Cinq gardes s'étaient mis autour de Léna pour la protéger, craignant que l'assassin ne soit venu avec des complices. En état de choc, la jeune fille ne sentait que la rage et la douleur l'envahir. Et elle ne savait qu'une chose : ces larmes qu'elle versait ne l'aideraient pas assez à évacuer de son corps ce flot d'émotions. Les militaires la poussèrent dans sa grande limousine où elle se laissa lourdement tomber sur les fauteuils de cuir, sentant la moindre parcelle de son corps trembler dangereusement.
Alors elle se mit à crier, maudissant le monde, réclamant la mort de l'auteur de ce drame, ordonnant qu'on l'emmène auprès de son garde du corps. Mais la voiture ne s'arrêtait pas et le chauffeur continuait à rouler, comme s'il ignorait les paroles de détresses que lançaient sa princesse. La brunette, folle de rage et de désarroi, se mit à frapper les deux militaires qui l'entouraient et étaient restés avec elle. Elle les frappa de toute ses forces, même s'il elle se doutait que ces gilets par balle et cette armure qu'ils portaient les protégeaient de ses moindres coups. Elle sentait ses phalanges s'ouvrir, mais qu'importe, car à cet instant présent, rien ne pouvait être plus déchiré que son cœur :
- Emmenez-moi à Dylan !
- Nous ne pouvons pas, Altesse.
- JE VOUS DIT DE M'EMMENER À LUI !
En pleine crise de nerfs, elle recommença à les frapper avant que son humeur ne change violemment et que ses muscles lâchèrent prise.
- S'il vous plait emmenez-moi... Murmura-t-elle tout en continuant à pleurer. Elle releva d'un seul coup la tête vers le garde qui se trouvait à sa droite et lui demanda d'une voix cassée mais pleine d'espoir :
- Peut-être qu'il est en vie ? A l'hôpital ? Il faut aller à l'hôpital !
- Je suis sincèrement désolé Majesté, mais ne nous sommes pas tenu au courant de l'état de santé de monsieur Duciel.
Léna ne trouva rien de mieux à faire que de le frapper à nouveau, lorsque la voiture coupa son moteur. Elle observa par la fenêtre, et vit avec étonnement qu'ils étaient déjà arrivés au palais. Les deux hommes la firent calmement sortir du véhicule avant de la remettre entre les mains de trois de leurs collègues, chargés d'emmener la jeune fille à ses appartements.
- Dylan, mon garde du corps, comment va-t-il ?
- Nous ne sommes pas tenus au courant de la ligne de vie de monsieur Duciel, navré.
- SA LIGNE DE VIE DOIT ÊTRE ÉTEINTE À L'HEURE QU'IL EST ! DITES-MOI OÙ IL EST ! EMMENEZ-MOI !!!!! Hurla-t-elle alors qu'ils commençaient déjà à monter les marches de marbres du grand escalier. Voyant qu'aucun des militaires n'était prêt à lui fournir l'aide nécessaire, l'adolescente se débattu du mieux qu'elle pouvait et fini par se défaire de leur emprise. Elle rebroussa chemin et courut au plus vite qu'elle put vers la sortie, avant d'être brutalement intercepté par trois autres gardes qui la tinrent fermement jusqu'à ses appartements ; et qui se postèrent juste derrière la porte.
- JE VOUS ORDONNE DE M'EMMENER LE VOIR ! S'égosillait-elle tout en tapant de toute ses forces sur la lourde porte de bois, n'obtenant aucune réponse. Comprenant que personne n'était apte à lui fournir des nouvelles du garçon, Léna arrêta d'un seul coup de bouger. Elle sentait tout de même son corps trembler, et d'un seul coup éclata de rire.
D'un rire étrange et faux, alors qu'elle tremblait et pleurait encore plus.
- Stop, stop, stop... Articulait-elle entre deux éclats.
On aurait pu croire qu'elle était possédée. Au bout de plusieurs minutes d'incontrôlable fou-rire, ses nerfs semblèrent se détendre et l'adolescente reprit peu à peu le contrôle de son corps et son esprit, continuant à se parler à elle-même.
- Stop, allez, on arrête.
Mais elle riait toujours.
On aurait dit ce rire...
Ce rire qui l'avait tant hanté.
Le rire de cet horrible personnage qui avait tenté de la tuer, une nuit, quelques mois auparavant.
- CA SUFFIT !
Elle hurla ces mots et ferma les yeux, se calmant petit à petit. Les rires cessèrent et ses larmes diminuèrent. Elle n'avait jamais autant pleuré de sa vie, et ça faisait tellement mal...
Lorsqu'elle rouvrit les paupières, la première chose que ses iris aperçurent furent ses mains.
Tâchées de sang.
Le sang de Dylan. De Jayson.
Il y en avait partout sur sa robe qui était devenue plus rouge que dorée. L'horrible liquide semblait se mouvoir, comme pour la tuer elle aussi.
- Non, non, non, tu deviens folle Léna, tu deviens folle, tout ceci n'est pas réelle.
Elle cligna fermement des paupières et se plaça devant le miroir.
Il y avait aussi du sang sur son visage. Tellement de sang. De son sang. Léna se remit à trembler. Voilà qu'elle avait du mal à respirer et ses muscles se tétanisèrent d'un seul coup, tandis que son cerveau lui retraçait en boucle ces quelques secondes où la balle heurtait de plein fouet la poitrine, le cœur de Jayson. Que le garçon tombait de tout son poids sur le sol. De ce moment où il prononçait ce qui ressemblait drôlement à ses derniers mots.
