Chapitre vingt-quatre

153 31 104
                                    

Aislinn

Je m'extirpai de l'alvéole à pas de loup. L'ancienne chirurgienne se tenait dos à moi, seule et désarmée. Je m'approchai dans le plus incertain des silences et, sans crier gare, lui portai un coup dans la nuque. Quand son corps frêle fut sur le point de s'écrouler sur le sol, je le retins de justesse afin de minimiser l'impact sonore. Même inconscient, son visage ne se départait pas de son austérité.

Je m'élançai à toute allure à travers le pénitencier. Une seule idée en tête : retrouver le reste du groupe et partir sans nous retourner.

— Bordel, Aislinn ! s'affola Hosana en me voyant arriver. Je t'avais dit de m'attendre là-bas, je t'avais demandé de ne pas bouger !

J'encadrai ses mâchoires de mes mains. Mon geste apaisa brièvement la jeune femme, puis elle commença à vaciller. Je la fis s'asseoir par terre.

— Ressaisis-toi, lui intimai-je.

J'observai les silhouettes ballantes statufiées derrière elle. À cette vue, la rage étreignit mon cœur. Nous n'étions plus que huit. Je ne m'en apercevais que maintenant tant j'avais été rongée par la peur, la faim et la fatigue.

— La porte est condamnée, Aislinn. Condamnée ! On est fichus...

— La police enverra forcément des hélicoptères...

— Merde, arrête de rêver ! Vassilis va débarquer d'une minute à l'autre, vingt-six bombes ont été posées... Comment est-ce que tu veux qu'elle parvienne à les désactiver ?

J'ignorais d'où Hosana tenait ces informations, mais quelque chose me poussait, depuis le début, à lui vouer une confiance aveugle.

— On doit faire diversion en attendant que la police décèle une faille dans les infrastructures.

***

Attica

— On rebrousse chemin ! ordonna l'inspectrice dans mon oreillette. La porte ne cédera pas, on a perdu suffisamment de temps comme ça !

Le groupe d'intervention se replia sur lui-même, contournant le bâtiment désaffecté. J'exigeai leur silence et leur coopération. Je tâtai les murs, déterrai le sol par endroits, toquai contre les parois de béton.

À mille lieues d'abandonner, je poursuivis mes fouilles et distinguai un renflement à peine perceptible. Une brique dépassait du mur. Je tirai dessus jusqu'à l'en sortir. Mon regard s'illumina en même temps que celui de mes coéquipiers. J'inspirai un grand coup, puis glissai ma main au travers du trou béant. Un courant d'air happa mon bras, me glaçant jusqu'à la moelle.

— Faites-moi la courte échelle !

Dubitatif, je calai ma chaussure de sécurité dans la faille. Je tendis le bras au-dessus de moi. Mes mains coururent sur le mur, à l'aveugle, avant de saisir une autre pierre. Fragile, je parvins à la dégager et sautai à pieds joints sur l'herbe.

— Voilà ce qu'on va faire...

*

À force d'acharnement, nous parvînmes au sommet du vétuste pénitencier. Aucun des otages ne daignait faire acte de présence. De nouveau, mon estomac se tordit d'appréhension.

Je me retournai précipitamment, alerté par des bruits de pas. À une dizaine de mètres, de l'autre côté des palettes empilées faisant office de barricades, surgit le sbire de Randy, armes en mains. Pistolets mitrailleurs, grenades assourdissantes : ce temps de réaction aurait pu m'être fatal si mon gilet pare-balles n'avait pas freiné les offenses.

FugaceWhere stories live. Discover now