3 taffes et un sourire [terminé]

Nos habitudes

Je hais pleurer. Je me fous de la gueule de ce qui le font mais il suffit d'aborder certains sujets et j'ai les larmes aux yeux.
Je suis devant mon cassier, la tête baissée, je regarde mes pieds et serre les poings. Aucune larme ne coulera, aucune. Je refuse catégoriquement de pleurer.
- Damn it ! Je donne un coup dans mon casier. You're not a fucking weak ok ? (T'es pas un putain de faible ok ?) je marmonne dans ma barbe. Une main se pose sur mon épaule et je me retourne violemment refusant ce contact.
- Cami? cette voix, je la connais par cœur.
Je lève le visage et mes yeux croisent les siens. Ils ne sont pas aussi beau que les miens mais ils rivalisent assez bien. Il me regarde avec pitié. Je ne supporte pas ce regard qui traduit un "pauvre garçon", cela me donne envie de vomir. J'en ai trop vu, trop souvent. Oh Cam...

Sa main se pose sur ma nuque et il me la masse. Je ne suis pas tactile du tout, il le sait, mais il pense que s'il me touche, j'aurais l'impression qu'il est là plus présent pour moi.
- Ça va, ma voix est un peu faible et cassée par les larmes de colère. Cercle vicieux. J'ai des larmes au yeux ça m'énerve tellement que des larmes de rage accompagnent les autres, c'est le serpent qui se mange la queue.
-Viens on va marcher, dit-il doucement.
***

Une fois dehors, nous allons direction de parc pas loin de l'école. On s'assied sur notre banc habituel. C'est marrant comme on ne perd jamais ses habitudes avec les gens que l'on apprécie vraiment. Elles font parties de la relation et sans elles, ce n'est plus vraiment la même, elles sont comme ancrées dans l'amitié.
Assis à sa gauche comme toujours, je sors mon paquet de cigarettes.
- Tu l'as acheté quand ce paquet ? Souffle-t-il.
- Vendredi dernier.
- Et il est déjà si vide ? dit-il en pouffant de rire.
- Chloé m'en a gratter tellement. Après chaque baise elle m'en fume minimum 2. C'est un peu chiant mais bon. » je fouille mes poches mais ne trouve pas de briquet. Aden le remarque et en sort un de la sienne.
- Pourquoi tu ne lui dis jamais rien ? Il marque un silence dans lequel il semble s'y perdre. Tu sais très bien ce que je pense de cette fille, continue-t-il en allumant ma cigarette.
- Ouais je sais mais j'ai la flemme. Que veux-tu que je lui dise "Heu non enfaite c'est mes clopes donc pas touches !", imite-je avec la voix de la fille pimbêche typique des écoles américaines. Mon meilleur ami rigole de bon cœur et une chaleur se propage dans mon corps.

- Je ne te comprend pas, tu ne l'aimes pas mais tu restes avec elle. Tu vas juste attendre qu'elle te quitte et faire semblant jusqu'à ce moment-là ? » mes sourcils se froncent, toujours la même discussion.

- Exactement, articule-je en tirant une taffe. Zac est fâché contre moi ? Je lève la tête vers lui en disant ça et nos regards se perdent dans celui de l'autre.
- Non, il sait, ça lui était sorti de la tête. Il marque une pause où il semble hésiter à me dire la suite. Tu sais, il faut que tu apprennes à gérer tes émotions. Depuis qu'on est gosse tu te laisses trop vite allé. On avait travaillé sur ça, ça allait mieux avant que... voilà. Tu t'énerve pour un rien et j'ai l'impression que ni moi ni personne ne pourrait t'aider. Faut que tu trouves quelque chose Cami.
Dès qu'on parle sérieusement lui et moi, il a cette habitude de croiser les jambes. C'est souvent d'ailleurs grâce à ça que je sais que je n'ai pas le droit de le couper, sinon il perd ses mots et s'énerve.
- Je ne suis pas un monstre qui ne sait pas se gérer Aden, pas besoin de prendre cet air exaspéré, m'énerve-je en commençant à taper de pieds sans m'en rendre compte et à me mordiller la lèvre.
- Tu as quand même jeter la trousse de Paul par la fenêtre, parce qu'il a dit que tu aurais mieux fait de prendre des crayons plus fins pour ton dessins. L'amusement de se souvenir peut se lire sur son visage mais je peux quand même apercevoir le sérieux de la conversation dans ses yeux.
- On avait 11 ans déjà, j'en ai 17 maintenant, je sais me gérer. Je regarde droit devant moi. Et je ne suis pas un monstre... dis-je tout bas pour me convaincre moi même

- Alors pourquoi tu as réagi si fort avec Zachary ?
- Tu sais très bien pourquoi ça m'a énervé ! hausse-je la voix.
- Tu ne peux pas t'énerver dès que quelque chose te contrarie Cam ! Ce n'est pas comme ça que se font les choses ! Pense à la fourche ! Comme quand on était petit, sois le pique de la colère, sois celui du laisser-aller ! »
- D'un, ce n'est pas un simple quelque chose, c'est la pire des choses ! De deux, ne me parles pas comme si j'avais 12 ans que tu devais m'apprendre comment gérer la vie ! »
- Tu vois tu t'énerves tout le temps, et depuis que t'es avec Chloé c'est pire, elle t'énerve à être un pot de colle et toute niaise mais tu ne dis rien et nous, on se ramasse ta mauvaise humeur !
- Mais qu'est-ce que tu racontes, quelle mauvaise humeur ? Ça fait deux mois qu'on ne s'est pas vu ! Et Chloé n'a rien à voir là-dedans. Et si par malheurs c'est vraiment pire, ce n'est pas du tout à cause d'elle mais d'autre chose !! Elle m'a juste aidé à l'oublier ! Et puis d'abord c'est quoi ton putain de problème avec elle ?
- Mon souci c'est qu'elle ne te rend pas heureux et que je n'aime pas ça. Et justement ! Ça ne fait même pas une journée qu'on est de nouveau ensemble et on s'engueule déjà ! Ça ne va pas ? Y'a un souci ? tu sais que je suis là pour l'écouter. Prononce-t-il en posant sa main sur la mienne, que je retire aussitôt, gêné par ce contact trop intime.

- Tu sais très bien quel est mon souci.

-...tu sais, il serait peut-être temps de-

-tais-toi, avant de dire quelque chose que tu regrettes.

-Oui pardon. Il baisse le visage pour regarder ses mains. Je-je pense qu'il faut qu'on aille en cours, on est déjà en retard.

Je sais que je lui ai fait de la peine à lui parler sèchement comme cela.

-Allons y. tu me dirais, ça ne change pas d'habitude non ?

Il lève les yeux pour me regarder et j'essaye de lui faire un petit sourire. Il hoche la tête et nous partons en courant.