Comme s'il pleuvait des anges...

By boutchoupitchou

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[Une histoire d'amour compliquée, mêlée de fantastique] Ce roman est disponible en ebook et broché dans une v... More

Petite entrée en matière
Partie 1 : prologue
Partie 2 : Prologue (suite)
Partie 3
Nouvelle couverture
Partie 4
Partie 5
Partie 6
Partie 7
Partie 8
Partie 9-1 : PDV Keran
Partie 9-2 : Nae
Partie 10
Partie 11-1
Partie 11-2
Partie 12
Partie 13
Partie 14
Partie 15-1
Partie 15-2
Partie 16 : PDV Keran
Partie 17
Partie 18
Partie 19
Partie 20
Partie 21
Partie 22
Partie 23
Partie 25
Partie 26
Partie 27-1
Partie 27-2
Partie 28
Partie 29-1
Partie 29-2
Partie 30-1
Partie 30-2
Partie 31
Partie 32-1
Partie 32-2
Partie 33-1
Partie 33-2 : FIN
Remerciements
Vos créations
So Trevor
Nouvelle histoire
FAQ
CSPDA bientôt entre vos mains ?
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Partie 24

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By boutchoupitchou

Nae

(9 mois, 7 jours, 10 heures, 22 minutes, et environ 35 secondes plus tard)

Le vent fouettait mon corps, j'avais les yeux fermés mais les larmes réussissaient quand même à filtrer à travers mes paupières closes sous la poussée du dynamisme. Les jambes relevées vers l'arrière, les bras ouverts en croix que je tentais de stabiliser de mon mieux, j'étais en chute libre.

Mon cœur remontait dans ma poitrine, mes oreilles sifflaient, et je savourais ces sensations. Rien de tel pour me sentir vivante, me sentir libre...

Puis tout à coup, le choc.

Des bras qui m'enserraient, un claquement d'ailes qui nous propulsait vers le haut, c'était déjà fini.

— Cela faisait longtemps, princesse, commenta Haziel. Je pensais que cette fâcheuse tendance suicidaire t'avait quittée depuis le temps.

Ne pouvait-il donc pas se taire ? Ce que j'aimais le plus dans mes sauts dans le vide, mis à part mon sentiment d'être enfin libérée de toutes chaînes, c'était ce moment de flottement et de calme qui suivait la chute. Je ne touchais jamais le sol, je le savais. Il y avait toujours une de ces saletés de moustiques angéliques pour me rattraper et j'avais ensuite tout loisir de contempler le paysage qui s'étendait sous mes pieds. La vue de Svatantria depuis les airs était à couper le souffle. C'était bien pour cette raison que je plongeais.

Oh, les premières fois c'était différent. J'étais bien décidée à y laisser ma peau en fin de parcours, je n'attendais même que cela. Mais, avoir frôlé la mort m'avait fait revenir sur ma position.

Ce n'était qu'après avoir fini de m'entailler les veines et avoir vu tout ce sang couler autour de moi que j'avais réalisé toute la portée de mon geste. J'allais disparaître. Et je n'y étais pas vraiment préparée.

Je m'étais vue dépérir, j'avais senti la vie me quitter et le souvenir de mes parents était revenu me hanter. J'avais immédiatement regretté cette malheureuse décision. Quelle égoïste... Sur le moment, je n'avais pas pensé au mal que je risquais de faire à mes proches s'ils apprenaient ma mort.

Durant mon agonie, je n'avais pas vu ma vie défiler devant moi... non, uniquement leurs visages larmoyants et leur incompréhension face à mon geste désespéré. Et je crois que, quelque part, c'était ce qui m'avait maintenue en vie jusqu'à l'arrivée d'Elemiah. Je m'étais raccrochée à leur mémoire et j'avais utilisé mes dernières forces pour me battre et ne pas trahir la confiance qu'ils avaient placée en moi.

Alors, aujourd'hui, je ne cherchais plus à mourir.

Mon seul but était de connaître à nouveau ce sentiment de liberté qui s'emparait de mon être chaque fois que je sautais. J'y étais devenue accro.

Mon dernier plongeon remontait à plusieurs semaines en arrière. La dernière fois, les anges y étaient tellement préparés que ma chute n'avait pas duré plus de 5 secondes. Une grande déception. Alors j'avais décidé de patienter un peu, d'attendre qu'ils relâchent leur vigilance pour profiter au maximum de ma prochaine immersion dans les airs. Et j'avais réussi.

Cette fois-ci, il avait fallu un peu plus de 30 secondes à Haziel pour me repêcher. Cela pouvait sembler court, mais pas lorsque l'on chutait... le temps semblait étrangement ralentir, et une simple moitié de minute pouvait alors se révéler des plus grisantes.

Haziel se posa sur la terrasse de mes appartements et me retint un instant contre lui, le temps que je reprenne mes esprits et que mon corps se réhabitue au contact du sol sous mes pieds.

J'étais toujours sonnée après coup. Mes oreilles bourdonnaient, mon cerveau faisait sans doute des tonneaux à l'intérieur de ma tête... bref, j'étais incapable de tenir une conversation sensée avant plusieurs minutes.

— Je ne voulais pas me tuer, Haz, finis-je tout de même par déclarer après avoir remis mes idées en place.

— Tu as une drôle de façon de le démontrer dans ce cas...

— Je sais bien que tu seras toujours là pour me rattraper, le piaf.

J'aimais bien Haziel. Pour un ange, il était plutôt sympathique. Dans d'autres circonstances, nous aurions pu être amis tous les deux. Il s'était toujours montré agréable avec moi et il semblait presque désolé de mon sort, bien que je ne me fisse aucune illusion envers qui allait son allégeance.

Il me faisait office de garde du corps. Elemiah lui avait attribué ce rôle dès les premiers jours et Haziel s'efforçait de le remplir de son mieux. Même si je ne lui facilitais pas vraiment les choses.

Je prenais un malin plaisir à le faire tourner en bourrique. Je ne comptais plus le nombre de fois où j'avais réussi à lui fausser compagnie. Malheureusement la citadelle m'offrait peu de recoins où me cacher et je finissais par me faire repérer tôt ou tard. Il y avait toujours un ange qui passait dans le coin pour me retrouver...

— Nae ! Tu es là ! Je te cherche partout depuis des heures.

Ou une sombre crétine... ajoutai-je intérieurement en voyant un très beau spécimen du genre s'approcher de moi.

Haziel en profita pour s'éclipser et je l'enviai alors énormément de cette faculté qu'il avait à disparaître dès que la situation devenait un peu trop critique à ses yeux.

— Qu'est-ce que tu veux, Bêtise ? soupirai-je.

— C'est Betty ! s'indigna-t-elle. Je te l'ai déjà dit.

Cette greluche était l'une des cinq compagnes angéliques qui habitaient la forteresse, en plus de moi. Le magnifique tatouage qui ornait son front en était la triste preuve.

Je portais d'ailleurs à peu près le même, à ceci près que le mien prenait une teinte dorée par endroits et que le symbole en son centre était censé représenter « mon appartenance » à cet Ô Combien Suprême Seigneur Rex. Cette marque de royauté me donnait un statut bien particulier dans la citadelle.

Si j'avais laissé faire, je suis sûre que certains moustiques seraient allés jusqu'à me lécher entre les orteils. Et si je ne passais pas mon temps à envoyer Elemiah sur les roses et que je ne m'appliquais pas à l'empêcher d'aller butiner ma petite fleur, je suis certaine que je régnerais déjà sur le CDLC d'une main de maîtresse. Je les aurais tous mis à genoux sur les rotules ces vampires à plumes.

J'eus un sourire mauvais à cette pensée. Peut-être que la solution était là finalement...

Mais je n'étais pas prête à me laisser embobiner aussi facilement que Betty et les autres. Moi je n'oubliais pas. Ces ordures avaient détruit notre monde, ils se l'étaient accaparés et ne semblaient pas décidés à nous le rendre. Mais surtout, je n'oublierai jamais ce qu'ils lui avaient fait à lui.

Je ravalai son souvenir avant de m'écrouler sous le poids de l'émotion. Ma douleur ne m'avait jamais quittée.

En neuf mois, la situation avait eu le temps d'évoluer sur la planète. Les gouvernements s'étaient tous couchés devant ces créatures célestes dotés de pouvoirs surnaturels. Après quelques malheureuses tentatives de rébellion avortées, ils avaient fini par s'avouer vaincus et avaient rendu les armes. Beaucoup voyaient nos visiteurs à plumes comme de vrais anges descendus sur Terre pour accomplir la parole de Dieu.

N'importe quoi.

Ma présence dans le CDLC m'offrait au moins la possibilité d'en apprendre un peu plus sur l'impact des anges sur le reste de la planète.

J'avais ainsi découvert qu'à leur arrivée, ils s'étaient répartis équitablement en plusieurs petits groupes à des points stratégiques qui ne dépendaient pas tant de l'importance des villes mais plutôt de leur situation géographique. Ces saletés de moustiques s'assuraient de cette façon de couvrir la plus grande surface du globe et de contrôler les quatre coins du monde.

Si leur quête d'humaines compatibles ne donnait rien dans les villes envahies au départ, chaque barrière d'énergie existante était susceptible de s'étendre pour gagner davantage de terrain et ils pouvaient ainsi approfondir les recherches sur un périmètre plus avancé.

J'avais également appris qu'il existait de part le monde, un total de 125 champs de forces semblables à celui qui encerclait actuellement Svatantria, et tout autant de citadelles aériennes.

Sachant qu'une quarantaine d'anges vivaient au sein de chaque forteresse, nous faisions face à une armée d'environ 5000 envahisseurs. Ce nombre m'avait déjà été révélé par Monsieur Sexy par le passé mais en avoir la confirmation était tout de même déroutant. Seulement 5000 anges pour 7 milliards d'êtres humains et ils nous mettaient quand même la pâtée... c'était incompréhensible.

— ... voilà pourquoi il est très important que tu sois présente.

Bêtise venait apparemment de débiter un long monologue et je me rendis compte que je n'en avais pas écouté un traître mot.

Même si j'avais une idée assez précise du motif de sa présence et de la raison de son excitation. Cela faisait des jours qu'elle me bassinait avec la même histoire.

— Je n'assisterai pas à cette ridicule cérémonie, je croyais pourtant avoir été claire, lui répondis-je d'un ton dur.

— Mais il s'agit de la première grossesse de l'une d'entre nous depuis l'avènement des anges ! s'indigna-t-elle.

— Je m'en fous, Betty ! Peut-être que toi et les autres vous vous complaisez dans votre rôle de poules pondeuses mais ce n'est certainement pas mon cas !

— Tu ne mérites pas ta position, s'emporta-t-elle. N'importe qui rêverait d'être à ta place. Tu as été choisie par le plus grand de tous, un être majestueux, un modèle de perfection, et tu ne profites même pas de ta chance. Tu ne le mérites pas. Il serait tellement mieux avec...

— Avec qui ? Hein Betty ? Avec toi ? C'est ça qui te fait enrager ? C'est pour ça que tu ne me lâche pas la grappe depuis que je suis arrivée ? Parce que tu es jalouse ? Et bien, tu sais quoi, ne te gêne surtout pas pour moi ! Il est tout à toi, je te le laisse... Ah, mais non, j'oubliais, c'est vrai qu'il s'en tape complètement de ta personne... pauvre petite Bêtise malheureuse...

La jeune femme, une belle brune aux yeux noirs et taillée comme une guêpe, tentait désespérément d'attirer l'attention d'Elemiah depuis qu'elle le connaissait, mais ce dernier n'en avait cure. Elle ne se laissait pas démonter pour autant et, malgré le manque d'intérêt notoire de l'ange, elle persistait à vouloir lui mettre le grappin dessus. Son propre moustique de compagnie ne lui suffisait apparemment pas — il n'était sans doute pas assez gradé selon ses critères — et elle s'obstinait à tout faire pour obtenir les faveurs d'un suceur de sang royal.

Elle me dégoûtait. Je ne parvenais pas à comprendre son comportement abject. Comment pouvait-elle en arriver à de telles bassesses ? Elle devait être sacrément mauvaise à la base pour réagir de cette façon.

