Celles qui Survivent [TOME 1]

l4. le réveil

CHAPITRE 14
LE RÉVEIL

" bénies soient les secondes de flottement entre sommeil et pleine conscience, ces secondes où tout peut encore être réinventé avant que la réalité ne nous frappe "

La pièce est plongée dans une semi-obscurité qui me paraît pourtant aussi lumineuse qu'un jour de juin. La lumière afflue, s'engouffrant en moi avec violence, sans me demander mon avis, comme si elle y était aspirée. Pendant quelques instants, je ne distingue rien d'autre, puis une couronne de cheveux blonds se détache de cette blancheur immaculée.

- Iara ?

La silhouette se dessine lentement tandis que reflue la lumière, mèche après mèche, grain de peau par grain de peau. Des lèvres rosées, un nez fin, des pommettes hautes, de longs cils au travers desquels me guettent des yeux plein d'inquiétude.

- Nausicaa.

Ma voix est faible, rauque, presque inaudible. Je me redresse, ma vision à présent pleinement accoutumée à la lumière. Je sens un liquide chaud couler sur mes lèvres et lève une main tremblante vers mon nez. Je passe un doigt sur mon philtrum et le retire rouge écarlate. Interdite, je regarde le sang descendre sur mes phalanges avec langueur. Nausicaa s'empresse de saisir un mouchoir puis m'essuie la peau avec douceur.

- Voilà, c'est mieux. Ne t'inquiète pas, c'est un effet normal du poison. Ton nez va un peu saigner dans les prochaines heures, mais tu ne risques plus rien. Tu es hors de danger.

Je respire. L'air est froid, il brûle ma gorge en y glissant. Revenant à la vie avec une lenteur exaspérente, je détaille mon environnement pour me le réapproprier. Je remarque du sang séché juste en dessous des narines de la jeune femme et des sillons de larmes encore marqués sur ses joues. Son masque de perfection est fendillé, pour la première fois.

- Que... que s'est-il passé ?

Ma voix se casse. Je tousse pour en chasser les hésitations.

- Nous avons été victimes d'un empoisonnement. C'est entièrement à cause de moi, je n'ai pas été assez prudente... Je ne pensais pas que quiconque oserait s'attaquer à toi lors de ta première soirée, mais j'aurais dû y penser, j'aurais dû l'envisager, j'aurais... Oh, Iara, je suis tellement désolée !