Les gardes postés à l'entrée de la tente du souverain laissèrent les descendants d'Isildur pénétrer sous la toile. Le roi Theoden se tenait debout dans le fond de l'espace aux côtés d'une personne encapuchonnée dans une longue cape noire, dissimulant soigneusement son visage.
- Je vais vous laisser, s'exclama le rohirrim.
Le fils de Thengel se redressa puis quitta les lieux sous le regard incrédule d'Elenna. Ne les avait-il pas appelé ?
L'inconnu se leva alors et ôta sa capuche, alors elle comprit. Le seigneur d'Imladris leur fit face et frère et sœur s'inclinèrent avec respect, surpris par la présence inattendue de l'elfe.
- Seigneur Elrond, souffla Aragorn avec incrédulité.
- Je viens de la part d'une personne que j'adore, annonça ce dernier avec gravité. Arwen est mourante !
Cette simple annonce compressa la cœur des enfants d'Arathorn. Aragorn était dans l'incompréhension la plus totale. Arwen ne devait-elle pas se rendre aux havres gris dans le but de rejoindre Valinor ? Ne devait-elle pas quitter la Terre du Milieu ?
Elenna, elle, n'en menait pas plus large. Lors de son séjour à Imladris, Arwen l'avait prise sous son aile et elle avait tissé une forte amitié avec l'étoile du soir. Imaginer qu'elle puisse mourir lui était insupportable.
- Elle ne survivra pas longtemps au mal du Mordor, continua le noldo. La lumière de l'étoile du soir s'éteint ! Ses forces diminuent d'autant que grandit le pouvoir de Sauron. La vie d'Arwen est désormais liée au destin de l'anneau. L'ombre est sur nous ! La fin est proche !
- Ce ne sera pas notre fin mais celle de Sauron, objecta l'homme.
- La guerre vous attend mais pas la victoire, répondit Elrond.
- Tous pensaient que nous ne survivrions pas aux armées de Saroumane, rétorqua Elenna. Et pourtant nous l'avons fait, les rohirrims l'ont fait ! L'alliance des hommes peut terrasser les forces ennemies !
- Les armées de Sauron marchent sur Minas Tirith, ça vous le savez, ajouta Elrond. Mais en secret il envoie d'autres forces qui attaqueront par le fleuve ! Une flotte de bateaux pirates venant tout droit du sud ! Ils prendront la cité dans deux jours ! Vous n'êtes pas assez nombreux ! Vous avez grand besoin d'hommes !
- Il n'y en a pas, l'interrompit Aragorn.
- Il y a ceux qui demeurent dans la montagne, ajouta l'elfe d'Imladris.
Un courant d'air glacial balaya les toiles de la tente et un étrange frisson parcourut l'échine de la brune. De quoi parlait-il ? Elle observa son frère qui semblait avoir saisi l'idée à peine murmurée par le seigneur noldo. Et cela n'avait pas l'air de l'enchanter.
- Ees meurtriers ! Des traîtres , s'exclama l'homme avec incompréhension. Vous les enrôleriez pour se battre ? Ils ne croient en rien !
- De quoi parlez-vous, les interrompit la fille d'Enetari.
- L'armée des morts des montagnes Blanches, une armée qui a prêté serment à Isildur, expliqua Elrond.
- Une armée de morts, répéta la sinda, comme pour être certaine d'avoir bien entendu.
Elenna sentit un frisson d'effroi lui parcourir l'échine. Des morts. Sérieusement ? Elle aurait tout entendu ! Mais si cette armée des morts existait réellement, sa dernière envie était d'aller à leur rencontre.
- Ils n'obéissent à personne, lui signifia Aragorn.
- Ils obéiront au roi du Gondor, objecta le frère d'Elros.
De sa cape, Elrond extirpa une épée qu'il présenta devant Aragorn, puis avança de quelques pas.
- Andúril la flamme de l'ouest, continua-t-il en présentant la lame blottie dans son fourreur. Forgée avec les fragments de Narsil !
L'héritier d'Isildur initia un pas et se retrouva ainsi face au seigneur. Il observa avec attention et surprise l'épée sous ses yeux avant de s'en saisir. Il l'a détailla alors, subjugué.
- Sauron n'aura pas oublié l'épée d'Elendil, murmura l'homme.
Il sembla hésiter un instant à sortir l'épée de son fourreau mais finalement la dégaina. Elenna observa la lame briller d'un vif éclat.
- La lame qui fut brisée doit retourner à Minas Tirith, continua l'homme.
- L'homme qui peut exercer le pouvoir de cette épée peut rassembler une armée plus meurtrière que celles qui ont foulé cette terre, lui signifia le père d'Arwen. Oubliez le rôdeur ! Devenez celui que vous deviez être ! Prenez la route de Dimholt !
La fille d'Enetari ne put ignorer le trouble qui traversa le regard gris de son frère. Celui-ci détourna le regard alors qu'en lui semblait se jouer un duel décisif. Il n'était pas certain d'être prêt à assumer son rôle. Était-il capable de tenir le rang dont il avait hérité, celui de roi du Gondor ? Serait-il à la hauteur du destin qu'il tentait de fuir depuis de nombreuses années ?
- Ónen i-Estel Edain ! (Je donne l'espoir aux hommes), ajouta Elrond avec sagesse.
- Ú-chebin Estel anim... (Moi, je n'en ai aucun), souffla Aragorn.
Elenna s'approcha de son aîné et posa sa main sur la sienne, essayant ainsi de lui apporter le courage nécessaire.
- Il y a toujours de l'espoir, tant que les ténèbres n'ont pas étouffée la lumière, tant que les peuples libres sont prêt à se battre pour la paix, le rassura l'héritière du trône de l'Ered Luin.
Aragorn encra ses yeux dans les homologues de sa cadette et ce qu'il vit l'ébranla: le regard de sa sœur ne reflétaient aucune peur, aucun doute. C'était un miroir aux eaux limpides, emprunt de sagesse, de courage et de détermination. Le fils d'Arathorn se sentit alors incapable de faire marche arrière. Il en allait de la survie de ce monde, de la survie de ses amis, d'Arwen, de sa sœur. Les doigts rugueux du descendant d'Isildur se posèrent sur la joue de l'elleth et un fin sourire prit place sur ses lèvres.
- Tu as raison, merci Elenna, approuva l'aîné d'Arathorn.
Celle-ci lui adressa un sourire ravissant auquel l'héritier d'Isildur répondit. Elrond, lui, observait avec une certaine satisfaction la forte relation qui liait à présent les enfants d'Arathorn. Ils avaient tissé des liens inébranlables, c'était indéniable.
- Votre destin est en marche, à présent vous devez tout deux vous hâter et prendre le chemin de Dimholt, leur expliqua Elrond. Soyez prudents !
Aragorn reporta son attention sur le seigneur d'Imladris et s'inclina devant lui.
- Elenna avant que vous ne partiez, je souhaiterais m'entretenir avec vous, l'interpella le noldo.
- Je vais préparer notre départ, ajouta alors Aragorn. Seigneur Elrond !
Il quitta ensuite la tente et laissa les deux elfes seuls. Elrond observa un instant la fille d'Enetari. Elle avait étonnamment changé depuis que la communauté avait quitté Fondcombe. Elle semblait avoir pris conscience du rôle primordial qu'elle devait jouer dans cette quête et au-delà. Elle était plus sûre d'elle.
Quelques jours plus tôt, Haldir avait franchi les portes de la cité cachée et lui avait délivré le message d'Elenna, comme celle-ci le lui avait demandé. Elrond avait été surpris d'apprendre que la future reine de l'Ered Luin avait passé un tel accord avec les valar. Mais il comprenait à présent les raisons qui avaient guidé le cœur de la brune.
Arwen, dont la faiblesse ne cessait de croitre à mesure que l'ombre avançait en Arda, avait également appris la nouvelle. L'espoir semblait être revenu dans son cœur et, étonnamment, la dégradation de son état de santé avait ralenti.
- Haldir m'a délivré votre message, commença le seigneur d'Imladris. Ainsi vous avez pris le risque de lier votre destin à celui de votre frère ! Je ne sais réellement ce que je dois en penser : dois-je être en colère parce que vous avez délibérément mis votre vie en danger ?
Elenna baissa alors les yeux au sol, incapable d'affronter le regard sévère du seigneur d'Imladris.
- Ou, au contraire, dois-je vous remercier pour votre intrépidité, ajouta-t-il avec tendresse.
Surprise, elle releva le regard. Un fin sourire avait pris place sur les lèvres du brun alors qu'il posait un regard attendri sur la fille d'Enetari.
- Me remercier, répéta la sinda avec incompréhension.
- Oui, car sans vous, Arwen ne serait déjà plus, répondit Elrond. Elle a refusé de partir vers les Terres Immortelles... Cependant, le mal de l'ennemi se propageant vers l'Ouest, son état s'est rapidement dégradé. Lorsqu'elle a appris que la grâce des valar avait été accordée à Aragorn, elle a repris espoir et son état s'est stabilisé.
- Qu 'est-ce que cela signifie ? Va-t-elle aller mieux, demanda Elenna.
- Non ça ne la sauvera pas, poursuivit l'elfe noldo. Ça ne fera que ralentir l'emprise meurtrière de Sauron sur son âme.
- Nous réussirons, affirma la brune.
- Seuls les descendants d'Isildur le peuvent, lui sourit l'elfe. Je place en vous toute ma confiance !
Elenna inspira profondément. Le destin et la liberté des peuples libres étaient à présent sur leurs épaules. Ils ne pouvaient pas échouer, elle se le refusait.
Elrond put alors voir briller une étincelle dans les yeux de la fille d'Arathorn, une puissante lueur de détermination. Il sut alors : si Aragorn était à nouveau amené à douter, Elenna saurait le guider.
- Il est temps pour vous de partir, annonça Elrond.
Elle acquiesça et s'inclina respectueusement devant celui qui l'avait sauvé et recueilli au cœur de la vallée de Fondcombe. Quittant ensuite la tente de Theoden, l'elleth rejoignit son frère qui finissait de vérifier le contenu d'un sac harnaché sur Hasulfel. Elle attrapa les rênes d'Othar et ils se dirigèrent vers l'entrée de l'effrayante route de Dimholt. Ils avaient eu la chance de ne pas croiser leurs compagnons mais ils devaient se hâter pour ne pas être surpris, car ils iraient seuls.
- Allons-y, souffla Aragorn.
Elenna acquiesça silencieusement et alors qu'ils s'apprêtaient à se mettre en selle, la voix rocailleuse de Gimli transperça le calme nocturne.
- Où comptez-vous donc aller, demanda le nain.
Aragorn se tourna vers le nain assis près d'une tente. L'homme secoua la tête en signe de négation.
- Non pas cette fois, répondit l'homme. Cette fois vous restez Gimli !
Le fils de Gloin grogna, mécontent. Elenna sentit alors une présence dans son dos, à seulement quelques centimètres d'elle, un souffle chaud contre son oreille et une odeur de pin, d'herbe fraîchement coupée. Elle sut alors qu'il s'agissait du fils de Thranduil et reporta son attention sur lui. Elle remarqua alors que le prince de Vertbois-Le-Grand avait harnaché Arod, qui attendait patiemment à ses côtés. Il lui adressa un léger sourire avant de reporter son attention sur Aragorn.
- Ignorez-vous tout de l'opiniâtreté des nains, lui signifia le sinda.
- Il va falloir l'accepter, rajouta Gimli sur un ton qui ne laissait aucune place à la contestation. Nous venons avec vous les amis !
Ils durent alors se rendre à l'évidence, aller à l'encontre de l'alliance d'un nain et d'un elfe était pure folie. Aragorn acquiesça donc et ils se mirent rapidement en selle avant de se mettre en route.