Parce que, ce qui était certain, c'est qu'elle n'avait rien d'une femme qui serait sous le joug de son compagnon et incapable de se défaire de son emprise. J'aurais été la première à la défendre dans ce cas, mais non, pour elle c'était tout à fait l'inverse... une arriviste, voilà ce qu'elle était. Elle aimait ce sentiment de puissance que lui procurait son statut, et elle en profitait... quitte à piétiner les autres sur son passage.

Au début j'avais eu pitié d'elle, je croyais qu'elle subissait le contrecoup du pouvoir de séduction d'un ange et qu'elle était incapable de penser par elle-même, tout comme cela pouvait être le cas des autres compagnes que j'avais pu rencontrer ici-haut. Mais je m'étais vite rendue compte que Bêtise était un cas à part... les autres ne semblaient pas aussi mauvaises. Elles me donnaient plutôt l'impression d'être lobotomisées, je les plaignais, quelque part. Même si parfois j'aurais voulu pouvoir être aussi insouciante.

Elles étaient dociles. Elles se satisfaisaient candidement de leur condition nouvellement acquise et leurs yeux faisaient des étincelles dès qu'elles se retrouvaient en présence de leurs moustiques respectifs. Après tout, peut-être en étaient-elles réellement éprises, en tout cas elles en paraissaient persuadées. Mais Betty, non. Elle, elle était perfide, vicieuse.

En fait, j'avais même fini par en arriver à l'hypothèse qu'elle n'était pas réellement ce qu'elle prétendait. Après les avoir observés longuement elle et son compagnon, j'avais de gros doutes quant à l'hétérosexualité de ce dernier. Je n'aurais pas été étonnée que Betty ait passé un quelconque marché avec lui pour se faire passer pour compatible afin de rejoindre la citadelle plus facilement et d'étancher ainsi sa soif de pouvoir.

Enfin, pour ce que cela m'importait...

— Tu n'es qu'une sale pimbêche stupide et coincée, me rétorqua-t-elle hargneuse, soulevant sa main dans l'intention manifeste de m'en coller une.

Je crois qu'elle n'avait pas apprécié que je la surnomme Bêtise une fois de plus, ou bien que je lui fasse remarquer son incapacité à séduire le Rex...

Elle n'eut toutefois pas le loisir d'aller jusqu'au bout de son geste. Elle poussa un cri de douleur lorsqu'Elemiah, apparu de nulle part, referma ses doigts sur son poignet et le lui tordit dans le dos. Il avait déployé ses ailes sous le coup de la fureur et les voir se dresser fièrement derrière lui, si impressionnantes, lui donnait l'air d'autant plus inquiétant.

— Aurais-tu oublié à qui tu t'adresses, puterelle ?! gronda-t-il en la fusillant du regard.

— No... Non, mon Rex. Je... suis désolée, je ne... ne voulais pas manquer de respect à votre reine. Je ne recommencerai plus, je vous le... le jure, bégaya-t-elle.

— En effet, tu n'en auras pas l'occasion.

Il était particulièrement calme en cet instant et cela ne présageait rien de bon. Ce fut ce qui me poussa à intervenir. J'avais appris à le connaitre au fil des mois et, vue l'expression impitoyable qu'il arborait, il y avait désormais peu de chance que Betty quitte la citadelle sur ses deux pieds.

Elemiah pouvait se montrer légèrement irritable lorsqu'il était question de moi.

— Laisse-la partir, Elemiah, le pressai-je. Elle ne pensait pas ce qu'elle disait.

— Elle t'a insultée et était sur le point de te frapper. Elle mérite la mort, tonna ce dernier.

— Pitié, Seigneur ! supplia Betty terrifiée. Ce n'était pas mon intention, je ne cherchais qu'à vous satisfaire.

— Je n'aurais pas dû laisser Aladiah te ramener ici en premier lieu, tu n'as jamais eu ta place auprès de nous, continua-t-il sans l'écouter et en la toisant froidement.

— Dans ce cas, fais la quitter la citadelle, mais tu n'as pas besoin de la tuer, tentai-je à nouveau de le raisonner.

Il braqua enfin son regard sur moi et m'observa comme s'il essayait de me comprendre.

— Tu es trop magnanime, ma reine.

