trop sombre pour que je distingue bien le lieu, mais à force, je le connais par cœur. Alors je laisse ma main nonchalante caresser les rangées de livres. Mes pupilles s'ajustent à la pénombre, réduisant mes iris bleutées à un mince liseré clair. Mais c'est dans la noirceur que je me sens le plus moi. Car le vice aime l'obscurité et que je ne suis plus qu'une simple enveloppe de chair aux miens.

Rallume ces yeux, Stan.

Je secoue la tête faisant fuir mes pensées euphoriques. Je m'y noierais si facilement si je le pouvais, mais je dois rester ancrer sur terre pour le moment.

Lorsque j'arrive dans le coin de la bibliothèque que je convoite, je glisse la main derrière la rangée des livres que personnes n'ouvrent jamais et actionne un mécanisme. Dans la seconde un bruit mécanique retentit et provoque le déplacement lent de l'étagère. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres. Malgré tout, j'apprécie toujours ce spectacle.

L'ouverture laisse place à un escalier pentue bordé de lampes orangées. Je descends les marches unes à unes en réajustant ma chemise noire ouverte sur mon seul et unique pendentif. Celui que je ne quitte plus.

Une fois en bas, je toque trois fois sur la porte en bois me faisant face. Il suffit d'une seconde pour qu'une encoche sur la porte s'ouvre à son tour. Je me racle la gorge et murmure à voix basse :

-       D'honneur et de pouvoir.

Sur mes mots, la porte s'ouvre. Et je pénètre dans la salle avec une aisance que j'ai apprise de mon père.

Je suis accueilli par la scène habituelle de chaque début d'année. Des étudiants et des anciens élèves, tous vêtus de vêtements formels, et cette très grande pièce dans laquelle je retrouve les canapés en cuir couleur vin rouge, le long bar verni, le sol en pierre et cette ambiance de richesse tellement ancrée dans les histoires familiales qu'elle en devient évidente.

Je salue d'un mouvement de tête ces visages familiers. Ici, on retrouve toujours les mêmes personnes malgré les siècles qui passent. Les héritiers des familles anciennes et puissantes du Royaume Uni, ceux qui possèdent encore des titres avant leurs noms de famille. Mais aussi les enfants d'artistes célèbres pour leurs travaux dans le pays, ou encore, les fils de politiciens et diplomates influents. Pour ma plus grande fierté, j'appartiens à cette dernière catégorie. Si je suis à Oxford, c'est pour suivre les traces prestigieuses que mon paternel a laissé pour moi. Que je le veuille ou non.

INSOMNIA #1Where stories live. Discover now