Chapitre dix-huit

184 33 55
                                    

Attica

Angleterre, deux jours plus tôt – 6 mars 2018

— Si seulement vous étiez compétent, vous m'auriez avertie de la présence de ces caméras de vidéosurveillance plus tôt !

Les poings sur les hanches, la jeune afro-québécoise me hurlait dessus depuis cinq bonnes minutes, à l'écart des officiers et de la témoin. Du haut de son mètre soixante-dix, elle avait tout l'air d'un tyran. Devais-je me sentir reconnaissant pour avoir été épargné de cette humiliation publique, ou devais-je préciser le nombre de fois où elle avait refusé mon aide par simple souci d'ego ?

Tremblay avait littéralement foiré son coup et préférait me remettre les tords sur le dos plutôt que d'assumer son erreur. Il avait fallu qu'elle se rende sur place pour exiger l'archivage. Si nous y avions eu accès dès ce matin, nous aurions défini quelle méthode adopter. Nous n'aurions pas perdu un temps précieux à déblatérer.

Je fulminais de l'intérieur. Mon objectif principal s'apparentait à rester calme et courtois, mais cette vipère me mettait hors de moi. M'imaginant lui cracher au visage ses quatre vérités, je me tus, la toisant d'un regard qui en dit long sur ce que je pouvais bien penser.

Peut-être qu'en cet instant, les otages subissaient la fureur de leur kidnappeur. Et l'unique fait qui préoccupait ma supérieure était la publication imminente des articles de presse, écrits de la main des journalistes alertés...

J'envisageai sans mal quels titres à la une figuraient dans son esprit : « Erreur de jugement pour la lieutenante » ; « Une opération à son actif et déjà un échec cuisant : une carrière qui promet ! ». Moi, je me moquais que son manque de professionnalisme soit dévoilé au grand jour. Ce qui m'importait, c'était la fuite de la prise d'otages sur les réseaux sociaux. Je craignais qu'un effet de panique ne se propage à travers la ville et que les gens ajoutent leur grain de sel dans une affaire aussi capitale que celle-ci.

Nul ne devait compromettre nos efforts colossaux, alors je pris les devants et réclamai la rédaction d'un communiqué de presse. Celui du comité, adressé à ses membres, me parvint dans la matinée.

« J'ai la responsabilité de vous informer de la prise d'otages survenue lors d'une rencontre au musée de Kettle's Yard, dans la matinée du 5 mars 2018.

Les circonstances exactes de cet évènement grave vous seront communiquées dès que nous aurons tous les éléments pour le faire.

Cette prise d'otages affecte l'ensemble de l'entreprise. Je m'engage, tout comme les forces de l'ordre, à vous informer régulièrement de l'avancée de l'enquête et organiser des espaces de parole.

D'ores et déjà, des manifestations de solidarité et de soutien au personnel et familles touchées seront organisées.

Lady Loreley Gelbero. »

*

Un quart d'heure plus tard, nous regagnâmes le poste de police afin de visualiser le déroulement de la prise d'assaut. Je dénombrai quinze individus dont Hosana Gatling, avec qui le ravisseur semblait avoir suspendu les hostilités le temps d'une entrevue.

Peu à peu, l'impression d'une banale visite se mut en un amalgame d'incertitudes. Nos corps se tendirent comme des arbalètes à l'approche de la sentence, puis le coup de massue tomba. Le tir fusa, le sang coula. L'hypothèse que j'espérais faussée fut alors confirmée.

FugaceWhere stories live. Discover now