Chapitre quinze

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Soudain, l'eau verdâtre du marécage s'évapora dans le ciel. Je ramenai mes mains vers ma poitrine avant que mon corps ne bascule en arrière, glissant dans le vide jusqu'à heurter le corps chétif d'un jeune homme. L'oreille posée sur son cœur, je sentis ses battements effrénés ralentir peu à peu, puis s'accélérer de nouveau, en proie à de puissantes émotions.

Mes doigts se déplièrent, s'écartèrent, fouillant grossièrement le sol. Des grains de sable coururent aux creux de mes paumes. Déboussolée, j'ouvris les yeux sur l'étendue sombre qui bordait la plage. De splendides constellations dansaient autour d'une lune pleine, d'un orange artificiel digne d'un décor de cinéma.

Je me redressai, attentive à la symphonie que produisait le déferlement de la mer, houleuse en ce soir d'été. Je remarquai le piaillement des mouettes, l'odeur de brise fraîche. Enfin, les traits du jeune homme redevinrent familiers.

Voilà deux jours que j'avais rencontré Blaise. Lorsque je l'avais aperçu pour la première fois, le monde s'était dissipé autour de moi, ne laissant plus que nos deux silhouettes égarées, désireuses de s'approcher l'une de l'autre.

La malice dans son regard m'avait retournée de l'intérieur, tout autant que la beauté de son sourire chatoyant ou que le son rocailleux de sa voix. Tout chez lui m'avait plu dès le premier instant : son aura mystérieuse, son charisme, sa hargne de vivre.

J'ignorais encore que son parfum deviendrait, à mon sens, la plus belle des fragrances. Que, par la suite, nous nous chercherions, nous apprivoiserions lentement, langoureusement, passionnément jusqu'à ce que cela fasse mal.

Il ne s'agissait-là que d'une trêve. Pourtant, la douceur et la spontanéité de ses gestes marquèrent mon échine ainsi que ma mémoire au fer rouge.

Il était exceptionnel et je mourrai d'envie de le lui dire. Chaque instant passé à ses côtés me livrait des bribes de liberté, me prouvant à quel point la vie méritait d'être vécue.

Nous éloigner de ces quotidiens routiniers, dans lesquels nous nous engoncions petit à petit, nous poussait à croire que nous étions inatteignables, invincibles et que, du haut de notre piédestal, nous avions tout à offrir au monde.

« Ni promesses ni attentes », tel semblait être notre credo, imposé par le contexte de notre rencontre. Nous prônions la folie des aventures à la sagesse de l'amour. Paradoxalement, nous assurions nous aimer. Nous nous donnions rendez-vous à l'autre bout du globe dans un futur proche, sans savoir si le destin nous serait favorable.

Nous faisions la fête. Je dansais, il fumait, nous buvions. Dans ces instants nocturnes résidait une part d'insouciance à laquelle je pris rapidement goût.

Vint l'heure du départ, de nos premiers au revoir. Douloureux, inévitables. Je refusais de me séparer de Blaise, j'en étais tout bonnement incapable. Je ne pouvais imaginer ma vie sans lui. Le monde me semblerait bien plus morne et rigide.

Je l'enserrai de toutes mes forces, cherchant à retenir la moindre seconde en sa présence pour mieux la capturer dans ma mémoire. Un nœud serra ma gorge, une larme roula sur ma joue. Je saisis précisément à cet instant, en m'effondrant dans ses bras, la place qu'il tenait dans mon cœur... Une place bien trop conséquente pour y remédier à présent.

Malgré cette ascension fulgurante d'émotions, un déchirement puissant résistait au fond de moi. J'ignorais s'il était l'amour de ma vie, la personne que je désirais voir évoluer et vieillir, ou s'il ne s'agissait que d'un béguin éphémère, d'une amourette de vacances.

FugaceWhere stories live. Discover now