Et quand il avait fermé les yeux.
Toujours avec ce sourire aux lèvres.
Léna sourit, repensant à ces traits détendus et sereins qu'avait arboré le garçon. C'était sa seule consolation : il n'avait pas souffert.
Mais elle si.
Elle souffrait. Enormément.
En proie à une violente panique, elle arriva tant bien que mal à reprendre le contrôle de ses muscles et ouvra violemment les fermetures et boutons de sa robe pour s'en extirper brusquement. Elle se déchaussa et lança de toutes ses forces les deux baskets sur son mur blanc. Elle arracha ses bijoux, les laissant tomber à terre, auprès de son diadème d'argent.
Tremblante, la brunette se dirigea fébrilement vers sa salle d'eau où elle se laissa couler un bain. Lorsque sa baignoire fut entièrement remplie, elle y versa quelques huiles et savons avant d'y entrer, plongeant son corps dans cette eau mousseuse.
Voyant avec effroi que le sang se dispersait dans le liquide transparent pour lui donner sa couleur, Léna ferma de nouveau les yeux pour se calmer.
Inspirer,
Expirer,
Inspirer.
Son corps et son esprit se calmèrent petit à petit, et les larmes cessèrent définitivement de couler de ses yeux, enfin. L'eau brûlante semblait apaiser son corps tourmenté et petit à petit, la moindre parcelle de son épiderme se détendit.
Et Léna s'endormit, d'un sommeil sans rêves. Juste le trou noir, calme, effrayant mais reposant.
C'est seulement quelques heures plus tard qu'elle se réveilla.
L'eau du bain était devenue glaciale et elle frissonna, sortant de la douche et s'enveloppant dans une grande serviette pour ensuite remettre ses sous-vêtements, puis un chaud peignoir.
Son visage était livide à faire peur, mais le plus intriguant était ses yeux.
Sa petite flamme, sa lueur habituelle semblait s'être éteinte à tout jamais. Et son visage s'était comme refermé sur lui-même. On ne pouvait y déceler aucune émotion.
Juste le vide le plus total.
De toute façon, sa joie de vivre n'avait plus aucun intérêt à continuer d'être. C'était ce que lui soufflait sa petite voix intérieure qui semblait chantonner tue-tête :
Dylan est mort.
Mort.
Jayson est mort
Mort.
Et comme si ça entrait dans la normalité des choses, ces mots résonnaient dans son esprit sans vraiment qu'elle-même ne s'en rende compte.
Lentement, la portugaise se dirigea vers son lit et remarqua, sans grand étonnement, que sa tenue couverte de sang ainsi que tous ses bijoux n'étaient plus là. Elle fouilla sous son oreiller et y trouva le tee-shirt avec lequel elle avait dormi la nuit précédente. Alors la jeune fille enfila ce haut qui appartenait à Jayson et respira en fermant les yeux l'odeur de pain au lait qui en émanait.
Puis, de façon presque flegmatique, elle se dirigea vers les appartements du jeune bodyguard. Une fois la porte passée, son corps s'immobilisa une seconde en apercevant le spectacle.
La chambre était déserte.
Ils s'étaient déjà chargés de la vider, et elle était prête à accueillir un autre hôte.
Ses iris se teignirent d'une tristesse encore plus grande alors qu'elle faisait quelques pas sur le parquet, observant la pièce autours d'elle. Plus une feuille de papier, chaque meuble avait été vidé. Il n'y avait rien. Elle laissa échapper un gémissement de désespoir et se laissa tomber sur le lit du jeune homme.
Du moins, son lit jusqu'à aujourd'hui.
Même les draps avaient été enlevés, son odeur avait totalement quitté l'endroit.
Alors c'est comme ça que ça devait se terminer ?
C'est comme ça que les belles histoires finissent ?
L'un meurt, et l'autre erre sur terre jusqu'à ce merveilleux jours où il pourra enfin atteindre le jardin d'Eden et y retrouver son âme-sœur.
Les yeux vides de l'adolescente continuaient à observer autours d'elle, comme espérant intérieurement qu'il soit resté quelque chose. C'est là qu'elle vit cette petite table de nuit posée à côté du matelas. Blanche et finement sculpté, une lampe était posée sur son sommet. Mais ce qui retint son attention, c'était ce petit tiroir, minuscule et à peine visible. Alors, la brunette l'ouvrit délicatement, sans aucune difficulté.
Il n'y avait rien.
Rien, mis à part cette photo.
Un sourire prit place sur le visage féminin le temps d'une fraction de seconde avant de s'évanouir tout aussi brusquement qu'il était apparu.
Sur cette photo on pouvait la voir, elle, Léna, accroché au bras de Jayson. Elle semblait rire et vivre l'un des meilleurs moments de sa vie, et le garçon souriait doucement à ses côtés. Autours des deux jeunes gens, des dizaines de pigeons volaient et s'étaient même posés sur leurs bras et épaules.
La brunette s'en souvenait très bien. C'était sur la place de la basilique, ce jour où il l'avait emmené au restaurant.
Elle serra la photo contre son cœur et se recroquevilla sur elle-même, fermant de nouveau les yeux en se rappelant de ses moments heureux.
Morphée vint alors l'accueillir dans ses bras et elle s'endormit encore une fois.
⭐⭐⭐
Aïe Aïe certains d'être vous vont être déçus de ne pas vraiment avoir de nouvelles de Dylan/Jayson, je m'en excuse mais je trouvais ça important de mettre le ressenti de Léna (ralala en plus c'est un petit chapitre désolé mais je le rattraperais au prochain 😉😉)