Chapitre 39

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Mes yeux papillonnent, j'ai dormi comme une masse. Les médicaments doivent y être pour quelque chose. Vu l'agitation qui règne j'aurais dû me réveiller depuis longtemps. Les deux colosses qui me servent de garde n'ont pas bougés. Je n'ai pas besoin de les voir de face pour savoir qu'ils sont de marbre, dissuadant quiconque d'entrer d'un simple regard.

Les soignants doivent montrer patte blanche pour passer les deux armoires à glace. L'infirmière leur montre son badge qu'ils étudient longuement avant d'enfin la laisser rentrer.

- Bonjour !

- Bonjour...

- Comment allez-vous ce matin ?

- Mieux, je n'ai plus mal à la tête et j'ai envie de bouger.

- Vous devez rester allongée pour l'instant, le kiné passera vous voir dans la journée.

Super, repos au lit. Je vais encore bien m'amuser. Bryan et Stacy n'ont pas le droit de venir me voir tant que les policiers ne sont pas passés. Je prends mon mal en patience et accepte de manger la compote qu'elle me tend. Je l'avale difficilement, essayant de contrôler mes nausées.

- Les agents souhaiteraient vous parler, si vous êtes prête.

Je rigole intérieurement, ils sont certainement déjà en train de tourner en rond dans le couloir en attendant ce moment. J'acquiesce silencieusement, oui je suis prête. Mais je n'ai plus toutes les réponses. Ils vont devoir attendre que ma mémoire soit moins floue.

Ils rentrent un par un et me saluent d'un signe de tête. Chacun s'installe dans la pièce, je me souviens. Je me souviens de leurs noms.

- Je crois que vous nous devez quelques explications mademoiselle.

- Agent Jagger, toujours aussi aimable... Ne me regardez pas comme ça. Oui, je connais chacun d'entre vous. Sauf, lui. Le psy je suppose ? Ordre des médecins ?

L'agent Jagger continue de me fixer sans un mot. L'agent Marver est le premier à reprendre ses esprits.

- Allez-vous nous donner les réponses que nous attendons ? Après tout, c'est à cause de vous que nous sommes là, non ?

- En quelque sorte, mais si mes souvenirs sont exactes, vous avez quand même choisi de venir ici, non ?

- Nous ne sommes pas tous d'accords sur certains points. Alors nous avons besoins d'entendre ta version des faits. Si tu commençais par nous dire qui est cet Alex ?

- Non.

- Non ? Répète l'agent Malone abasourdi. Pourquoi non ?

Il ne pense quand même pas que je vais leur en parler ? Vu tous les risques qu'il a pris, il a dû violer une bonne dizaine de lois. Alors non, je ne vais pas m'aventurer sur ce sujet.

- Je vous l'avais dit. Elle ne va pas nous rendre la tâche facile.

Eh oh ! Je suis dans la pièce hein ! Même pas discrets. Je vais leur donner leurs réponses mais pas celle-là. L'agent Jagger semble avoir une dent contre moi.

- Que voulez-vous savoir ?

- Commence par le début. Nous verrons au fur et à mesure.

Bien, je réfléchis. Par où commencer ? Le bus, ma première captivité. Cette partie est à peu près claire. Je commence mon récit sous l'œil vigilant et l'oreille attentive des agents. Mes paroles sont enregistrées sur un dictaphone pour qu'ils soient certains de ne rien perdre.

Je leur raconte comment j'ai fini dans le bus à cause de l'erreur de la prof. Que les hommes ont arrêté le bus, tuant le chauffeur et la prof. Qu'ils nous ont conduits dans un entrepôt d'où les élèves sont sortis un par uns. Que je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. L'agent Spencer m'interrompt.

- Tous n'ont pas étés retrouvés. Ils les ont bien relâchés après que la rançon ai été payée. Mais ils ont étés libérés dans des villes différentes, un peu partout au Mexique. Certains ont eu la chance de tomber sur de bonnes personnes. Mais tous n'ont pas eu cette chance.

J'acquiesce. Un peu sous le choc de cette nouvelle mais pas étonnée non plus. Ces types débordent d'imagination et d'intelligence. Trop intelligents pour les laisser partir si facilement avec leurs visages en tête. Je reprends doucement mon histoire.

- Ils m'ont droguée pour me faire changer de lieu. Je me suis retrouvée seule dans une chambre sans fenêtre, tous les meubles attachés au sol. Pendant plusieurs jours, ils ont... testés mon... obéissance. De différentes façons. Il a fini par me confier la surveillance de son fils.

- Le fils de qui ?

- De Giovanni.

Tous restent sans voix à cette nouvelle. Ils ne le savaient pas encore ? Peu importe, cet enfant mérite mieux que de vivre dans ce milieu. Je continue avec les premières sorties, ma toute première évasion, l'autre kidnapping. Enfin, j'arrive à mon évasion réussie. J'omets volontairement certains détails, en espérant ne pas avoir de questions pour l'instant.

Malheureusement pour moi, le psy semble comprendre mon intention et me pose des questions.

- Qu'est-ce qu'ils avaient mis en place pour que tu ne partes pas Kelia ? Qu'est-ce que tu ne nous dis pas ?

Le silence plane dans la pièce. Les agents n'aiment pas qu'on leur cache des choses. J'ai le regard dans le vague un moment. Les yeux dénués d'émotion. Je prends mon temps pour leur répondre. Je n'ai pas envie d'en parler. Mais ils attendent une réponse.

- Des règles, il m'a donné des règles. Et un bracelet, il m'a mis un bracelet après ma première évasion.

- Un bracelet ?

J'acquiesce silencieusement mais leurs regards inquisiteurs qui ne me quittent pas me forcent à parler.

- Un bracelet avec une puce GPS, si je m'éloignais trop je recevais des décharges électriques. Si je continuais ça déclenchais une alarme et le bracelet injectait un somnifère. Si je persistais à m'éloigner c'était une piqure de paralysant à action rapide.

Tous semblent abasourdis. Ils ne s'attendaient pas à ça non plus. Je ne savais pas non plus que cela existait avant. Le psy s'obstine à vouloir des réponses.

- Et les règles Kelia ? Parle-nous des règles.

- Je lui obéis et l'appelle monsieur, je ne parle pas sans sa permission, je ne sors pas de la maison, je ne m'enferme pas dans une pièce, je dois lui rapporter tout ce que je vois et entends, je ne dois jamais mentir et je lui dois ma soumission totale.

Je récite comme un robot, automatiquement, perdue dans le passé. Je bloque, je me revois la première fois dans le bureau quand il me les a récités. La première punition quand je les ai enfreints. Et dans la pièce, quand ils m'ont récupérée et que je les avais oubliées. Je revis mentalement la punition qui s'en est suivi.

- Kelia ? Kelia, reviens avec nous. Tu es en sécurité. Il ne te fera plus de mal.

Doucement, je reviens à la réalité, les larmes coulent de mes yeux, ma respiration est saccadée. Tous mes muscles sont crispés, je tremble, il faut un moment au psy pour me calmer. Il décide de mettre fin à l'entretien pour l'instant.

- J'ai une dernière question avant de partir. Pourquoi ne pas avoir parlé plus tôt ? Qu'est-ce qui t'en empêchais quand tu t'es échappée?

Je réfléchis un moment. Mes souvenirs ne sont pas très clairs après toutes ces émotions. Un flash répond à l'interrogation. Je me souviens de ça.

- Parce qu'ils avaient une vidéo de moi en train de tuer un homme. Je réponds honnêtement. 

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