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Maël avait toujours été un enfant capricieux. Enfant, il pleurait à la moindre contrariété si on refusait de céder à ses exigences ou bien fuguait le temps d'un après-midi. Cécile, sa mère, avait alors pris l'habitude de tout accepter de son fils au grand dam de son mari. Ainsi, ce que Maël réclamait, sa mère l'exauçait.

-Pourquoi tu me l'as demandé à moi, sérieux? Ronchonna Rebecca.
-C'était ton tour de m'aider !
-On aurait pu faire une entorse au plan hein! Les gars auraient pu t'accompagner aussi.
-Loïc? Même pas en rêve ! Daniel? Il est occupé.
-Occupé...?

Maël lui intima de se taire et de servir avec lui les convives car tout autour d'eux des femmes en tenue de soirée et des hommes en costume trois pièces discutaient l'air désinvolte. Ceux-ci s'approchaient l'air de rien des serveurs qui tendaient avec déférence petits fours, canapés et coupes de champagne. Tandis que Rebecca tirait sur son pantalon à pince qu'elle jugeait trop court, Maël épiait tous les nouveaux venus. Il s'était posté depuis plus d'une heure près des portes du Salon Doré, servant avec un sourire de circonstance tous les invités.

-Nan mais c'est pas cool de me faire bosser comme ça!
-Arrête de t'plaindre Rebecca, t'es rémunérée que j'sache!

Et il s'empara d'un nouveau plateau et se remit à son poste de garde, à l'affût. Ce boulot de serveur était pas si chiant que ça finalement, il suffisait juste d'accrocher un sourire et de satisfaire les bouches à nourrir mondaines. En somme, pas trop compliqué ! D'ailleurs sa mère fut surprise de sa demande, il fallait dire qu'il ne demandait jamais à travailler. Sauf que, lorsque Lucie lui avait interdit de l'accompagner, il avait trouvé cette parade. C'était une punition qu'elle lui infligeait pour avoir ouvert son courrier ; cette fille exagérait, en tant que colocataire, il avait le droit de le lire quand même! Oui bon, il est vrai qu'il aurait dû l'en informer avant mais de là à lui sucrer cette soirée, c'était hors de question !

-Maël, ce costume de pingouin me va tellement mal !

Le blond soupira. Rebecca était décidément partie pour se plaindre en boucle. Il l'avait choisie parmi ses potes pour le soutenir mais il se demanda s'il avait fait le bon choix.

-Après ça, j'te paierai un japonais. C'est bon, tu t'sens mieux?
-Tout à fait Maquerelle! Je me sens remontée à bloc là!
-Arrête ça aujourd'hui ! Appelle-moi par mon blase !
-Ouai ouai, on va faire comme si j't'avais pas entendu Moelle!

Et elle partit dans un éclat de rire, chargeant à son tour un plateau de mousseux. Serrant les dents, il s'efforça de sourire ; ce maudit jeu devait cesser, ses nerfs étaient à vif ce soir ! Mais sa respiration se suspendit lorsqu'un éclat émeraude fit son apparition à l'entrée du salon Doré. Une Lucie resplendissante se trouvait au bras d'un homme. Maël se détourna aussitôt, le coeur battant. Pour occuper ses pensées et faire diversion, il s'empressa de servir tous ceux qui se trouvaient à proximité. Rebecca l'intercepta au vol :

-C'est pas Lucie là bas?
-Si c'est elle.., lâcha-t-il dans un souffle.
-C'est qui avec elle ?
-Son mec...
-C'est le moment ou jamais, vas lui parler !
-Nan... pas maintenant !
-J'te jure Maël, si j'ai mis ce déguisement pour rien, j'te tue ! Arrête de te débiner et vas-y !
-Je peux p..
-Tout de suite!

Il se ressaisit, inspira un bon coup et se dirigea sans trop réfléchir vers sa colocataire et son foutu compagnon. Le blond vit immédiatement que ce dernier l'avait remarqué. De là où il se trouvait, il lui lançait un regard hostile et froid, ce qui ragaillardit aussitôt l'adolescent. Un rictus provocateur se dessina sur son visage d'angelot et il s'approcha d'eux, déterminé. Ce ne fut que lorsqu'il arriva à sa hauteur que Lucie le vit. Son regard incrédule la trahit.

-Maël.. Mais qu'est-ce que..., balbutia-t-elle.

Le blond apprécia cet effet de surprise. Mais il se rembrunit à la vue du musicien ; cet Éric n'allait pas céder si facilement. Soit.

-Ma mère travaille ici, c'est elle l'organisatrice de la soirée, dit Maël fièrement.
-Cécile?
-Ouai, elle m'a juste demandé de taffer pour elle ce soir, pour la dépanner.

Et dire qu'il avait promis à Lucie d'être honnête en toutes circonstances... Au vu de la mine d'Éric, ce dernier ne le croyait absolument pas. Qu'importe! Ce type ne comptait pas dans son équation amoureuse.

-Sinon, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
-La laisser en paix et dégager ! Siffla Éric entre ses dents.
-Éric! S'offusqua Lucie.

Maël haussa les épaules et s'éclipsa, son sourire toujours aux lèvres. Il n'en avait certainement pas fini. Il se mit à servir à nouveau les convives tout en gardant un oeil sur sa colocataire tandis qu'elle discutait avec son compagnon. Elle était si belle, sa robe lui allait divinement bien... Malgré lui, il fut à nouveau attiré comme un papillon de nuit et s'approcha à nouveau d'elle. D'un raclement de gorge, il interrompit la conversation :

-Je peux t'offrir un verre Lucie ?

Les yeux brillants, il lui tendit une coupe. Mais immédiatement, Éric s'interposa entre eux et dit froidement :

-Dans ton état, ce ne serait pas judicieux de boire ma chérie.
-Mais Éric...
-Si elle souhaite un verre, c'est à elle de décider nan? Intervint Maël, impatient.
-Je te prie de ne pas interférer dans notre vie et faire ce pourquoi tu es là : servir !

Éric se tourna vers Lucie, la tirant légèrement à lui.

-Ma chérie, ce n'est pas bon pour toi en ce moment.

-On t'a jamais dit que tourner le dos à quelqu'un était malpoli ! Lucie, dis à ce mec de me laisser bosser !

Éric pivota lentement sur lui-même, libérant Lucie de son étreinte. A présent, il faisait face à Maël.

-Et toi, on t'a pas dit que tourner autour d'une femme en couple était immoral !
-Elle t'appartient pas à ce que j'sache, c'est pas ton objet !
-Arrêtez ça tout de suite ! S'interposa Lucie, excédée.

Éric approcha son visage à quelques centimètres à peine de l'adolescent.

-Petit con , ta coloc est enceinte de moi!

Ce fut le coeur de Maël qui reçut le premier coup. À cette nouvelle, ses oreilles bourdonnèrent et son cerveau se figea. Quoi...? Ses yeux s'accrochèrent désespérément à ceux de Lucie, la dévisagea espérant un signe, qu'elle le rassure et qu'elle lui dise que tout était faux ! Que ce type voulait lui faire du mal, exprès! Et d'une voix blanche presque inaudible, il dit :

-Lucie, dis-moi qu'il ment...

Peter PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant