Celles qui Survivent [TOME 1]

o4. les ennemis

CHAPITRE 4
LES ENNEMIS

" garde tes amis proches et tes ennemis plus proches encore, disent-ils tous ; mais que faire quand les personnes qui comptent le plus deviennent des ennemis ? "

Chuchotements rouges.

Mots noir.

Or.

Des centaines de courtisans me dissèquent de leurs petits yeux rendus grands par le maquillage. Outrés, amusés, choqués, ils détaillent mon dos, les cicatrices et les brûlures de cigarette sur mes jambes, ma clavicule saillante, le mascara noir sur mes joues détrempées. J'ai le regard haut, feignant d'être à l'aise dans cette exposition de mon corps, mais je suis morte de peur. Jamais je n'ai ainsi dévoilé les marques de souffrance sur mon corps ; je me sens comme une brebis jetée en pâture aux lions. Seule la pression légère mais ferme de la main de Nausicaa m'empêche de partir en courant.

Les silhouettes parfaites s'écartent de nous et nous marchons comme des reines déchues dans cette rangée qu'ils libèrent. Brièvement, entre deux nobles aux perruques hautes, je croise le regard de Nil, Nil avec son trou dans sa veste bien coupée, Nil qui m'encourage d'un sourire à poursuivre ma marche, et la puissance explose en moi. Ce que nous faisons, c'est beau. Ça a du sens. Je n'ai pas à avoir honte, pas à avoir peur. Je suis aussi forte qu'eux, à ma propre manière.

Je suis une louve parmi les lions. Différente mais pas moins dangereuse.

Nous avançons encore, d'un pas régulier. Vers où ? Je ne sais pas. Nous nous contentons de suivre l'allée de vide au milieu de tout ce plein. Et c'est comme si nous étions seules au monde.

Expiation.

Mon cœur se soulève à chaque pas, comme s'il remontait dans ma gorge. Nil est loin, à présent, trop pour que j'entende ses marques de soutien silencieuses. La force retombe avec fracas. J'entends les pulsations de son départ résonner dans ma tête.