Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis le solstice d'été. Le mois de juillet venait de commencer et la chaleur était à présent bien installée.
À la surprise d'Elenna, un certain nombre d'elfes s'étaient proposés pour rejoindre la délégation d'Eryn Lasgalen en Ered Luin, parmi lesquels de nombreux amis du prince hériter. Thranduil se concerta donc avec son fils avant de faire part de sa décision au Haut Conseil, lequel valida les propositions du souverain sinda. Ainsi Tulkas, Daeron, Ingwë et Maeglin feraient route avec eux jusqu'en Ered Luin.
Dès le premier jour de l'été, Gimli regagna Erebor, promettant à ses amis de rapidement leur rendre visite lorsqu'ils auraient commencé à rebâtir la cité d'Elenna. Le fils de Gloin était curieux de découvrir ce nouveau royaume mais surtout de visiter les montagnes bleues qui couvraient une grande partie des terres de la fille d'Enetari. Nul doute que de nombreuses richesses minérales devaient s'y cacher et Elenna l'accueillerait avec grand plaisir.
Legolas avaient partagé ses journées entre ses patrouilles de surveillance et Elenna. Les deux elfes passaient une grande partie de leur temps libre à parcourir la forêt fraîchement renommée Eryn Lasgalen. La descendante d'Isildur avait été effrayée lorsque l'archer lui avait indiqué que d'immenses et immondes araignées la polluaient. Elle avait même hésité à suivre le prince lorsqu'il lui avait proposé de l'accompagner pour une promenade en forêt. Mais ce dernier était force de persuasion et Elenna ne pouvait rien lui refuser, elle en était tout bonnement incapable. Elle s'était donc retrouvée sur le dos d'Othar aux côtés de Legolas et Arod, parcourant le sentier de la forêt sans escorte. Les patrouilles sylvestres avaient œuvré sans relâche et il semblait que les monstres avaient quitté les lieux.
Elenna et Legolas profitaient donc souvent de leur nombreuses escapades pour se retrouver. La vie au palais leur laissait peu d'intimité, alors ils appréciaient d'autant plus ces instants.
Ainsi, le jour du départ sonna. Haldir, Orophin, Rumil et le quatuor sylvain étaient déjà en selle, attendant patiemment le départ qui ne tarderait pas. Elenna et Legolas se tenaient face aux souverains d'Eryn Lasgalen, Othar et Arod harnachés patientaient en retrait, piaffant d'impatience à la simple pensée de leur prochaine aventure.
- Rin Elenna, si vous me le permettez, je souhaiterais connaître l'avancée de la reconstruction de votre cité, demanda Thranduil.
- Bien entendu, hîr nin, accepta la brune. Lorsque calme et paix seront revenus en Ered Luin, j'aurais grand plaisir à vous y accueillir !
Aerin acquiesça, ravie de recevoir une telle invitation. Les deux elfes avaient passé beaucoup de temps ensemble durant les jours précédents. Tant Legolas que Thranduil avaient remarqué que les deux reines s'appréciaient et qu'une amitié s'était tissée entre ces dernières. Aerin avait trouvé en Elenna une personne naturelle, agréable et semblable à elle-même. Elles partageaient de nombreux points communs et centres d'intérêts. Mais le temps était venu pour Elenna de regagner son royaume et Aerin en était tout de même attristée.
Thranduil, quand à lui, avait observé avec attention les allers et venues de la fille d'Enetari au sein de ses cavernes. Elenna avait rapidement montré un grand intérêt pour l'histoire de son peuple si bien qu'elle se plaisait à interroger le souverain sinda dès que l'occasion se présentait. Ainsi, Thranduil avait appris à apprécier la jeune elleth, et, bien qu'il n'en dit mots, il était satisfait du choix de son fils.
L'elfe gris s'approcha alors de son héritier, posant sa main sur son épaule en un étrange mélange de fermeté et de tendresse. Les deux sindar s'observèrent un instant. Les mots n'étaient pas nécessaires pour qu'ils se comprennent.
- J'ai toujours souhaité le meilleur pour toi Legolas, car tu es mon unique enfant, avoua le souverain sinda. Je sais à présent que ton bonheur ne sera possible qu'au côté d'Elenna !
- Hannon le (merci), Adar, le remercia Legolas.
- Ne me remercie pas, ion nin (mon fils), répondit le plus âgé. Je suis fier de toi, et je suis persuadé que ta mère le serait tout autant. Elle te chérissait au-delà de tout.