Caliel apparut derrière Elemiah, répondant visiblement à un ordre télépathique de sa part. Il fit sortir Betty de la pièce, indifférent à ses supplications.

Je poussai un soupir de soulagement en comprenant que j'avais réussi à avoir le dernier mot et qu'il ne la tuerait pas.

Une fois que le général de la garde eut quitté la pièce, son fardeau sous le bras, Elemiah s'adressa de nouveau à moi. A voix haute. Heureusement, il n'avait pas encore la capacité à communiquer avec moi par la pensée. Cela m'aurait vraiment dérangé, j'aurais eu l'impression de n'être plus jamais seule dans ma tête après cela.

— Je dois m'absenter jusqu'à demain soir, je ne serais certainement pas de retour avant la cérémonie, m'apprit-il alors qu'il me caressait la joue.

Je reculai prestement pour ne plus avoir à sentir son contact répugnant, et je le fusillai du regard. Cela parut l'amuser.

Durant ces neuf derniers mois, il s'était montré des plus patients. Il n'avait jamais eu un mot plus haut que l'autre à mon égard, même lorsque je faisais tout mon possible pour lui faire péter les plombs. Il était particulièrement attentif à ne pas me brusquer, insensible à mon tempérament explosif. Je crois qu'il faisait bonne figure dans l'espoir de me prouver qu'il n'était pas quelqu'un de mauvais.

Raté mon petit chérubin, je n'oublierai jamais ce que tu as fait à Keran.

Il multipliait ainsi les attentions et gestes tendres à mon encontre. Mais je le repoussais à chaque fois.

Je mentirais si je disais que je n'avais pas connu des périodes de profond désespoir pendant lesquelles j'avais été à deux doigts de flancher.

Il y avait eu cette nuit en particulier où je m'étais effondrée en repensant à tout ce qui ne tournait pas rond dans ma vie et au fait que je ne reverrais probablement jamais plus les gens que j'aimais. J'étais en larmes et, dans un moment d'égarement, je l'avais laissé me prendre dans ses bras pour me consoler. Lui, le responsable de tous mes maux. Il s'était montré des plus compatissants, et j'avais tellement besoin d'une épaule sur laquelle pleurer à ce moment là, que j'avais baissé ma garde et profité du court moment de réconfort qu'il m'offrait.

Épuisée, je m'étais endormie contre lui sans m'en apercevoir. Le lendemain, lorsque je m'étais réveillée à ses côtés et que j'avais découvert son sourire triomphant, j'en avais vomi tout mon dîner de la veille. Je m'étais alors juré de ne plus jamais revoir une telle expression s'afficher sur son visage. Je ne devais plus le laisser m'approcher.

Je ne répondis pas à sa phrase. Il pouvait bien s'absenter une semaine s'il le souhaitait, je m'en fichais éperdument. Non, en fait j'en étais plutôt heureuse, plus il s'éloignait de moi et mieux je me portais.

Il comprit que je n'étais pas plus décidée à lui répondre que d'habitude et me sourit tristement.

— J'aimerais tant que tu puisses me comprendre, mon adorée. Que tu parviennes à voir au-delà de ta peine et que tu te rendes enfin compte que nos âmes sont liées.

— Compte là-dessus, tiens, maugréai-je.

Il me lança un dernier regard à faire pleurer dans les chaumières et tourna les talons.

Le plus regrettable dans cette histoire c'est que j'aurais pu me laisser séduire par un ange. S'ils étaient apparus autrement que comme des conquérants, s'ils n'avaient pas voulu se la jouer supérieur dès le départ, j'aurais même pu tomber amoureuse de l'un d'entre eux. Je les comprenais. Ils ne voulaient pas que leur espèce s'éteigne, c'était plutôt légitime de leur part. Mais leur arrogance les avait poussés à coloniser la Terre et à user abusivement de leur pouvoir plutôt que de faire en sorte de cohabiter pacifiquement avec nous. Cette folie des grandeurs était déplorable.

***

Elemiah avait quitté la citadelle avec tout un escadron, les quelques anges restés sur place terminaient les préparatifs de la réception qui aurait lieu le lendemain, aidés de leurs compagnes. Tous s'activaient dans une ambiance festive et chaleureuse des plus détestables.

Cela m'avait amenée à sortir de mon trou pour arpenter les couloirs désormais désertés.

Toute cette agitation autour de la cérémonie me donnait mal au cœur. L'annonce de la première grossesse entre un ange et une humaine avait eu lieu officiellement en début de semaine et cette nouvelle réjouissait tellement ces emplumés qu'ils avaient décidé d'en faire une fête nationale.

L'heureuse maman en était déjà à son septième mois de grossesse. Il y avait donc de bonnes chances pour que le bébé tienne bon. « Au bout de sept mois, encore heureux » me direz-vous, et bien non. Le temps de gestation des anges étaient d'environ 550 jours... brrr, j'en avais des frissons rien que de l'imaginer. Je ne pouvais m'empêcher de penser à la place que devaient prendre les ailes du bébé dans l'utérus et à la façon dont elles allaient pouvoir passer le col... non, en fait, mieux valait ne pas y songer.

Remarquez, un an et demi c'était toujours mieux que les deux ans que se coltinaient les éléphantes, et ne parlons même pas des trois ans et demi nécessaires au requin lézard.

Bref, je laissai donc tout ce beau monde à ses préparations et me dirigeai vers la partie de la citadelle contenant ce merveilleux passage vers le monde extérieur... mon ticket de sortie vers la terre ferme et la liberté.

J'étais toujours à l'affût de la moindre brèche de sécurité qui me permettrait d'accéder à la salle du téléporteur.

Voilà à quoi je passais mes journées depuis des mois : repérer les lieux et recueillir un maximum d'informations pour fausser compagnie à mes hôtes indésirables dès la première occasion.

Jusqu'à présent, à chaque fois que je m'y étais rendue, un ange en barrait l'accès principal. Aussi fus-je très étonnée de constater que ce n'était pas le cas aujourd'hui.

L'opportunité était trop belle. Je regardai vivement autour de moi pour voir si le garde ne s'était pas tout simplement caché dans un coin pour me sauter dessus au dernier moment, mais il n'était visible nulle part.

Je ne réfléchis pas plus longtemps, l'occasion ne se représenterait pas deux fois dans la même semaine. Je fonçai vers l'ouverture et m'y engouffrai en vitesse avant que l'on ne m'aperçoive.

J'arrivai face à un escalier en colimaçon menant droit sous terre. Il avait été prévu suffisamment large pour laisser passer un ange dans toute sa splendeur. Je descendis les marches subrepticement, à l'affût de tout mouvement suspect aux alentours.

Lorsque j'atteignis enfin le palier inférieur, je me retrouvai aussitôt devant un large couloir donnant sur plusieurs portes en verre qui se faisaient face les unes aux autres sur toute la longueur. Heureusement que la voie était libre, parce que je me trouvais à présent totalement à découvert.

Je remarquai une autre ouverture en face de moi, de l'autre côté du couloir, et m'avançai pour la rejoindre, le pas léger mais vif.

Alors que j'étais sur le point de dépasser la deuxième porte sur ma gauche, un mouvement à l'intérieur de la pièce me fit faire un bond en arrière. Je crus d'abord avoir été repérée, mais je constatai rapidement que ces portes en verre refermaient en réalité des sortes de geôles assez étroites et démunies de mobiliers. Et l'une d'entre elle était visiblement occupée.

Un corps étendu sur le sol et reposant sur son flanc, dos à moi, attira particulièrement mon attention. Je m'en approchai furtivement afin de mieux examiner la personne qui se trouvait là.

Alors que j'avais pratiquement le nez collé contre la vitre, l'individu se retourna vers moi et je découvris son visage...

Mon cœur rata un battement, j'oubliai de respirer, et les larmes me montèrent aux yeux.

Dieu du sexe ! Je le croyais mort... 



Mouahahah, je sais, je sais, je suis cruelle et vous avez envie de m'embrocher vivante à cause de ce que je vous fais endurer avec ce suspense intolérable :p

Mais j'essaie d'être aussi rapide que possible pour que vous n'ayez pas le temps de vous arracher les cheveux à en devenir chauves. Promis !

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