Chapitre dix-sept

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Je n'oublierai jamais le désespoir qui émana du regard de Damian quand le ravisseur posa ses deux mains autour de son cou.

« Je dois me préparer à mourir » insufflait-il. « Inspirer une dernière fois, sentir l'oxygène traverser mon corps et gonfler mes poumons avant que l'au-delà ne me tende les bras. Accepter que mon heure soit venue. »

Que ressentait-il à cette pensée ?

La poigne de Vassilis se resserra. Le temps sembla s'arrêter, mais les cœurs continuèrent de battre. Les corps se statufièrent, les yeux se dilatèrent et un silence de plomb s'abattit sur le toit du pénitencier.

Une vague d'affliction nous frappa de plein fouet, tel un tsunami que l'on ne peut maîtriser. Une fois de plus, l'impuissance dominait dans nos esprits en dépit du courage et de la force de l'union.

Le teint de Damian vira blafard. Ses joues rosirent sous l'effort. Il parut puiser une énergie considérable, ne serait-ce que pour tenir sur ses deux jambes.

Vassilis l'envoya valser. Son épaule percuta le mur, arrachant à Damian une plainte silencieuse. Il tenta tant bien que mal de se relever, mais son bourreau se rua sur lui. Je retins mon souffle quand Vassilis porta un coup de pied contre ses abdomens, faisant se replier sa victime sur elle-même. Il l'attrapa par le col de sa chemise tâchée de crasse et de sang, puis lui asséna un crochet du gauche.

— Parle, putain de merde !

— Je vous jure que je dis la vérité ! Je... Je n'ai aucun contact avec l'extérieur !

Une balle fendit le ciel avant de retomber au sol. Une odeur de poudre parvint jusqu'à mes narines. Le temps des civilités était révolu.

Le geôlier rechargea son arme. Saveria était pétrifiée sur place. Certains prisonniers cherchèrent à se défaire de leurs chaînes – sans succès. En bon samaritain, Alistair fit régner l'ordre d'un second tir manqué.

— Que quelqu'un parle ou je le tue ! menaça Vassilis.

La tension grimpa en flèche. Je sentis mon corps surchauffer, empreinte d'une peur viscérale. Le bout du calibre touchait le front de Damian. Il frôla sa tempe, ses mâchoires, puis redescendit titiller son cœur.

Le mien cessa de battre.

Vassilis semblait prendre du plaisir à le martyriser ainsi. Sa langue glissait sur sa lèvre inférieure tandis que ses yeux transpiraient de malice. Insoutenable était la crainte que je ressentis à ce moment-là.

Devais-je faire défaut à Hosana et la livrer à Vassilis ? Nos propres vies valaient-elles le sacrifice d'un innocent ?

— Un dernier mot ? demanda le geôlier à l'attention de Damian.

Le teint livide, ce dernier ne répondit rien.

— À genoux, ordonna-t-il finalement.

Damian obéit. Un ange passa. Ses boucles blondes cachaient un regard larmoyant, fuyant de pudeur – que dis-je ? de résignation.

Alors il en était ainsi ? Nous allions laisser ce monstre voler le dernier souffle de Damian ?

Nous aurions sa mort sur la conscience... Nous nous demanderions, chaque jour qui passe, pourquoi nous aurions survécu à sa place.

Sur le point de me dénoncer, un bruit sourd retentit. Je protégeai mes tympans des sifflements, hurlant à m'en briser les cordes vocales. Mes jambes flanchèrent et je tombai. Si j'osais relever les yeux, verrais-je son cadavre gésir sur le sol ?

Contre toute attente, un gémissement étouffé nous parvint. Damian était bel et bien vivant, mais son épaule, à travers le tissu déchiré, saignait abondamment.

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