L'évocation de sa mère surprit le prince héritier. Thranduil n'en parlait jamais, préférant taire les souvenirs qu'il avait partagé avec sa défunte mère, évitant ainsi de transmettre sa douleur. Mais ces mots si simples étaient pourtant d'une grande importance pour l'archer, lui qui avait peu de souvenirs de sa mère.
- Partez à présent, termina le sinda. Une longue route vous attend et il vous faudra être prudents !
Posant sa main sur son cœur, Legolas s'inclina légèrement devant son père, rapidement imité par Elenna. Les souverains sindar observèrent alors le petit groupe de cavaliers passer les portes du royaume avant de s'avancer sur le sentier de terre qui traversait la forêt millénaire. Thranduil était tout à fait conscient qu'en laissant son fils partir aujourd'hui, il ne le reverrait que rarement revenir à Eryn Lasgalen. Mais tel était le prix à payer pour que le bonheur de Legolas soit total.
Les elfes sylvains guidèrent leurs compagnons de l'Ered Luin jusqu'à la lisière ouest de la forêt et ils passèrent les frontières du royaume alors que le soleil avait déjà bien entamé sa descente. Ils traversèrent le Vieux Gué puis décidèrent de monter le campement pour la nuit. Dès le lendemain, Haldir et ses frères prendraient le commandement du groupe afin de les mener jusqu'en Lorien.
C'est dès l'aube qu'ils se mirent à nouveau en route, prenant route vers le Sud, longeant l'Anduin jusqu'à pénétrer les frontières du royaume de Galadriel et Celeborn alors que l'astre diurne était déjà haut dans le ciel. Ils avancèrent à bonne allure et atteignirent Caras Galadhon alors que la nuit commençait à envelopper de son manteau noir le royaume de la Lorien.
Elenna avait déjà convenu avec les seigneurs des lieux qu'ils y marquerait une halte de deux nuits afin de préparer convenablement le départ des elfes de l'Ered Luin. Ils se mettraient ensuite en route pour l'Ered Luin qu'ils comptaient bien reprendre des mains de l'ennemi. Car là était la crainte d'Elenna et des siens : en fuyant la cité sous ordre d'Enetari, ils avaient laissé le champs libre aux troupes de l'ennemi et nul doute qu'elles s'y étaient installées en masse. Ce fut ce que leur confirma Eldarion de l'Eryn Vorn lors du conseil de paix de Minas Tirith. Ce dernier avait récemment repoussé une attaque d'orcs au le nord ouest de son royaume, à la frontière de l'Ered Luin. Ce qu'il y avait vu, au même titre que l'ensemble de sa garnison, ne laissait place à aucun doute : les troupes d'orcs avaient pris possession des terres des Montagnes Bleues car rien ne les avait empêché de proliférer.
Le lendemain de leur arrivée à Caras Galadhon, Elenna prit conseil des seigneurs de Galadriel et Celeborn quand à la marche à suivre. Haldir à ses côtés, elle avait également prit en compte les conseils du chef de la marche. En approchant les frontières de l'Ered Luin, ils devraient faire preuve de discrétion. Une patrouille serait donc envoyée afin de vérifier les positions de l'ennemi et définir leur nombre. Ils décideraient ensuite du plan à mettre en place.
À l'aube de leur second jour en Lorien, les elfes de l'Ered Luin, et leur reine en tête, se mirent donc en route vers l'ouest. Ils traversèrent les monts Brumeux par le col de Caradhras avant de pénétrer en Eregion. Les souvenirs de leur quête se rappelèrent à Elenna alors qu'ils tournaient à présent le dos aux montagnes de Brume. Ils avaient foulé ses terres quelques mois plus tôt mais cela lui paraissait tellement lointain. Depuis, tant de choses avaient changé et la situation était toute autre.
Après ce troisième jour de voyage, le camps fut monté à proximité de la vieille route du sud. Ils quittèrent la Comté trois jours plus tard, ayant, comme ils l'avaient promis à leurs amis hobbits, marqué une halte à Cul-de-sac. Elenna fut enchantée par le pays des semi-hommes qui n'était pas sans lui rappeler les paysages de Nouvelle-Zélande qu'elle avait parcouru lors du roadtrip qu'elle avait effectué avec son meilleur ami. Les paysages étaient vallonnés et boisés, verdoyants et accueillants, et les hobbits étaient de joyeux personnages, partant pour s'amuser à la moindre occasion, constamment de bonne humeur.
