Chapitre dix-huit

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Quelle ne fut pas notre surprise de constater l'intrusion impromptue de deux sbires. L'un d'eux, une femme d'origine asiatique, traîna la victime dans une pièce adjacente pour lui procurer les soins de premiers secours. D'après nos renseignements, il s'agissait d'Aislinn Lovelace.

Dans l'appréhension et l'impuissance la plus totale, nous veillâmes à son bon usage. La complice faisait preuve d'une assurance hors pair qui relevait à coup sûr de l'habitude.

— Je n'y connais rien au domaine de la médecine, dis-je sur un ton hasardeux, mais si elle n'a pas délogé le projectile, la victime est sûrement hors de danger...

— Comment pouvez-vous affirmer une chose pareille ? contesta mon interlocutrice en secouant la tête de gauche à droite. On ne se basera en aucun cas sur des suppositions !

Je me dirigeai vers la baie-vitrée qui bordait le bureau. Sous cet angle, une grande partie du centre-ville de Londres semblait à portée de main.

— Dans le jargon juridique, poursuivit Tremblay d'une voix plus formelle, la Convention internationale contre la prise d'otages est inapplicable lorsque auteur et otage ont la nationalité de l'État au cœur duquel se déroule l'action.

— Or dans ce dossier, le ravisseur a la nationalité danoise.

— Et les otages, compléta la fonctionnaire, la nationalité anglaise.

— Ça implique l'étranger, donc tout un protocole à respecter...

— De prime abord, il s'agit d'un kidnapping public : les otages sont détenus dans un lieu connu, mais le gouvernement n'a pas le temps de l'entourer ou de conduire les négociations. Le groupe stagne au siège pendant quelques heures et à la tombée de la nuit, les lieux sont désertés. Ensuite, la prise d'otages devient secrète. Les cibles sont enlevées et emmenées dans un endroit sécurisé.

— De toute évidence, Randy Oloveiros ne recherche pas la confrontation directe. Il évite autant que possible les effusions de sang.

Tremblay approuva d'un air convaincu. Je détournai mon regard de la capitale quand trois coups cognèrent contre la porte. Une collègue entra, rapportant un dossier tout droit tiré des archives confidentielles.

Si Saveria Doyle semblait inconnue des services de police, ce n'était pas le cas de son cher et tendre. Dans le casier judiciaire d'Alistair Doyle figurait une série de délits : conduite en état d'ivresse, troubles à l'ordre public, détention et transport de stupéfiants. Certains lui avaient valu quatorze mois d'incarcération dans deux des centres pénitenciers du pays et plus de treize mille huit cent livres sterling d'amende.

— Colossal, ne pus-je me retenir de commenter.

— C'est le moins qu'on puisse dire...
rétorqua ma supérieure avant de quitter l'office.

Je me jetai sur son siège pivotant, attrapant un bloc-notes par la même occasion. Les images de la vidéo défilaient en boucle dans mon esprit.

Le ravisseur avait procédé à la fouille des détenus, puis à la confiscation de leurs biens et appareils d'écoute. Seule la vice-présidente, Hosana Gatling, avec qui je communiquais désormais, en possédait un.

Randy ne s'était pas exprimé dans un autre dialecte, ni n'avait utilisé de faux nom. D'emblée, il avait révélé son identité ainsi que celles de ses hommes de main sans se soucier des caméras qui continuaient de tourner. J'avais même cru l'apercevoir les lorgner...

Vassilis avait littéralement muselé la résistance.

Il était sans doute capable d'endurer pressions psychologiques et situations d'urgence. Il avait l'habilité à manier tous types d'armes, prendre le contrôle sur l'adversaire et allier réflexes, condition physique et aptitudes de combat.

Tandis que je songeais au meilleur comportement à adopter, la furie qui me servait de supérieure revint. J'avais pris mes aises et posé mes pieds en hauteur sur la table, mais elle ne le remarqua guère.

Tremblay réajusta son uniforme et glissa une mèche rebelle derrière son oreille. Des pas signalèrent l'arrivée imminente d'un tiers : une commissaire de la police nationale danoise, venue du onzième district de Copenhague par un vol d'urgence.

Il s'agissait d'une petite femme aux courbes rondes et à la peau noire, dont le crâne rasé et d'imposantes lunettes colorées témoignaient d'une singularité brute. Une femme de tête, redoutable adversaire pour Sivadjy Tremblay.

Électrisé, je me frottai les mains. J'étais fin prêt à en découdre.

FugaceWhere stories live. Discover now