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L'air était doux, bien qu'un peu frais. NamJoon le supportait sans mal, même s'il ne dirait pas non à un vêtement supplémentaire. Toutefois, les rayons du soleil chauffaient agréablement son visage, filtrés par le feuillage des arbres qui tapissaient le sol de ses ombres changeantes. Il faisait assez beau pour la saison, et il s'agissait sûrement de l'un des derniers jours avant que la météo ne devienne définitivement capricieuse et que des journées plus froides ne surviennent.
Dehors, l'après-midi débutait tout juste. Sur la terrasse, dont l'ombre du tilleul formait une légère couverture, SeokJin était installé sur une chaise de jardin au design élégant, devant une petite table sur laquelle était disposé des en-cas futiles. Les bras croisés, il n'avait pas l'air d'apprécier le moment, contrairement au majordome.
« On peut rentrer maintenant ? marmonna le châtain, sur un ton bougon. »
Debout comme à son habitude, dans son éternel costume, NamJoon soupira longuement.
« Nous ne sommes là que depuis dix minutes, dit-il. Tu ne veux pas profiter du soleil ? C'est peut-être la dernière fois avant un très long m–
– Je m'en fiche du soleil, coupa sèchement SeokJin. Ma chambre est mille-fois plus confortable. »
Un autre soupir. Le majordome croisa les bras et secoua la tête, mais l'autre ne le vit pas. Puis il posa ses poings fermés sur ses hanches.
« Tu ne peux pas rester enfermé dans ta chambre à longueur de temps.
– Bien sûr que je peux. D'ailleurs, si tu ne m'avais pas traîné dehors, j'y serais très bien, à l'heure qu'il est.
– Ce n'est pas bon, continua NamJoon, insistant. Il faut savoir sortir parfois, respirer l'air frais et profiter de la nature, de tout ce qu'elle– »
SeokJin poussa un soupir de désespoir des plus bruyant, ce qui interrompit le majordome, lequel regarda son jeune maître, les sourcils froncés. Le châtain s'étala alors sur sa chaise comme une glace fondant au soleil.
« Je m'ennuie, se plaignit-il. Je m'ennuie, je m'ennuie, je m'ennuie–
– Ça va, j'ai compris, coupa NamJoon en se pinçant l'arête du nez. »
SeokJin se redressa soudainement, jovial.
« J'ai gagné ? dit-il. On peut rentrer maintenant ? »
L'autre marmonna, contrarié par son entêtement. Toutefois, il ne répondît pas par la négative, comme les fois précédentes. Le rose croisa ses bras sur son torse et laissa couler.
« Si tu veux, lança-t-il alors. »
SeokJin se releva instantanément, sautant sur ses pieds pour atterrir dans le gazon fraîchement coupé. Il esquissa un large sourire de triomphe, destiné à son cher majordome. Ce dernier ne broncha même pas, ce qui n'empêcha pas pour autant le jeune maître d'entamer sa marche en direction du manoir.
« Enfin, si tu tiens tant à rentrer, commença NamJoon alors que l'autre s'en allait gentiment. Il faut que tu saches que Mme Kim est sûrement en train de faire refaire la déco à l'étage, juste à côté de ta chambre. Enfin, c'est ce que j'ai entendu dire. »
SeokJin se figea soudainement sur place, les pieds ancrés dans l'herbe verte. Immobilisé ainsi, comme une statue, il semblait peser le pour et le contre, mais pas un seul instant, il ne parut pencher pour une solution plutôt qu'une autre. Le majordome décida alors d'en rajouter une petite couche, histoire de le faire bouger.
« Je crois bien que TaeHyung est aussi avec elle, émit le domestique, mimant l'incertitude, une main appuyée sur la table de jardin. Il ne savait pas si cela changerait quelque chose, mais il l'espérait. »
Cette fois-ci, SeokJin fit volte-face et, en un temps record, il était revenu vers son majordome. Le châtain se laissa tomber sur sa chaise, affichant un fin sourire aussi doux et sucré que le miel. Puis il dit, comme s'il n'était pas sur le point de partir il y a à peine quelques instants:
« Alors, tu me sers mon thé ou il faut que je le fasse moi-même ? »
Saisissant la plaisanterie dans son ton, NamJoon esquissa un sourire en coin et, une main derrière le dos, se saisit de la théière à l'aide de sa main gantée. Délicatement, il servit du thé dans la tasse décorée, puis reposa le tout sous le regard attentif du jeune héritier. Sans même qu'on ne le lui demande, il mit trois sucre, fit glisser le récipient de porcelaine jusque devant SeokJin et, sans cesser d'être aussi délicat que possible, prit le couteau pour découper une part de la tarte à la fraise trônant sur la table.
« Merci, marmonna SeokJin, acceptant bien volontiers l'assiette qu'il avait préparé à son attention. »
L'emploi de ce simple mot suffit au majordome, dont un air sincèrement reconnaissant décorait son visage agréable. Il apprécia ce simple geste, et les deux hommes s'échangèrent un regard entendu, presque complice.
L'air était doux, l'après-midi splendide. SeokJin était de bien meilleure humeur et NamJoon, de son côté, ne pouvait que s'en réjouir. Il passait un moment plaisant, un de ceux qui vous font simplement oublier tous vos soucis, où vous profitez tout bonnement de l'instant, sans arrière-pensée, sans préoccupation. En soit, tout ce qu'il y a de plus délectable en ce bas-monde.
Lorsque le grand châtain eu terminé sa pâtisserie et vidé sa tasse de thé, NamJoon, dans un élan venant du cœur, lui présenta élégamment son bras en signe d'invitation. SeokJin considéra un court instant son geste, l'air d'hésiter, avant de finalement poser sa paume sur son avant-bras pour se laisser emporter.
NamJoon l'emmena dans une balade frivole, parcourant le gazon verdoyant et passant entre les haies taillées. Ils se promenèrent d'un pas lent, nullement pressé, tel un vieux couple dans les jardins qui avaient accueillis leur première preuve d'affection. Le silence leur tenait compagnie, bien qu'à eux deux, ils comblaient parfaitement ce rôle.
Ils passèrent sous un arche de roses emmêlés et, finalement, s'arrêtèrent près d'un banc dont la roseraie qui l'entourait envahissait une petite partie du bois bien entretenu. Visiblement, le jardinier n'avait pas eu le courage de couper ces fleurs au symbole connu de tous, et de toute manière, cela n'avait que peu d'importance. Rare était les promeneurs qui s'aventuraient aussi loin, ou qui en avait simplement l'idée.
SeokJin se détacha alors du bras de son majordome pour faire une pause sur ce banc. Il n'avait pas prononcé un mot, et pourtant, NamJoon avait déjà l'impression de comprendre quelque chose. Ses traits adoucis affichaient une certaine peine, une mélancolie profonde. Le voir ainsi, loin dans ses pensées, le regard dans le vague, était un tableau aussi triste que beau.
NamJoon s'assit à ses côtés, ce qui ramena le châtain sur Terre un court instant, suffisant pour qu'il esquisse un rapide sourire et qu'il saisisse sa main dans la sienne. Le silence revint planer un moment, parfois agrémenté du lointain pépiement des oiseaux ou des sifflements discrets du vent.
« Cette roseraie est dédiée à ma mère, fit SeokJin d'un ton calme. C'est mon père qui l'a faite faire, en sa mémoire. Et aussi loin que je m'en souvienne, cet endroit a toujours été tel quel. »
Il regarda sa paume, coincée entre les rudes doigts de NamJoon, lequel resserra alors doucement sa prise.
Ils n'échangèrent pas d'autres paroles, et cela suffisait. Le majordome ne désirait pas l'embêter avec des questions inutiles, et il ne ressentait lui-même pas l'envie de parler. Car ils étaient juste bien, là, et si l'un désirait s'exprimer ou simplement se taire, il pouvait le faire librement.
À quelques mètres seulement, on pouvait voir les barrières de fer qui délimitaient les jardins labyrinthiques. NamJoon les observa, ces limites créés par l'homme, car SeokJin semblait tout à coup regarder au-delà des roses, par dessus les hais. Il fixait le ciel.
Puis, sans que rien ne puisse l'avertir, le châtain se tourna vers lui et planta ses yeux noisette dans les siens. NamJoon resta immobile, sans savoir quels seraient les mots qui seraient prononcés et qui se trouvaient là, suspendus aux lèvres de son amant.
« Et si on s'en allait ? »
La question, aussi simple que directe, prit le grand rose au dépourvu. Un instant, il resta sans savoir quoi dire ni quoi faire. Il ne disait rien, n'exprimait rien. Aucune surprise, aucun étonnement. Il pensait juste.
« Je veux dire, marmonna SeokJin, les yeux baissés, un peu gêné. Si l'on partait loin d'ici, juste toi et moi ? »
Le cœur battant, il s'empressa d'ajouter, de peur que l'espoir ne se meurt:
« On pourrait le faire, dit-il. On pourrait... »
La main de NamJoon serra plus fort, et il releva la tête. Le châtain vit alors l'autre hocher la tête, totalement consentant. Il ne sentait même pas le besoin d'ajouter des mots, car la réponse était simple et claire.
Dès lors, SeokJin ne put qu'exprimer son soulagement, sa joie d'être totalement compris. Il sentit son cœur se serrer dans sa poitrine, et submergé par une forte émotion, il avait subitement envie de pleurer et d'embrasser NamJoon, de lui dire mille et une chose, mille et un merci. Et, comme si l'autre avait saisit ses pensées, il se pencha vers lui.
Dans un accord qu'il savait partagé, NamJoon posa sa bouche à la commissure de ses lèvres tandis que, dans l'élan qui suivit, SeokJin le prit dans ses bras pour ne plus jamais le lâcher. Il l'attira contre lui, ses bras autour de son corps, en guise de remerciement.
L'étreinte ne dura qu'un court instant, car au loin, une voix semblait appeler, chercher. Les deux jeunes hommes se séparèrent, et NamJoon, interrogateur, se tourna, se demandant qui allait arriver incessamment sous peu. Lorsqu'il vit une silhouette approcher après avoir surgit d'un dédale de haie, il dut lâcher la main du jeune maître à contre-coeur.
C'était JungKook qui se tenait là, devant eux, à demi-essoufflé. Il ne fit aucun commentaire et alla droit au but, délivrant le message qu'on lui avait ordonné de faire passer.
« Mme Kim vous demande, souffla-t-il. Elle a une nouvelle à annoncer. »
SeokJin et NamJoon se jetèrent un regard, comme si personne ne savait qui des deux devaient faire le premier pas. Mais avant même qu'il n'ait à chercher une réponse, ce fut le jeune maître qui se leva en premier, époussetant ses vêtements avant de se tenir bien droit. Le rose, toujours assis, se demanda pourquoi est-ce qu'il semblait avoir autant d'assurance, tout à coup.
« Très bien, allons-y, affirma le châtain. »
Et sur ces mots, il dépassa JungKook pour se diriger directement vers le manoir, sans même attendre. NamJoon se leva rapidement, jeta un regard à l'autre domestique, et s'empressa de suivre son jeune maître.
Ils ne tardèrent pas à arriver à leur but, ou du moins, leur but ne tarda pas à les trouver. À peine avaient-ils mis un pied à l'étage, où un brouhaha et une agitation incessante subsistaient qu'on les fit chercher par l'une des domestiques. Cette dernière les escorta jusqu'à elle, là où, au bout milieu du couloir, les employés bourdonnaient comme des abeilles dans une ruche, autour de leur reine.
Ils se frayèrent un chemin dans cette effervescence, et à peine furent-ils à proximité que Mme Kim les remarqua.
