Frontière

By HerjaFrol

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Il ne me restait qu'une étape pour obtenir mon diplôme de journalisme : le stage obligatoire. Rien ne me semb... More

Chapitre 1 - Partie 1/2
Chapitre 1 - Partie 2/2
Chapitre 2 - Partie 1/2
Chapitre 2 - Partie 2/2
Chapitre 3 - Partie 1/2
Chapitre 3 - Partie 2/2
Chapitre 4 - Partie 1/2
Chapitre 4 - Partie 2/2
Chapitre 5 - Partie 1/2
Chapitre 5 - Partie 2/2
Chapitre 6 - Partie 1/2
Chapitre 6 - Partie 2/2
Chapitre 7 - Partie 1/2
Chapitre 7 - Partie 2/2
Chapitre 8 - Partie 1/2
Chapitre 8 - Partie 2/2
Chapitre 9 - Partie 1/2
Chapitre 9 - Partie 2/2
Chapitre 10 - Partie 1/2
Chapitre 10 - Partie 2/2
Chapitre 11
Chapitre 12 - Partie 1/2
Chapitre 12 - Partie 2/2
Chapitre 13 - Partie 1/2
Chapitre 13 - Partie 2/2
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Chapitre 51
Chapitre 52
Chapitre 53
Chapitre 54
Chapitre 55
Chapitre 56
Chapitre 57
Chapitre 58
Remerciements

Chapitre 27

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By HerjaFrol

Installée dans le taxi, je me prépare psychologiquement à ce quim'attend, le regard vissé à la nature ambiante. Cela fait déjà trente cinq minutes que nous avons quitté l'agitation de la capitale. Des plaines arides à portée de vue, un soleil à son zénith et une route poussiéreuse, voici ce qui s'étale à travers ma vitre. La musique rythmée qui résonne dans l'habitacle ne me détend pas, pas plus que les coups d'œil à répétition que me jette le chauffeur.

L'orphelinat de St Joseph se situe à cinquante kilomètres du centre-ville. Est-ce une volonté de l'État de protéger les enfants de la pollution de la métropole en les faisant grandir à l'écart ? Ou s'agit-il d'une façon de cacher ce que personne ne désire voir ? Une triste réalité qui dérange plus qu'elle ne préoccupe. J'aimerais opter pour la première option, il n'empêche que depuis quelque temps, je prends conscience de nombreuses réalités. Et il faut dire qu'elles sont loin d'être jolies.

La bâtisse en pierres qui se dresse devant nous est magnifique. Élégante, solide, arborée de fleurs multicolores et de palmiers, l'ensemble est à mille lieux de ce à quoi je m'attendais. Boostée par cette bonne surprise, je tends une poignée de Pesos au conducteur et m'empresse de retrouver l'air moite et étouffant. Quelques cris d'enfants m'accueillent suivis d'applaudissements. La cour extérieure doit se trouver de l'autre côté du bâtiment, car même si j'entends des voix, je ne vois personne. Je frappe à deux reprises contre l'imposante double porte arrondie et patiente, mon téléphone à la main.

Que suis-je censée trouver, ici, Ezequiel ? Quel est le lien avec toi ?  Ces questions me hantent depuis mon départ. Et mes théories, toutes plus bancales que les précédentes, ne parviennent pas à me convaincre. Étais-tu, toi-même un orphelin ? Ou en as-tu laissé un derrière toi ? La dame âgée qui se pointe devant moi coupe court à mes réflexions, je me râcle la gorge pour m'accorder un instant supplémentaire et approche mon téléphone près de ma bouche quand elle me devance.

— Vous êtes américaine ?

Mes yeux s'arrondissent tandis qu'un sourire m'échappe.

— Oui, madame. Vous parlez Anglais !

— Il est un peu rouillé mais je crois me débrouiller.

— Il est parfait, bien meilleur que mon Espagnol.

— Vous avez rendez-vous ?

Et c'est maintenant que ça se complique.

— Pas vraiment, non.

Ses yeux plissés examinent avec attention mes faits et gestes.

— J'aimerais faire une surprise à mon mari et je me disais que vous pourriez peut-être m'aider. C'est un homme d'affaires très occupé, et si je peux être honnête avec vous, l'adoption est mon idée. Il est incapable de me refuser quoi que ce soit alors une fois que j'aurais rencontré notre futur enfant, le convaincre ne sera pas bien difficile.

Mes mensonges me répugnent d'autant plus qu'ils ne semblent pas la convaincre.

— Il est très terre à terre comme homme, il a besoin de se projeter. Quelques photos d'enfants pourraient le convaincre.

Mon dieu, qu'on me bâillonne.

— Attendez, je me précipite d'ajouter, je me rends compte que mes propos, sortis de leur contexte peuvent être déplacés. A bien y réfléchir, même en situation, ils ne sont pas terribles.

Je passe une main sur mon visage, les paupières fermées et lorsque je les rouvre, son absence de jugement me détend.

— Je suis désolée, je m'égare.

— Vous êtes stressée mon enfant, c'est normal. Ce n'est pas un jour comme les autres.

— En effet.

— Allez, suivez-moi et allons à la rencontre de ces petits trésors.

Pleine de remords et d'appréhension, je traverse le couloir sombre sur les pas de mon guide. Elle s'arrête, pivote sur sa droite et par mimétisme, je l'imite. Devant nous, une table de plusieurs mètres, recouverte d'un bulgomme bleu canard, est disposée au milieu de la pièce. Installés autour, des dizaines de bambins qui portent le même bavoir en plastique blanc, mangent dans un silence religieux.

— Les plus jeunes prennent leur déjeuner. Ensuite ce sera le tour des enfants puis des adolescents. Trois services, quatre fois par jour.

— Ils n'ont pas de verre à table ?

L'interrogation qui m'échappe amuse la vieille dame.

— Pour éviter que l'eau se renverse, ils boivent à la fin du repas. Comme vous pouvez le constater, la plupart d'entre eux ne savent pas encore se servir correctement d'une cuillère et préfèrent utiliser leur doigt mais cet apprentissage est en cours.

— Je trouve ça chou.

Les sourcils arqués, elle ne relève pas.

— Je réalise que j'ai oublié de me présenter, reprend-elle en tendant sa main vers moi. Ana, la doyenne de ce lieu. Je suis également infirmière, institutrice, éducatrice et à mes heures perdues, chanteuse.

A mi-chemin entre l'admiration et l'étonnement, je m'autorise le droit de la dévisager tout en serrant sa main.

— Spencer Jones.

Je ne suis clairement plus à un bobard près.

— Si je comprends bien, je reprends avec douceur, vous êtes une mère de substitution.

— Je fais de mon mieux. Certains d'entre eux ont vécu des choses horribles. Vous aurez bien sûr accès à leur dossier avant de faire votre choix.

— Comment ça ?

— Les traumatismes qu'ils ont subis peuvent laisser des séquelles, et si vous désirez un enfant sain, ce n'est pas un problème.

Les mâchoires serrées, je me contente de hocher la tête. Est-ce de cette façon que les parents adoptifs font leur choix ? En fonction du degré d'atrocités que les enfants ont subi. Et si tel est le cas, que deviennent les autres ?

Elle se remet en marche et j'en fais tout autant. A l'extérieur, j'oublie durant un moment, l'endroit où je me trouve. A l'image d'une cour de récréation, ça court, ça saute et ça hurle dans tous les sens. Habillés d'un short et débardeur rouge, les orphelins s'amusent sans se soucier un seul instant de ma présence.

— Je vais appeler au calme, m'indique-t-elle.

Mes doigts se referment sur son épaule pour la retenir.

— S'il vous plaît, laissez-les jouer.

— Si c'est ce que vous voulez, très bien.

A l'ombre, sous un arbre, un banc accueille deux femmes de même génération que ma guide. Vêtues de longues robes noires et les cheveux tirés vers l'arrière, elles guettent los ninos et réagissent au moindre dérapage. Pourtant les petites têtes brunes qui gambadent autour de moi ne semblent pas sans soucier. L'un d'entre eux jettent un ballon jaune vers le ciel et dans un code qui m'échappe, les autres se précipitent vers le toboggan au fond de la cour. Je ne parviens pas à les compter car ils se déplacent vite mais ils doivent être une bonne quarantaine. A laquelle il faut ajouter la quinzaine de bambins qui prennent leur déjeuner et les adolescents que je n'ai pas encore rencontrés. Ils ne doivent pas être loin d'une centaine. Cent destins brisés, cent vies écorchées, cent être humains en attente d'un foyer, d'une famille aimante.