Ils s'y étaient donc arrêtés deux jours, ce qui leur avait permis de réfléchir aux diverses situations qui pourraient se présenter à eux à leur arrivée en Ered Luin ainsi qu'aux différents plans d'action qu'il faudrait mettre en place.
Traversant les Coteaux du Lointain et les collines des Tours, ils atteignirent les rivages du Lhûn après une marche moins lourde que les jours précédents. Malgré l'incertitude, l'humeur au sein du peuple elfique était au beau fixe. Tous étaient impatients de revenir chez eux. Alors que les Havres Gris se profilaient au sud Ouest, Elenna envoya une dizaine d'éclaireurs en reconnaissance.
Ceux restaient en retrait ralentirent la marche alors que, au fil de l'après-midi, les reliefs des Montagnes de l'Ered Luin commençaient à se dresser face à eux. Le terrain devint plus vallonné alors que le paysage était de plus en plus occupé par diverses espèces de conifères et d'arbres dont des épicéas, des érables ou encore des tilleuls. Le sol commença à se colorer en un armonieux mélange de fleurs ressemblant beaucoup à celles que l'on pouvait trouver dans les massifs pyrénéens.
Malgré l'émotion qui menaçait de la submerger, Elenna tenta de rester impassible et de garder contenance. Mais ceci lui était difficile, elle avait face à elle la silhouette de sa terre natale, celle pour laquelle sa mère et nombre des siens avaient perdu leurs vies. Legolas remarqua son trouble et, d'une légère pression de talons, approcha Arod de l'étalon ébène qui accompagnait Elenna depuis de nombreuses semaines à présent. Le fils de Thranduil se pencha imperceptiblement vers la fille d'Enetari alors que celle-ci observait l'horizon.
- Manen nalyë (vous allez bien ?), meleth nin (mon amour), demanda Legolas.
La brune remarqua alors la présence de l'archer à ses côtés. Elle reporta son attention sur l'elfe sinda avant de lui adresser un sourire qui se voulait convaincant.
- Im maer (je vais bien), répondit-elle.
Mais Legolas n'était pas dupe. Il voyait bien le trouble et l'inquiétude à travers ses pupilles habituellement pétillantes.
- Ci furag (vous mentez), rin nin, ajouta-t-il.
La reine détourna le regard, confuse et gênée d'être si facilement percée à jour. Mais alors le prince glissa ses doigts contre le bras de l'elleth, lui offrant une caresse douce et réconfortante.
- Edro gûr lín (ouvrez votre cœur), souffla-t-ils avec tendresse.
Un soupire lui échappa sans qu'elle ne détaché son regard du paysage qui se présentait sous leurs yeux. Elle savait qu'elle ne pouvait mentir au fils de Thranduil. Quand bien même elle l'aurait voulu, Elenna était incapable de lui cacher quoique ce soit et le prince semblait lire en elle comme dans un livre ouvert.
- Nous voilà aux portes de royaume de ma mère et je réalise à présent pleinement le poids qui pèse sur moi, murmura Elenna. Je n'ai pas le droit à l'erreur, tous comptent sur moi... Je ne suis pas certaine d'avoir les capacités pour supporter tout cela Legolas. J'ai peur de ne pas être à la hauteur...
Legolas resta silencieux un instant avant de poser sa main sur celle de la brune qui était inconsciemment crispée sur la rêne droite d'Othar.
- Il est normal que vous soyez troublée, meleth nin, la rassura l'archer. Tous les souverains doutent un jour et, pour votre part, vous êtes reine depuis peu de temps. Vous avez déjà surmonté nombre d'épreuves et je sais déjà que vous arriverez à guider votre peuple. Vous ne décevrez aucun d'entre-nous, nous avons confiance en vous !
Elenna l'observa un instant, dubitative alors que l'elfe blond lui adressait un sourire sincère.
- Faites vous confiance, lui sourit-il.
Elle était tout à fait consciente que l'archer disait vrai. Ce n'était pas le moment de se morfondre et de laisser la crainte étouffer son cœur. La brune ne put cependant répliquer puisque les elfes partis en reconnaissance revinrent à cet instant vers elle. Elenna indiqua aux siens qu'ils devraient devraient marquer une halte. Tous mirent pieds à terre alors qu'Elenna s'avança, accompagnée d'Haldir, Rumil, Orophin et Legolas, jusqu'aux éclaireurs. Mais leurs visages graves ne présageaient rien de bon et la crainte de la brune augmenta plus encore.