Peter Pan

13

-T'en dis quoi?

Les deux voyageurs avaient quitté la ville depuis un moment déjà. Ils avaient empruntés des chemins de traverse et rasaient à présent les rebords d'un champs d'herbe. Le ciel dégagé, laissait voir la lune bercée par son croissant parfait. Maël plaqué contre la fenêtre, semblait l'admirer. Lucie se gara en contre-bas du chemin, puis s'assit plus confortablement sur le siège en cuir. Le silence qui les englobait était apaisant. Ils se retrouvaient dans une bulle. Mais celle-ci éclata soudainement à la sonnerie du cellulaire de la jeune femme.

Éric. Pourquoi appelait-il maintenant? Elle s'apprêta à décrocher mais une main s'empara de son téléphone avant qu'elle ne puisse répondre. L'adolescent raccrocha avant de glisser le perturbateur dans sa poche et fit de même avec le sien.

-Confisqué, dit-il sérieusement. En plus, t'as pas répondu.
-À quoi?
-Ma question. T'en dis quoi?
-Précise. Tu parles de l'endroit ou de la..
-De l'endroit.

Les doigts engourdis de Maël quittèrent les poches de sa veste pour glisser sur la joue de Lucie. Elle se raidit, les yeux insondables du lycéen souhaitaient parler à son âme. Elle semblait désarçonnée face à ce jeune papillon de nuit. Elle se ressaisit aussitôt et dit d'une voix assurée :

-C'est parfait.
-C'était tout ce que je voulais entendre.

Et il ouvrit la portière d'un coup, s'extirpant de sa place avec aisance. La jeune femme mit du temps à réagir avant de l'imiter. Le vent frais s'engouffra à travers les mailles du gilet, elle se recroquevilla et s'emmitoufla davantage dans sa laine. Maël s'allongea sur le capot en fermant les yeux, les cheveux en proie à cette bise venue du nord. Lucie saisit le sac en plastique sur la plage arrière et se posa à son tour près de lui. Farfouillant dedans, elle en sortit deux canettes de boissons gazeuses et 6 pailles. Elle en saisit une et tendit les 5 autres au lycéen qui la dévisageait. Il les accepta sans la lâcher du regard.

-Festif comme pique-nique d'anniversaire ! Railla-t-il comme pour dissimuler le sentiment qui l'envahit.
-Je fais avec les moyens du bord, répondit-elle en haussant les épaules, le sourire au lèvres.
-Ça me suffit.

Il se redressa pour décapsuler sa canette et y introduisit toutes les pailles. Lucie le regarda faire. Il en choisit une au hasard, la rouge, et avala goulûment. Ses mèches blondes balayaient son front tandis qu'il savourait le goût de son breuvage. La jeune femme savourait à son tour ; les bulles lui chatouillaient le nez, elle soupira. Elle ne voulait pas que cette nuit se termine.

-Je suis bien ici.
-Moi aussi, dit-elle.
-Dis Lucie..
-Mm?

Maël baissa le regard un instant pour qu'elle ne puisse pas voir en lui.

-Pourquoi t'as répondu à mon annonce? Je pense pas que tu sois à ce point fauchée pour partager un loyer.
-Eh bien..je voulais changer d'air.
-Sérieusement ?
-Bon ok. Je n'avais plus d'inspiration.

Maël haussa les sourcils avant de les froncer et d'éclater d'un rire franc et sonore. Dans le silence de la nuit, le rire se perdit au loin.

-Ne ris pas.. L'inspiration c'est la clé pour tout auteur. Des fois, on l'égare et pour la retrouver, bon courage!
-Alors tu cherches un sujet pour ton troisième roman, c'est ça?

Le lycéen attendait une réponse la fixant, attentif et curieux.

-À moins que tu ne l'aies déjà trouvé..., continua-t-il.
-On va dire ça.
-j'aurais dû préciser sur l'annonce : « cherche colocataire en manque d'inspiration ! »

Maël pencha la tête et força le contact visuel avec elle qui le lui rendit sans ciller. Il lui demanda tout de go:

-Est ce que je t'inspire?