Chapitre 19

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Le couteau dans la main, j'hésite fortement à en faire un autre usage que ce qui m'est demandé par "tante Krisha". Depuis maintenant deux heures, je m'amuse à enlever les bouts de gras sur la viande crue qui m'est donnée. Les mouches tourbillonnaient autour de moi et de mes mains à cause de l'odeur immonde qui régnait.

Cinq autres filles étaient présentes dans la cuisine, je n'ai pas eu le temps de faire leur connaissance à mon arrivée, j'ai directement été envoyé à ce poste. L'une était beaucoup plus âgée la soixantaine, deux d'entre elles devaient avoir mon âge et les deux dernières étaient plus jeunes, sûrement entre 10 et 12 ans.

Personne n'avait le droit de parler. C'est pour cette raison, que j'ai eu longuement le temps de réfléchir à Giovanni, ce qu'il avait dit à Marcellus pendant qu'il croyait que je dormais, ses gestes, ses actes depuis qu'on est ici. Il avait fait des erreurs certes, mais moi aussi je ne suis pas parfaite. J'ai cette impression d'avoir été odieuse avec lui, dite plus de choses cruelles que je ne l'aurais fait normalement, même pour une personne que je n'apprécie guère. Dès que je trouverais l'occasion, j'irais le voir et essayerais de trouver un arrangement pour que ça ne se reproduise plus. J'irais pas jusqu'à m'excuser mais je pense que je dirais qu'il y a des choses que je n'aurais pas dû lui dire, que je ne les ai pas pensé sincèrement. Il s'était ouvert à moi à de nombreuses reprises, je devais en faire de même.

Je me mets à rougir quand je repense à ce contact qu'on avait eu dans la chambre, cette électricité qui nous avait parcouru. J'étais sûre de faire un bon choix en décidant de lui donner une sorte de seconde chance.

Vu la quantité de nourriture qui sort de la pièce, je me demande combien de personnes vivent ici. Sûrement une centaine. Je récupère les bouts de viande découpée et les dépose dans un bac et les apportent à celle qui s'occupe de la cuisson. Elle me fait un signe de remerciement et les récupère. Un bruit sourd mais rapide provient d'elle, interpellant par la même occasion cet folle furieuse de Krisha.

Ce sera le dernier service, fait le comme les autres à point, lui ordonne-t-elle avant de se tourner vers moi. Toi, va amener le chariot à l'avant dernier étage. La première partie contient ce que tu serviras à la salle de réunion et la deuxième dans la chambre qu'il y a à quelques mètres.

J'acquiesce sans broncher et récupère la nourriture avant de m'aventurer dans les couloirs du château. Après quelques minutes, mon expédition devient rapidement une course d'orientation. Impossible de m'y retrouver.

Faut que tu continues tout droit, chuchote une des petites filles présente dans la cuisine, essayant de pousser le chariot.

Attends, laisse-moi t'aider, dis-je en saisissant son chariot, et en lui faisant un clin d'œil sous son regard surpris. Moi je pilote et toi tu nous montres le chemin, d'acc ?

Elle me sourit, et me dit quoi faire pour monter à l'étage. Je la suis de près et observe aussi les alentours pour commencer à me repérer. Les couloirs étaient spacieux, légèrement glissants à cause du carrelage et les murs étaient dans une première partie rouge puis blanche et les plafonds étaient soutenus par des colonnes de marbres.

Durant quelques instants je me permets de l'observer. Elle était frêle, ses yeux gris étaient d'une clarté incroyable mais le serait sûrement davantage si ses cernes noires dû à la fatigue n'étaient pas si prononcés, tandis que ces mains étaient sales et rugueuses. Cela ne semblait pas vraiment la déranger. En fait, ça ne dérange aucune d'entre nous en réalité. Dans les camps, on s'habitue à la labeur que ce soit dans les mines, dans les industries ou dans les champs.

Tu t'appelles comment ? demande-je en attendant l'ascenseur. 

- 152873, dit-elle mécaniquement toute souriante, comme si c'était normal. Et toi ?

Même si tu ne m'aimes pas [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant