Elenna dévala les marches du palais de Meduseld quatre à quatre. Elle se dirigea ensuite vers les écuries et approcha de la stabulation d'Othar. Lorsque ce dernier remarqua la présence de sa cavalière, il lui adressa un hennissement de contentement. Elle flatta son encolure avant de gratter le garrot de l'étalon.
Elle le sella avant de quitter l'écurie pour se rendre dans la carrière qu'elle avait repéré la veille. Souplement, elle se hissa sur le dos de sa monture avant de commencer une longue détente.
La robe qu'elle portait n'était pas pratique mais elle n'y prêta pas attention, préférant se concentrer sur ses sensations. Lorsqu'elle était à cheval, elle ne pensait à rien d'autre. Elle se vidait la tête et évacuait la pression.
Ainsi l'elfe ne remarqua pas l'arrivée du chef de la marche. Ce dernier posa sa béquille contre la barrière en bois de la carrière et observa silencieusement la brune. Physiquement, elle ressemblait beaucoup à sa mère, mais son caractère était un parfait mélange de ceux de ses deux parents. Ainsi, elle avait hérité de la sagesse et de la prestance d'Enetari mais également de l'impétuosité et du courage d'Arathorn.
Elenna, occupée à travailler sur de petits cercles au galop, remarqua enfin Haldir. Elle repassa au pas et s'approcha de l'elfe, arrêtant sa monture à son niveau.
- Suilaid (bonjour) Haldir, le salua la sinda.
- Suilaid, rin Elenna, répondit le blond.
- Combien de fois devrais-je vous répéter de ne pas m'appeler ainsi, râla l'héritière.
- Je crains que vous ne deviez vous y habituer, vous êtes notre reine, lui signifia Haldir.
Elenna soupira de dépit et préféra ne pas répondre.
- Vous êtes contrariée, remarqua l'elfe.
Et ce n'était pas une question. Pourquoi les gens lisaient en elle si facilement ?
- Ce n'est rien d'important, souffla la sinda. Comment va votre blessure ?
- Bien mieux, les soins des rohirrims sont très efficaces, répondit-il.
Elenna mit pieds à terre et invita l'elfe à la suivre jusqu'aux écuries. Elle y dessella Othar tout en continuant d'échanger avec Haldir.
- Êtes-vous certaine que tout va bien, insista le chef de la marche.
La brune soupira avant d'observer celui qu'elle considérait maintenant comme son ami. Elle décida alors de tout lui raconter. Après tout, elle était sûre qu'il ne lâcherait pas l'affaire tant qu'elle n'aurait pas craché le morceau.
La fille d'Enetari raconta alors son expérience dans les cavernes de Mandos, l'accord passé avec Manwë et la dispute qui avait éclaté entre elle et son frère lorsqu'elle lui avait tout avoué. Elle termina enfin par lui confier les faits qui s'étaient déroulés quelques heures plus tôt : le palantir et les atroces images qu'elle avait vu et, enfin, son altercation avec le roi Theoden et les mots durs qu'elle lui avait adressé.
Haldir écouta silencieusement l'héritière du trône de l'Ered Luin comme il l'avait fait de nombreuses fois avec Enetari. Lorsqu'elle eut terminé ses explications, il lui adressa un sourire rassurant.
- Vous n'avez pas à vous inquiéter, rin nin (ma reine), la rassura le blond. La colère d'Aragorn n'est pas réellement dirigée contre vous. Je pense qu'il se sent impuissant. Accepter que vous avez mis votre vie en jeu pour lui est difficile. Il est votre frère. Quand aux méfaits du palantir, n'en tenez pas compte. L'ennemi cherche à semer le trouble dans votre esprit. Il veut susciter la peur dans votre cœur et ainsi vous détourner de votre quête. Pour ce qui est du roi Theoden, personne ne vous en tiendra rigueur. Les hommes ont parfois besoin d'être bousculé dans leur fierté pour ouvrir les yeux. Il vous pardonnera bien rapidement si ce n'est pas déjà le cas.
- Comment pouvez-vous en être aussi certain, demanda l'elfe dubitative.
- Croyez-en mon expérience, s'exclama le second.
Elle acquiesça silencieusement et ils quittèrent l'écurie ensemble. Mais alors qu'ils en passaient les portes, Elenna s'arrêta et se tourna vers l'elfe qui en avait fait de même pour l'attendre.
- Haldir, j'ai un service à vous demander, commença la fille d'Enetari.
- Je vous écoute, rin nin, répondit Haldir.
- J'ai besoin que vous vous rendiez à Fondcombe et que délivriez un message au seigneur Elrond, expliqua Elenna.
- Il est hors de question que je vous laisse seule, rétorqua l'elfe. La guerre approche !
- Haldir, vous n'êtes pas en état de vous battre, lui fit-elle remarquer. De plus, cette guerre n'est pas celle des Elfes, mais celle des hommes. Le message que vous devez délivrer est de la plus haute importance. Et les soins qui vous seront apportés à Imladris vous remettront sur pieds beaucoup plus rapidement que si vous restiez ici.
L'elfe soupira. Il savait qu'Elenna disait vrai. Il se résigna donc à obéir à sa reine.
- En quoi consiste ce message, demanda-t-il.
- Je veux que vous expliquiez au seigneur Elrond le pacte que j'ai passé avec Manwë, expliqua la fille d'Enetari. Avec un peu de chance, Arwen n'aura pas encore quitté Imladris.
Haldir ne posa pas plus de question et remonta jusqu'au palais rohirrim afin de préparer le départ de la centaine d'elfes qui avait survécu à la bataille du gouffre de Helm.
Plus tard, Elenna observa Gandalf et Pippin quitter Edoras en direction du Gondor. Si la chance était de leur côté, les feux d'alerte de Minas Tirith s'allumeraient d'ici trois à quatre jours.
Les elfes quittèrent la cité rohirrim peu de temps après et la fille d'Enetari accompagna les siens jusqu'aux portes d'Edoras. Elle les salua une dernière fois avant qu'ils ne s'élancent à travers l'immense plaine.
Elle regagna ensuite sa chambre et s'y enferma, avant de s'écrouler sur son lit et de fermer les yeux, épuisée par les nombreux événements de la journée.
Elle repensa aux récents événements pendant une bonne partie de la nuit, si bien que la culpabilité prit possession de son cœur. Elle attendit que le jour soit levé depuis quelques heures puis s'habilla avant de rejoindre la salle du trône où elle trouva le roi Theoden, qui s'entretenait avec Gamelin. Elle s'approcha des deux rohirrims et s'inclina avec respect devant le souverain.
- Bonjour roi Theoden, le salua-t-elle. Puis-je m'entretenir avec vous ?
Premièrement surpris, le roi adressa un regard au soldat qui s'éclipsa.
- Que puis-je faire pour vous, dame Elenna, demanda le rohirrim.
- Je souhaitais m'excuser, commença la sinda. Rien ne justifiait les propos que j'ai tenu hier, mes paroles ont dépassé ma pensée !
Le roi lui offrit un sourire bienveillant avant de poser sa main sur l'épaule de la descendante d'Isildur.
- Ne vous excusez pas pour cela, la rassura l'homme. Les femmes ont toujours eu meilleure perception des émotions que nous, les hommes. Vous avez parfaitement exprimé ce que je ressentais, alors je ne peux vous en tenir rigueur !
Le rohirrim déposa un baiser sur la main de la brune avant de s'éloigner silencieusement. Elenna soupira alors, rassurée que le roi ne soit pas rancunier. Il était un homme sage.
Elle se dirigea ensuite hors du palais et observa l'horizon durant de longues minutes, profitant du calme matinal qui régnait sur Edoras. Elle remarqua alors que son frère se trouvait assis aux pieds des escaliers, à quelques dizaines de mètres d'elle, fumant sa pipe, les yeux perdus dans le vague. Le remord et la culpabilité assaillirent à nouveau son cœur.
- Quelque chose ne va pas entre Aragorn et vous, l'interrompit alors Legolas.
Elenna sursauta avant de se tourner vers l'elfe sinda qui se tenait derrière elle. Depuis combien de temps l'observait-il ? Et comment faisait-il pour être aussi discret ? Elle soupira puis reporta son attention sur les vastes plaines qui s'étendaient à l'horizon alors que le fils de Thranduil s'avançait à ses côtés.
- Il m'en veut..., souffle la brune.
- Que s'est-il passé, l'interrogea le prince.
Elenna soupira. Il était vrai que Legolas n'était pas au courant.
- J'ai passé un accord avec Manwë avant de quitter les cavernes de Mandos, avoua la fille d'Enetari.
- Un accord de quel ordre, poursuivit le sinda.
- J'ai demandé aux valar d'accorder la vie éternelle à Aragorn, expliqua la brune. En échange, j'ai accepté de lier mon destin au sien. S'il lui arrive quoique ce soit, le même sort me serait réservé...
La prince de Vertbois-Le-Grand garda le silence durant de longues et pesantes secondes avant qu'Elenna ne reprenne la parole.
- À présent il m'en veut et je ne sais pas comment agir..., avoua l'héritière du trône de l'Ered Luin.
Le prince de Vertbois-Le-Grand ne savait pas réellement ce qu'il pouvait dire à la brune. D'un côté, il comprenait la colère d'Aragorn, car l'idée qu'Elenna mette sa vie en danger lui était également insupportable. Il était abasourdi et tétanisé par ce qu'il venait d'apprendre. D'un autre côté, il comprenait la décision de la brune, Aragorn était sa seule famille. De plus, l'héritière de l'Ered Luin était impulsive lorsqu'il s'agissait de ses compagnons et encore plus de son frère. Il attrapa délicatement sa main et la tourna face à lui observant l'azur tourmenté de ses yeux.
- Je suis certain qu'il ne vous en veut plus, répondit le sinda. Croyez-moi, il doit être autant tourmenté que vous à l'heure où nous parlons. Le remord est la seule raison pour laquelle il n'est pas revenu vers vous.
- Je doute qu'il ne ressente aucune rancune envers moi..., murmura l'héritière de l'Ered Luin.
- J'ai passé de longs mois à ses côtés et je le connais suffisamment pour vous l'assurer, la rassura le blond. Alors allez-y !
Elenna jeta en contre-bas : son frère n'avait pas bougé, le regard rivé sur les sommets des Montagnes Blanches. Elle reporta son attention sur le fils de Thranduil, un sourire ravissant ornant ses lèvres. Alors elle se hissa sur la pointe des pieds, le prince étant légèrement plus grand qu'elle, et déposa un rapide et innocent baiser sur sa joue.
- Hannon le (merci), Legolas, le remercia-t-elle.
Mais alors qu'elle commençait à se diriger vers l'escalier en pierre, la main de l'elfe se resserra autour de son bras avant de la tirer contre son torse. Legolas déposa un chaste baiser sur les lèvres charnues d'Elenna. Un simple et rapide contact qui bouleversa la brune.
- Vous n'avez pas à me remercier, rin nin, murmura le prince.
Celle-ci ne put réagir ou dire quoique ce soit, l'elfe sinda avait déjà regagné l'intérieur du palais. Qu'est-ce que ce baiser signifiait pour le prince ? Devait-elle espérer quelque chose de sa part ou avait-il agis sur un simple coup de tête ? Le manque de communication dont faisait preuve l'acher la perturbait profondément.
Il lui fallut quelques instants pour reprendre ses esprits et mettre de côté la myriade de questions qui se bousculaient dans sa tête. Elle inspira profondément et descendit les marches de Meduseld, s'arrêtant au côté d'Aragorn. Celui-ci, sentant une présence, releva le regard. Il se redressa lorsqu'il vit sa sœur.
- Elenna je... , commença l'homme du Nord.
Mais l'étreinte de la brune le coupa net. Instinctivement, il passa ses bras autour de la taille de l'elfe, serrant sa cadette avec tendresse. Comment pouvait-il lui en vouloir ? Elle n'avait fait de mal à personne. Son seul défaut était d'être trop altruiste, faisant passer le bien-être des autres avant le sien.
- Je suis désolée Aragorn, je ne veux pas que tu m'en veuilles..., commença la sinda.
- Je suis le seul qui doit présenter des excuses, la coupa ce dernier.
Il se sépara de sa jeune sœur afin de l'observer. Ses doigts rugueux glissèrent sur ses joues avec douceur.
- Je ne veux plus que tu me caches quoique ce soit, ajouta l'homme. Si tu doutes, ou que tu as besoin de te confier, tu ne dois pas hésiter à venir me voir nethig (petite sœur).
Cette dernière acquiesça en souriant.
- C'est entendu, mais la réciproque vaut aussi, exigea la plus jeune.
Aragorn ne put retenir un sourire amusé avant d'embrasser son front.
- Je t'en fais la promesse, accepta le fils d'Arathorn.
Frère et sœur discutèrent alors un long moment, assis sur la pierre anthracite, partageant leurs inquiétudes. Elenna décida ensuite d'aller aux écuries pour rendre visite à son compagnon équin. Elle se releva, s'apprêtant à quitter son frère mais une question lui vint alors à l'esprit. Aragorn avait été élevé par le seigneur Elrond, il pourrait sans doute l'éclairer sur le comportement de Legolas.
- Aragorn, je peux te poser une question qui va peut-être te paraître stupide, demanda l'elfe.
- Je t'écoute, répondit l'homme.
- Les baisers ont-ils une signification particulière chez les elfes, questionna timidement la brune.
Surpris pas la question de sa sœur, le descendant d'Isildur l'observa avec attention. Les joues de cette dernière se tintèrent légèrement et elle détourna le regard, prise sur le fait. Alors Aragorn comprit qu'il s'était passé quelque chose avec Legolas et il ne put retenir un sourire amusé.
- Pourquoi cette question, demanda innocemment le plus âgé.
- Par curiosité, mentit Elenna. Dans mon monde, embrasser quelqu'un n'a pas forcément une grande grande signification et je me demandais s'il en était de même chez les elfes...
- Je vois, acquiesça-t-il sans pour autant croire sa cadette. Les elfes sont immortels et ils ont donc tout le temps nécessaire pour créer des liens avec leurs semblables. En ce qui concerne les relations amoureuses, ils sont passionnés mais ils construisent leurs liens par étape et ne font jamais rien à la légère.
- Qu'est-ce que tu entends par là, demanda la brune avec curiosité.
- Les elfes mâles font la cour à leur dame, parfois pendant plusieurs années, expliqua Aragorn. Ils ne vont donc pas se déclarer immédiatement. Ils n'ont qu'une seule et unique âme-sœur.
Elenna fut plus que surprise par les explications de son frère. Cela signifiait-il que Legolas était son âme-sœur ? Ou du moins qu'il la considérait comme telle. En réalité, elle n'avait jamais eu de réelles relations amoureuses. Ses amis trouvaient d'ailleurs cela tout à fait étrange et aimaient la taquiner à ce sujet. Mais ce qu'elle ressentait pour le prince de Vertbois-Le-Grand était tout à fait nouveau : elle s'y était rapidement attachée, mais ses sentiments allaient au delà de la simple amitié. Elle n'avait jamais ressenti un tel attachement pour quelqu'un. L'elfe avait à la fois le don de l'apaiser et de lui faire perdre la tête.
- Merci Aragorn, le remercia l'elfe.
Elle lui sourit avant de se détourner.
- Les elfes ne jouent pas avec les sentiments, l'interrompit l'homme. Si Legolas t'a embrassé soit certaine qu'il t'a choisi !
Le sourire radieux de sa sœur fut la seule réponse qu'il obtenu d'elle avant qu'elle ne descende aux écuries. Alors Legolas s'était enfin décidé à agir ? Le brun ne put retenir un rire amusé avant de porter sa pipe à la bouche. Les elfes le surprendraient toujours.