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-T'as quel âge?

Maël préparait sa tambouille qui cuisait sur une plaque vitrocéramique. Un mélange visqueux d'œufs brouillés peu ragoûtant. Le jeune garçon posa à la hâte un chiffon sur la nappe fleurie et s'empara d'une fourchette. Sans manière, il engloutit son petit-déjeuner/déjeuner avec entrain, à même la casserole. 

-19 ans. Je vais sur mes 20 ans, répondit-elle en croisant les bras.

Il leva la tête soudainement et la détailla sans gêne. Ce fut à ce moment que Lucie remarqua ses yeux cachés sous sa mèche. Ils étaient d'un noir intense, un éclat malicieux luisait. Il se mordilla le pouce tout en penchant la tête, la fourchette suspendue.

-Tu les fais pas. Je t'aurais donné plus.

Que répondre à ceci.

-Eh bien... merci?
-C'était pas un compliment.

Agacée par cette réponse, Lucie se renfrogna. Le couvert égratignait les rebords de la casserole et Maël mâchonnait comme si ce qu'il avalait était du carton. Remarque, ce ne devait pas en être loin au vu des morceaux carbonisés. Par contre, lui faisait bien adolescent.

-Et toi? Tu fais plus que ton âge?

La mine vexée qu'il lui servit la surprit. Il s'était arrêté de manger pour la fixer. Elle sentit un certain malaise.

-Enfin, je..je disais ça comme ça! T'es encore au lycée non?

Il acquiesça le visage sombre et resta ainsi à scruter le vide. Lucie se mordit la langue en pestant contre sa fichue question. Il était vrai qu'elle avait été quelque peu intrusive mais c'était ce gamin qui l'avait provoquée. Ne sachant que faire pour relancer la discussion, elle resta muette et détailla la cuisine. Elle était étrangement proprette pour un gosse qui allait au lycée à moins qu'il soit maniaque sur les bords. Une dame de ménage peut-être ou bien sa mère...

-J'ai 17 ans, en fait.

Maël avait posé son regard d'obsidienne sur Lucie. Il se leva. Il avait fini ses œufs. Elle l'imita avant de commencer:

-Écoute.. Je
-Une question chaque jour d'accord, la coupa-t-il. J'aime pas les contraintes.

Pourtant il venait d'en poser une... Et il lui adressa un sourire solaire. Presque à en faire rougir de jalousie l'astre lumineux qui dardait ses rayons dans le ciel. "Aveuglée",La jeune femme s'était levée également et faisait une visite improvisée des pièces. Le repérage de la salle de bain, des sanitaires et elle avait fait le tour. Il était vrai que c'était un appartement donc il n'y avait pas la surface carré d'une villa. Mais c'était suffisant. Comme l'avait indiqué son colocataire, sur son annonce: Trop grand pour un, trop petit pour trois. Et il avait parfaitement raison.

Lucie se remémora l'annonce. Elle était tombée sur ce bout de papier lorsqu'elle était au creux de la vague, il y avait même pas un mois de cela. En recherche d'inspiration pour son troisième roman. Les deux précédents avaient un petit succès et à présent, son public l'attendait au tournant. En quelque sorte, c'était une tentative de résurrection et une manière de tourner la page, littéralement.

Il fallait à nouveau noircir cette page blanche.

Peter PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant