Chapitre vingt-deux

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Attica

Le laps de temps avait fini par s'écouler.

J'avais compris les mécanismes psychologiques du forcené et instauré un lien de confiance – si je pouvais le qualifier ainsi – par la parole. Six otages avaient été libérés. Bien que cela eût pris du temps, l'inspectrice Tremblay et moi étions sur le point de dénouer la situation... Du moins, je l'espérais.

Maintenant, je devais précipiter les choses. Révéler un détail précis : l'existence d'un informateur.

J'amorçai le dialogue d'un air jovial :

— Bien le bonjour, Randy !

En réalité, j'étais impressionné par l'importance de notre échange. Je devais le mener avec rigueur, sans quoi le ravisseur le ferait payer aux captifs restants.

Je débutai ma tirade sans crier gare, sans même prendre de pincettes.

— Je sais de source sûre où vous retenez les membres du comité. Comme vous pouvez le constater, la voie est libre. Vous avez encore le temps de les relâcher et de vous échapper. Je suis prêt à réduire les contrôles aux aéroports.

Silence prolongé, absence de réponse. La négociation devait-elle cesser ?

— Il se pourrait même qu'un jet privé patiente sur le terminal à destination de Copenhague... murmurai-je, cette fois, sur le ton de la confidence.

Il devait croire en ma coopération.

Je pinçai mes lèvres du bout des doigts, puis d'un geste habile, redonnai belle allure à ma chevelure en bataille. Je n'eus pas droit à la répartie habituelle de Randy et l'espace d'un instant, je crus qu'il abdiquerait.

— Je ne suis pas né de la dernière pluie, Attica. J'imagine sans mal votre joie quand vous me coincerez entre deux avions.

La colère perçait dans sa voix. Mon regard arrima celui de l'inspectrice, j'y cherchai son approbation. Avais-je bien fait d'avouer à Randy qu'une taupe compromettait ses plans ? La tournure que prenait la conversation nous serait-elle favorable ?

Tremblay mit fin à mes hypothèses en activant le microphone. Ses lèvres pulpeuses s'en rapprochèrent et captivé, je la laissai prendre le relai des négociations.

— Quand bien même vous souhaiteriez prendre le train, nous vous retrouverons. Nous ne cesserons jamais de vous rechercher. Vous passerez le restant de votre existence à fuir, comme l'homme misérable et pathétique que vous êtes.

— Je ne pense pas que vous soyez en mesure de la jouer grande gueule, inspectrice. Tout le monde sait à quel point votre expertise dans le milieu rafle le sol.

Tremblay accusa le coup. Je vis une lueur de rage se fondre dans ses prunelles. Ses dents emprisonnèrent sa langue, ses poings se serrèrent sous le bureau.

— C'est toujours plus facile de dénigrer quelqu'un lorsqu'on se tient reclus derrière un ordinateur, cracha-t-elle avec dédain. Pas sûr que vous ayez autant d'audace si je me trouvais face à vous...

— Je ne demande qu'à le prouver.

— Votre planque, réclama Tremblay avec une autorité telle que tout individu normalement constitué aurait aussitôt capitulé.

— Vous voulez la jouer comme ça ? s'emporta le geôlier, des mots d'oiseaux retenus sur le bout de la langue.

— Quand comprendrez-vous que nous ne jouons pas ?

FugaceWhere stories live. Discover now