Je sursaute quand je sens un effleurement au niveau de mon tibia et la petite fille à l'origine de ce contact recule en se cachant le visage entre ses mains. D'un geste rapide mais contrôlé, je m'abaisse à son niveau et laisse mes lèvres s'étirer.

— Salut, toi.

Elle doit avoir cinq ans, peut-être six, ses longs cheveux bruns lisses lui servent de rideaux pour m'observer en toute discrétion. Ses joues rondes et ses petits doigts potelés me font craquer toutefois je me retiens de lui en faire part car j'ai peur que mes mouvements pour attraper mon portable l'effraye.

— Cómo te llamas ? *

Ma question l'a fait paniquer alors je me dépêche de reprendre la parole.

— Tu n'es pas obligée de me le dire, tu as raison. Après tout ça ne me regarde pas. Et puis, je suis certaine que tu as un prénom adorable, il ne peut pas en être autrement.

Elle et moi, ne partageons rien. Nous ne parlons pas la même langue, n'avons pas les mêmes coutumes ou traditions. J'ignore tout de son quotidien et l'inverse est également valable. Pourtant, le sourire timide qu'elle m'offre efface toutes ces conneries.

— Estela ! gronde Ana qui s'arrête à mes côtés. ¡Cuando alguien te hace una pregunta, contestas!*

Ma nouvelle amie sursaute, pivote sur ses talons et s'éloigne à toute vitesse.

— Nous ne tolérons aucun égard de politesse, veuillez accepter mes excuses pour ce qui vient de se passer.

— Elle est juste timide.

— Ce n'est pas une raison pour être malpolie.

La doyenne m'affronte du regard comme si elle me mettait au défi de la contredire.

— Je la trouve adorable.

— Elle n'est pas disponible.

La tournure de sa phrase me fait tiquer et je me mords la langue avec force pour m'empêcher de réagir.

— Une famille est prête à l'accueillir ?

Son hésitation est palpable, elle s'humecte les lèvres, laisse ses yeux sombres parcourir la cour avant de revenir vers moi.

— Dans son cas, la procédure est différente.

— Pourquoi ?

— Parce que c'est ainsi.

— Qu'entendez-vous par différente ?

— Disons qu'elle ne suit pas le chemin classique mais rassurez-vous, c'est tout à fait habituel.

Perplexe, je la toise en toute impunité. Je comprends qu'elle ne révèle pas ce genre d'informations à une inconnue, et que ce type de procédure demande un minimum de discrétion. Le problème n'est pas là, il réside plutôt dans sa manière d'amener les choses. Tu délires Joy, elle ne parle pas dans sa langue maternelle, voilà tout. Son anglais est déjà irréprochable, tu ne vas pas la blâmer pour son manque de délicatesse.

— Dites-moi, Ana, vous recevez beaucoup d'Américains ?

Elle se tourne dans ma direction et je planque sur mon visage, mon plus joli sourire de façade.

— Pourquoi me posez-vous cette question ?

— Vous m'avez dit à mon arrivée que votre Anglais était quelque peu rouillé mais je le trouve, au contraire, très juste. Alors je me demandais si vous aviez l'occasion de le parler régulièrement avec les futurs parents, par exemple.

— Quelques familles de votre pays viennent chercher nos orphelins, lorsque les délais sont trop longs chez vous. Je pense que vous êtes bien placés pour le savoir.

À son tour, elle me sourit avec hypocrisie tandis que ma petite voix me hurle que quelque chose cloche. Ezequiel, je crois que je commence à comprendre. 

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Traduction :

Como te llamas ? : Comment t'appelles-tu ?

¡Cuando alguien te hace una pregunta, contestas! : Quand on te pose une question, tu réponds !

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