Chapitre vingt-cinq

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Aislinn

Angleterre, lendemain de la libération – 11 mars 2018

— Cours !

Les cordes de mon baudrier traînaient sur le sol, freinant ma course. Sourcils froncés, je restai incertaine face au manoir qui me surplombait de toute sa hauteur. N'étions-nous pas retenus ailleurs ?

Souviens-toi.

Hosana et moi fuyions le ravisseur à nos trousses. Une otage s'était sacrifiée afin de le retenir dans la tour. Il réussirait à nous capturer de nouveau, mon sixième sens le clamait.

Nous contournâmes les ruines qui bordaient l'édifice, le cœur et un cri de terreur retenu au bord des lèvres. Hosana agrippa brutalement mon bras. Elle me tira sous un véhicule parmi ceux garés en contre-bas. J'étais pourtant certaine de n'avoir pas remarqué la moindre circulation dans le coin...

Souviens-toi.

Je me hissai au-dessous du compartiment, les mains jointes contre ma poitrine. Je tentai de vaincre le sentiment d'oppression qui grimpait en moi.

Un homme dont je ne distinguai que les jambes traversa l'arrière-cour. Je manquai de hurler à cette vue. Quand il s'immobilisa à nos pieds, je cessai de respirer. Vassilis ?

L'homme disposa quelque chose sur le capot de la voiture. Il se sépara de sa veste, puis approcha du perron de la forteresse. Au bout de plusieurs minutes, il rebroussa chemin en sifflotant un air déstabilisant. Je regardai Hosana sans bouger. Elle semblait tout aussi craintive que moi.

Dès que ses chaussures cirées disparurent de ma ligne de mire, j'expirai profondément. J'entendis une sorte de compte à rebours, alors je compris. D'un coup de pied, je nous dégageai de notre planque. Je trainai Hosana le plus loin possible dans une hâte difficilement contrôlable.

— Putain, mais qu'est-ce que tu fais ? s'écria la jeune femme.

Je n'eus pas l'occasion de lui répondre qu'un groupe d'officiers nous encercla de leurs boucliers. Une onde de choc nous propulsa tous dans l'air. La gravité reprit ses droits et je palliai la douleur de la chute, genoux en avant.

Je recouvris mes esprits. Sous mes yeux ébahis, le lieu à l'atmosphère fantomatique dans lequel nous avions été séquestrés des jours durant, se voyait ravagé par un incendie de taille. Aux ruines s'accumulaient les cendres. Cette vision me donna des sueurs froides.

Glacée jusqu'au sang, je perçus ses hurlements d'agonie.

Ceux de Vittoria Cadbury.

— Non ! m'époumonai-je.

Je me redressai dans la pénombre, le front suant. Les larmes inondaient mes joues. Le sang afflua au niveau de mon visage et je m'évanouis.

*

J'émergeai avec difficulté, me remémorant le cauchemar qui avait fait de ma nuit dernière un véritable enfer. Le médecin de garde, une femme d'une cinquantaine d'années, se tenait penché au-dessus de mon corps affaibli.

— Tu te rappelles de moi, Aislinn ?

Je restai muette comme une tombe, essuyant d'un revers de main la sueur qui perlait sur mon front. Je grattai les creux de mes coudes d'angoisse, sentant une plaie s'ouvrir sous mes doigts. Le cœur battant, je glissai ma main sur mon crâne tandis qu'une poignée de cheveux s'en détacha. Mes prunelles se brouillèrent d'un voile. Alors, je me souvins.

FugaceWhere stories live. Discover now