Ses yeux se mirent pétiller d'amusement, et rendant son sourire flamboyant au garçon elle lui répondit vivement sur un ton joueur.
– Au moins vous aurez essayé...
– Je croyais que vous adoriez provoquer scandale, mademoiselle. Danser avec son garde du corps aurait pu être une bonne occasion.
Elle rit de bon cœur face à cette réplique.
– Ne me tentez pas je vais finir par dire oui.
Au même instant, alors que Dylan allait répondre, le prince anglais apparu sur la terrasse, seul. Lorsque son regard croisa Léna, ses yeux s'illuminèrent étrangement. La jeune fille, quant à elle, soupira et gromella dans sa barbe de façon à que seule elle l'entende :
– Encore ce gros lourd mais il n'a pas compris que je ne l'aimais pas, où comment ça se passe...
– Bonsoir mademoiselle, la nuit est magnifique, n'est ce pas ? Commença-t-il en s'approchant de l'adolescente.
Gnagnagna oui la nuit est magnifique mais elle l'était encore plus quand vous n'étiez pas là...
– Très belle.
Il y eut un silence de quelque instants, et au bout de deux ou trois minutes le prince décida de poser sa main sur la taille de la jeune fille, qui sursauta légèrement.
Heu oula calme toi sale psychopathe tu fais quoi là ??!
Dylan regardait la situation d'un œil noir. Ce prince ne lui plaisait décidément pas du tout.
– Je voulais justement vous proposer de danser avec moi, Léna. Et il l'entrainait déjà vers l'intérieur, sans même avoir attendu la réponse de sa partenaire.
Mais bien décidée à avoir le dernier mot, Léna se planta comme un poteau, stoppant la course du prince britannique. Presque en colère, celui-ci se retourna vers elle, l'air étonné. La jeune fille lui offrit alors son plus beau sourire.
– J'en suis navrée, monsieur, mais il se trouve que j'ai déjà un partenaire... En se détachant de lui le visage victorieux elle fit deux pas en arrière pour se placer aux côtés de Dylan, dont les lèvre s'illuminèrent d'un magnifique sourire fier et flamboyant.
L'héritier du trône anglais avait probablement trop bu, et en deux enjambées fermes s'était planté devant la cavalière qu'il avait espèré quelques instants. Il la surplombait dangereusement et commença à lui parler d'un ton irrespectueux et même menaçant :
– Léna vous n'avez pas le droit, cette danse m'appartient. Vous devez la faire avec moi. Point final... Il continua à parler comme un excité pendant quelques minutes et son ton était si hargneux que, il est vrai, la jeune fille en avait un peu peur. Le garçon essaya même de reposer sa main sur la taille féminine mais il fut stoppé dans son élan par le bras de Dylan qui lui bloqua la route.
Très énervé que l'on vienne de menacer et insulter sa protégée sous ses yeux, les poings du garde de protection rapprochée s'étaient crispés et son visage durcit. À travers ses lunettes noires on pouvait tout de même apercevoir ses pupilles lancer des éclairs. D'un geste doux mais ferme il poussa Léna derrière lui, gardant une main sur son épaule. Puis il se retoutna vers le prince, fit craquer un par une les doigts de sa main libre et appuya avec son index sur le front de l'héritier anglais :
– Je vous conseille de ne plus jamais vous adresser ainsi à Mademoiselle Léna car il serait dommage que cela remonte à mes oreilles. Et bien malheureusement pour vous, cela remonte toujours à mes oreilles. Compris ?
Et d'un pas vif il tourna les talons, emportant fermement sa protégée avec lui. Ils arrivèrent dans la salle au moment où les musiciens entamaient une valse, et le bodyguard entraîna la jeune fille au centre de la piste. Il prit délicatement la main droite de la portugaise dans la sienne et posa sa paume au creux de ses reins.
– Qui était ce prince ?
Encore tendue, elle répondit évasivement :
– Héritier du trône anglais, un pervers psychopathe et lourd qui fantasme sur moi depuis quelques années et aimerait beaucoup m'avoir dans son lit. Un gros porc.
– Je vois...
En entendant ces mots, ses doigts s'étaient légèrement crispés, et d'un geste protecteur il fit glisser sa main dans le dos de la jeune fille, afin que son bras l'encadre presque entièrement. Ne sachant quoi dire, celle-ci se contenta de sourire et replacer leurs pas dans le tempo exacte de la musique. L'orchestre était très beau.
– Pourquoi n'étiez-vous pas avec Ivan ?
La voix du garçon parvint à ses oreilles au bout de quelques instants. Elle avait presque oublié que c'était avec Dylan qu'elle valsait. Il avait une manière de danser étrange, à la fois proche par cette main qui lui tenait doucement le dos et ce regard pesant sur elle. Mais aussi éloigné avec cet espace respectueux et étrange qui séparait leurs deux corps.
Sa robe corail virevoltait dans tous les sens et semblait briller de mille feux, assortie à perfection au costume bleu nuit du garçon. Et surtout a ce beau nœud papillon qu'il portait fièrement. Les diamants de la tenue princière de Léna étincelaient, tel que son magnifique diadème dont les paillettes semblaient se refléter dans les yeux de toutes personnes environnantes. Ils étaient si beaux.
À ce moment, l'insolente et détestable Léna aurait bien aimé laisser tomber une barrière et se rapprocher de Dylan, comme elle l'aurait fait avec Gabino ou Ivan. La jeune fille avait comme ce sentiment de protection près de son bodyguard. C'était à la fois étrange et agréable. Tout nouveau pour elle.
Perdue dans ses pensées, ses yeux se mirent à parcourir les personnes qui regardaient les couples danser. Ses yeux croisèrent le visage du prince Ukrainien, entouré de quelques jeunes filles avec qui il parlait vivement. Puis celui de l'héritier anglais, qui les fixait d'un air douteux. Son corps frisonna et elle détacha son regard pour reposer son attention sur Dylan qui souriait gentiment en attendant sa réponse.
– Ivan est autant mon ami que Gabino, vous savez ; souffla-t-elle. Et comme son interlocuteur ne lui apporta pour toute réponse qui froncement intrigué de sourcils elle poursuivit :
– Je veux dire que nous ne sommes pas ensemble.
Le garde du corps ouvrait la bouche pour parler mais elle continua :
– Quand vous nous avez surpris dans la chambre... Elle rit presque gênée. Eh bien ce n'était qu'une simple bataille de chatouilles, vous savez.
Quelques secondes de silence passèrent. La musique cessa et aussitôt, la même danse recommença mais sur un air différent, plus récent.
– Véridique ?
Elle sourit face à sa question.
– Oui, véridique.
Les yeux du garçon se mirent à pétiller et il rendit son sourire à la jeune fille, semblant illuminer toute la salle. Doucement il fit glisser un peu plus sa main dans le dos de sa partenaire, qui frémit légèrement. Les doigts posés au creux de ses reins, il ramena l'adolescente vers lui afin que l'espace qui séparait leurs deux corps s'efface. Il pouvait à présent sentir la chaleur de sa peau et son souffle dans son cou.
Léna sourit doucement. Presque inconsciemment, elle entremela ses doigts dans la main du garçon, à sa droite.
Les deux jeunes gens dansait à présent dans une synchronisation parfaite. Leurs deux corps se déplaçaient dans un seul mouvement et semblait communiquer dans un parfait accord.
Les musiciens accentuèrent le tempo et les flûtes traversières se rajoutèrent à l'orchestre. Dans un mouvement assuré, Dylan prit la jeune fille par la taille et la souleva dans les airs pour la lâcher l'espace d'une seconde et la rattraper. La brunette ratterit à terre et en même temps le rythme de la musique s'accéléra encore. Son partenaire la replaça vivement contre lui pour les entraîner au centre de la piste.
Yeux dans les yeux, elle pouvait sentir la respiration légèrement saccadée de Dylan sur son visage. D'un simple geste, elle souleva sa main qui jusque là était posée sur l'épaule du garçon pour enlever les lunettes noires qu'il portait. Elle plia les branches et glissa sa main dans la veste du garde du corps pour mettre la paire dans une des poches intérieures du costume.
Il sourit de plus belle et resserra son étreinte. Léna s'étonna elle-même de se laisser coller ainsi contre son bodyguard, à tel point qu'elle sentait la poitrine de Dylan se soulever à chacune de ses inspiration, et cette sensation était probablement réciproque. La tête levée, elle le fixait avec attention. Aucune pensée ne traversait son esprit et la seule image que lui laissait percevoir son imagination était celle de ces deux jolis yeux noisettes qu'elle observait depuis quelques temps. Ils étaient si beaux, aux couleurs de l'automne. On pouvait y voire des reflets dorés et des milliers de petits points verts et noirs en arrière plan.
