Chapitre trois

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22 février 2018

Je m'efforçai de placer un pied devant l'autre sans tomber, ne parvenant pas à me détendre. J'appréhendais ma rencontre avec les membres du comité.

— Reste simple et naturelle, m'avait conseillé Edwige.

Mais cela ne m'avait pas rassurée, car elle m'avait d'abord enseigné la chose suivante : la première impression était décisive. L'image que l'on dégageait importait.

Évidemment, je tenais à faire bonne impression. Je m'étais apprêtée : tailleur pantalon couleur vert d'eau, veste cintrée accordée à mon teint hâlé. Une cascade de boucles tombait sur mes épaules. Devant le miroir, j'avais été satisfaite de voir que tout se déroulait tel que je l'avais espéré.

Je hélai un taxi. Le véhicule parcourut plusieurs kilomètres, s'éloignant peu à peu du centre de Cambridge. Perdue au cœur de la campagne, le chauffeur m'abandonna après avoir récupéré son dû.

En perspective, le charme qui se dégageait de la bâtisse où siégeait le comité était indéniable. Des parterres de fleurs entouraient l'édifice en pierre. Riche en verdure, le paysage contrastait avec la structure moderne et insolite du bâtiment dont la forme ovale se laissait surplomber d'un toit plat.

À mesure que je gravissais le parvis de terre menant au domaine, mon cœur bondissait dans ma poitrine tel un fauve en cage. Mes pas me menèrent devant la large porte en acier. Émerveillée par la symbiose des décors, je sursautai lorsqu'un jeune homme apparut de nulle part – sans doute un assistant. Il m'accueillit chaleureusement.

— Je suis Sören, se présenta-t-il tout sourire.

— Scandinavie ?

— Danemark. Nyhavn, pour être exact. Tu connais ?

— Je n'ai jamais eu la chance de m'y rendre, répondis-je. Moi, c'est Aislinn.

Dès que j'eus énoncé mon nom, Sören s'élança à travers le hall d'entrée. Je lui emboîtai le pas. Un bassin, long et large de plusieurs mètres, jonchait l'immense salle. Les murs s'incurvaient vers l'intérieur. Le plafond de verre laissait transparaître un ciel bleu peu ordinaire à la région.

— Si le sas te séduit, tu n'as encore rien vu du reste du bâtiment.

Nous longeâmes des couloirs interminables. Durant notre épopée, Sören me conta à quel point Lady Gelbero aimait cet endroit. Héritière de la propriété, elle était seule descendante de sa tante défunte qui avait œuvré pour l'accès à la culture des jeunes originaires de quartiers défavorisés. Une aile de l'édifice lui revenait, considérée comme ses appartements. Cette anecdote me fit sourire – certains conservaient leur côté vieux jeu.

Je perçus un timbre grave de l'autre côté de la paroi.

— Chers membres du comité, bonjour.

Je réprimai un frisson, surprise par le ton formel que ma nouvelle supérieure venait d'adopter. Sa prise de parole instaura un léger silence, bientôt rompu.

— Loreley, s'annonça Sören après avoir toqué. Voici Aislinn.

— Bienvenue, Aislinn. Entrez, je vous en prie.

Malgré sa rigueur apparente, la sexagénaire me parut tout à fait agréable. Elle me souhaita la bienvenue, puis s'engagea à me présenter au groupe. À l'idée de devenir le centre d'attention pour quelques minutes, voire plusieurs semaines, mes pommettes rosirent. L'oral n'était pas, pour ainsi dire, mon plus grand atout.

Je réprimai ma gêne, les saluant tour à tour. La présidente m'annonça qu'un apéritif dînatoire serait organisé dès le lendemain afin de porter un toast à ma venue. Elle me confia aux mains de Sören, chargé de me faire visiter les lieux. Ensuite, j'assisterais à une première réunion. Visiblement, elle attendait de moi que je prenne rapidement mes marques.

Le comité se composait de soixante-deux membres, dont trente-quatre régulièrement envoyés sur le terrain. Ils représentaient la diversité artistique, culturelle et patrimoniale de l'Angleterre – régions du Sud-est, Sud-ouest et de Londres.

Afin de les incarner de la manière la plus authentique possible, Lady Gelbero n'acceptait en son sein que des Britanniques purs souches – à l'exception de Sören, dont la mère et elle s'étaient fortement lié d'amitié lors d'un voyage en France, et de sa cousine éloignée, Aaricia Oloveiros.

Les missions duraient deux à trois jours. Nous logerions dans des hôtels dont les frais seraient pris en charge par le comité. La vice-présidente me confierait mon emploi du temps à la fin de la semaine.

Sören me conduisit dans le bureau qui m'avait été attribué : un espace vitré au mobilier en bois, donnant sur un petit jardin. Les rosiers grimpants surplombaient des massifs d'hortensias et près de la haie, une cascade artificielle retombait dans un étang.

— Loreley insiste pour que tu travailles dehors quand il fait beau, elle dit que le soleil donne bonne mine et qu'il rend les gens plus heureux.

Il glissa une main dans ses fines mèches claires, redressant ses lunettes à la monture rétro sur son nez. À travers son attitude, je devinai que nous sympathiserions vite.

— C'est déjà l'heure de la pause déjeuner ? remarqua-t-il en lorgnant sur sa montre.

Je haussai les épaules, tout aussi étonnée de voir que le temps filait à une allure phénoménale.

— Je t'invite au restaurant, dit-il encore. Considère ça comme mon cadeau de bienvenue !

*

Nous fîmes plus ample connaissance à mesure du déjeuner. La fluidité de notre conversation ôtait tout malaise. Nos rires comblaient le silence ennuyeux qui perdurait entre les habitués du lieu.

Sören insista pour m'aider à m'installer dans mon nouvel espace de travail et sur le chemin du retour, il me rassura quant au fait qu'il serait disponible à tout moment. Il me suffirait de me poster devant le bureau d'accueil, deux cafés en main.

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