Son expression était joviale. Dans sa robe serrée, elle ne paraissait pas en accord avec son âge. Ses traits maquillés n'affichaient rien d'autre qu'une satisfaction plaisante, teinté par quelques rictus sévères. De ses manières rudes mais efficaces, elle dirigeait les domestiques, renvoyant ceux qui lui présentait des vases considérés comme immonde ou des échantillons de papiers-paints qualifiés d'inappropriés. Elle donnait son feu vert, refusait, commandait, et tout ce petit monde suivait ses ordres à la lettre. Toutefois, tout ce raffut cessa presque instantanément lorsqu'elle frappa subitement dans ses mains et qu'elle ordonna sans plus de cérémonie que tout le monde s'en aille. Dès lors, le couloir se vida en un temps record, et ne restèrent plus que SeokJin et son majordome, ainsi que Mme Kim et TaeHyung. D'ailleurs, NamJoon fut presque étonné de le voir. Avec tout le chahut, il ne l'avait même pas remarqué.
Mme Kim se tourna élégamment. Les courbes de son corps, ainsi moulé par la robe, la faisait paraître plus grosse. NamJoon, dans son repli, ne put que constater ce détail qu'il garda pour lui, bien évidement.
« Vous voilà enfin, fit-elle d'un ton suffisant. Puis elle leva ses mains jointes, comme si elle s'exclamait sans en faire des tonnes. Allons discuter ailleurs, ce n'est pas un endroit approprié pour ce que j'ai à vous annoncer ! »
Et, enthousiaste, elle fit volte-face pour s'enfoncer dans le couloir, TaeHyung la précédent, presque collé à ses escarpins, suivit de loin par SeokJin et NamJoon, toujours aussi silencieux l'un que l'autre.
Le petit groupe fut installé dans l'une des nombreuses pièces prévues pour prendre le thé. Autour d'une table ronde parfaitement dressée, NamJoon fut contraint de leur servir à boire un par un, car tous les domestiques semblaient loin, et personne ne pensa à en appeler d'autre pour faire le job. Même HoSeok n'était pas présent pour accompagner TaeHyung.
Toutefois, le majordome fit ce qu'il avait à faire sans se plaindre, aussi rapidement et bien que possible. Pendant qu'il s'attardait à ses tâches, la discussion entre les membres présents se fit. NamJoon les écouta d'une oreille attentive. Étonnamment, ce fut SeokJin qui prit les devants.
« Alors, débuta-t-il. Quelle est cette nouvelle dont tu désirais tant me faire part ? »
La femme fit une moue discrète, un peu comme si sa précipitation l'importunait. Elle avait à peine eut le temps de goûter son breuvage aux fruits.
« Ce que tu peux être pressé, fit-elle remarquer. Elle soupira, puis parut ne pas s'en préoccuper outre mesure. Je voulais simplement vous annoncer qu'un autre voyage est prévu.
– Vraiment ? souleva SeokJin, cachant bien sa joie. Il s'efforça même de paraître un peu peiné, comme si le départ de sa mère de substitution l'attristait réellement. »
Il jeta un coup d'œil bref à son majordome, et ce dernier le capta, comprenant par là qu'ils allaient être seuls, si TaeHyung et sa mère repartaient à l'autre bout du globe. Loin, très loin. Cette perspective enchanta NamJoon, qui afficha alors un faible sourire en coin, toujours occupé à servir, des en-cas cette fois-ci.
Mme Kim sirota son thé, tandis qu'à ses côtés, son fils s'agitait sur son siège, éternellement muet. Ce moment de silence fut plus long que prévu, et cela ne fit qu'aggraver le soudain sentiment de malaise.
La mère de TaeHyung leva ses yeux, identiques à ceux de sa progéniture. Le tintement de sa tasse en porcelaine brisa l'absence de parole, et tous furent suspendus à ses lèvres, car il était certain qu'elle allait parler.
« Oui, nous partons, confirma-t-elle purement et simplement. Alors prépare tes affaires SeokJin, car nous partons avec toute la famille. »
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Et c'est à vous de choisir la destination :)