La garçon, de son côté, baissait la tête pour placer son visage face à celui de la jeune fille. Elle souriait et comme toujours, ses yeux pétillaient . Et pour une fois, il faisait de même.
Avec un seul bras il tenait le petit corps de la jeune portugaise contre le sien et à son grand bonheur et étonnement elle ne semblait pas vouloir s'en défaire. Ses yeux ne se détachaient plus de ceux de sa partenaire et il semblait que le temps c'était immobilisé entre eux.
Ce n'était pas la première fois que Dylan voyait un de ses clients sourire ainsi. Mais c'était la première fois que Léna se tenait si heureuse face à un de ses garde du corps. Et rien que pour cela, ce moment était d'une rareté splendide et magique.
– Votre robe vous va à ravir.
– Merci.
Et leurs pas continuaient à danser. Il semblait que les autres couples s'écartaient sur leur chemin pour les laisser passer.
– Vous êtes magnifiques, princesse. Chuchota-t-il.
– Vous n'êtes pas mal non plus, Dylan.
– Je sais. Il rit doucement. C'est pour ça que nous formons un superbe couple enchaîna-t-il en lui adressant un arrogant clin d'œil.
– Mais oui sans aucun doute. On va reprendre une adaptation de la belle et le clochard.
Il rit de bon cœur face à cette réplique et fit tournoyer l'héritière du trône sur elle même avant de la reprendre contre lui. Ils passaient au bord de la piste, et encrés dans leur petite bulle les deux jeunes gens ne distinguaient pas les personnes qu'ils frôlaient presque. Beaucoup parlaient en les voyant, et de nombreuses rumeurs avaient déjà pris place sur ce "beau jeune homme qui dansait avec la princesse". Un parent, un ami ? Mais de quelle classe sociale venait-il et surtout de quel pays ? On avait émis l'hypothèse du garde du corps et c'était dans les plus admises, mais l'idée qu'une femme si jeune et de haute noblesse ose fréquenter un homme, probablement donc bien plus vieux qu'elle et peut être d'une famille pauvre, laissait la proposition à désirer. Cependant, connaissant la princesse, les convives disaient entre eux ne pas être étonnés si c'était le cas.
Ainsi, la deuxième valse se termina et Dylan salua lentement Léna, ce même sourire gravé sur les lèvres. Mais alors même qu'il commençait à tourner le dos, le prince anglais arriva par derrière et empoigna la jeune fille par la taille, rapprochant bien trop son visage du sien.
– À mon tour maintenant, ricanna-t-il sur un ton mauvais.
Il empestait l'alcool.
En trois secondes à peine, Dylan qui avait bien sûr assisté à la scène avait fait signe à un de ses collègues de venir chercher l'héritier anglais. Poings crispés, il s'était approché du duo. Ivan et Gabino se trouvaient à l'autre bout de la salle, ne pouvant pas voir la situation et venir en aide à leur amie. Léna avait beau les chercher du regard, elle ne les trouvait pas et son attention se reposa donc sur le bodyguard qui, a cet instant, pouvait être sa seule aide. Celui-ci s'approchait d'un pas déterminé.
– Veuillez m'excuser, monsieur, mais l'on vous attends plus loin. Était-il arrivé en affirmant ceci, pensant que ce n'était pas entièrement un mensonge car un garde devrait arriver d'un instant à l'autre pour prendre en charge le prince et son taux d'alcoolémie trop élevé.
– Tiens mais c'est le petit kéké. Tu viens te plaindre parce que je t'ai emprunté la portugaise ? Ne t'inquiète donc pas, je te la rends dans quelques instants.
Il essaya de faire tourner la jeune femme pour les emmener plus loin mais celle-ci écrasa brutalement le pied du prince avec son talon, qui lui fit faire une grimace de douleur ; puis elle bloqua tous les muscles de son corps, décidée à ne pas bouger. Les quelques convives qui assistaient à la scène n'osaient pas intervenir mais regardaient l'héritier anglais d'un air outré. Des chuchotement s'élevaient entre eux : "Regardez donc comme ce prince a trop bu, c'est pitoyable très cher, un manque d'éducation, scandaleux."
" Mais qui est donc ce garçon auprès de mademoiselle Léna ? Je ne l'ai jamais vu auparavant..." Deux commères poussèrent même leur discussion jusqu'à plus loin :"c'est fort regrettable que ce jeune lord ait ainsi dérapé, mais tout de même ma chère je suis d'avis que ce beau jeune homme qui vient en aide à mademoiselle Léna ferait un magnifique prince portugais, ne trouvez-vous pas ?" Et les dames pouffèrent, continuant à bavarder.
D'un coup sec Léna arriva à se dégager de l'importun et à peine eut-elle le temps de reculer d'un pas qu'elle sentit deux bras puissant l'encercler. Elle se retourna pour riposter violemment mais se rendit compte avec soulagement que ce n'était que Dylan. Celui-ci regardait l'anglais d'un œil noir et lorsque qu'il fit mine de riposter, les deux bras du garde de protection rapprochée ressèrent leur étreinte dans le dos et sur la taille de la jeune fille, qui ne trouva rien d'autre à faire que de poser sa main droite sur l'épaule du garçon, et la gauche sur le torse.
D'un mouvement malin, elle se retourna vers le futur souverain britannique et lui tira la langue, sourire joueur aux lèvres. Dans un même mouvement, son garde du corps les emportait plus loin, suivant le tempo imposé par la musique, en repliquant d'une voix claire :
– Je ne la prête pas, malheureusement.
Léna sourit face à cette phrase. Elle laissa sa main glisser en bas de l'épaule de Dylan, presque sur le torse, tandis que son autre bras se plaça doucement dans le dos du garde de protection rapprochée. Un frisson parcouru le corps du garçon et il ne put s'empêcher de prier intérieurement le Seigneur de faire en sorte que sa cavalière ne l'ai pas ressentit.
Elle vit quelques secondes plus tard un bodyguard habillé en noir s'approcher du prince anglais et l'emmener sans ménage vers la sortie. Seulement à ce moment-là, l'adolescente sentit les bras du garçons se décontracter.
Mais ils restèrent tout de même enlacés ainsi durant toute la danse, attirant quelques regards curieux sur eux. Quand les instruments cessèrent de jouer, les deux jeunes gens finirent par se décoller. Les yeux de Dylan pétillaient et Léna souriait doucement. Le garçon surplombait la brunette d'une tête environ. Il se pencha vers elle à tel point qu'on aurait pu croire qu'il allait l'embrasser, comme pour terminer ce joli conte de fées qui semblait s'être construit depuis quelques temps.
Mais nous n'étions pas dans un conte de fées.
Alors le garde du corps ressortit tout simplement ses lunettes noires de sa veste pour les replacer délicatement sur son nez, cachant ainsi ses beaux yeux. Il prit la main de la jeune fille pour l'embrasser comme il se doit en haute société. Et avec ce sourire joueur et heureux il dit doucement :
– Ce fut avec plaisir, princesse.
Il faisait exprès d'appuyer sur ce dernier mot lui donnant une intonation spéciale, sentant que son interlocutrice comprenait le message. C'était une petit touche qu'il faisait au début par provocation et amusement. Il l'avait agacé, alors ça l'avait amusé et la garçon avait décidé de continuer.
Princesse.
Princesse.
Princesse.
Léna, de son côté, entendait ce mot résonner en boucle dans sa tête pour la deuxième fois de la soirée. Elle ouvrit la bouche pour répondre mais étrangement aucun son n'en sortit. La jeune fille s'étonna elle-même et s'énerva en pensées de ces voix qui dans sa tête ordonnaient en hurlant au son de sortir de sa bouche.
Ses cordes vocales semblèrent enfin se débloquer après une seconde ou deux, et elle prononça quelques mots.
– Ce fut de même, Dylan.
Dylan.
Dylan.
Dylan.
La garçon qui avait déjà tourné les talons entendit avec un mélange de surprise et de joie son prénom sortir de la bouche de l'adolescente pour la deuxième fois de la soirée. Il se retourna alors pour lui offrir un sourire charmeur.
En l'espace d'une soirée, l'héritière froide et trop joueuse du trône portugais était devenue princesse. Et le garde du corps inutile était devenu Dylan.
C'était si simple.
Mais si rare.
Et ça comblait pour quelques temps deux esprits qui flottaient en riant.