Peter Pan

26

-S'lut!

Lucie releva la tête de son ordinateur, elle n'avait pas entendu la porte d'entrée claquer. Posée sur le canapé, elle tentait de se remettre à l'écriture d'un nouveau chapitre de son histoire.

-Salut toi ! Dit-elle joyeusement.

Ce matin, elle avait tout de suite compris que Maël avait découché. Étrangement, cela l'avait rassurée car elle aussi avait passé la nuit ailleurs et elle ne souhaitait pas se justifier auprès de lui. Le voir ainsi, la mine tirée et la tenue débraillée, elle sourit tendrement. Il avait dû faire la fête jusqu'au bout de la nuit avec ses amis. Mais ce sourire fut de courte durée. Il se figea lorsqu'elle vit le suçon à la base du cou.

-J'suis mort, lâcha l'adolescent en se laissant choir à ses côtés.
-Tu as bu? Demanda-t-elle, tendue.
-Nan, j'aime plus l'alcool en soirée. Je suis sobre, mais claqué.

Sa respiration rata un battement. Il était sobre... Elle se crispa, le ventre compressé par un poids invisible. Le coeur au bord des lèvres, elle retourna à son écran mais l'envie n'y était déjà plus. Pour ne rien laisser paraître, elle se mordit la langue pour juguler cette émotion.

-Bref, j'vais bouffer ! Annonça-t-il à la cantonade.

La jeune femme se trouva envahie d'une sourde colère. Elle le trouvait tellement...inconstant! Elle voulait lui faire subir ce qu'elle venait de ressentir si violemment, ne pas être la seule. Alors elle ferma son ordinateur et lui dit froidement:

-Je pars quelques jours chez Éric. Je suis revenue ce matin pour chercher quelques affaires.
-Tu.. Quoi?

Maël se retourna brusquement et plissa les yeux. Ses si beaux yeux noirs où se reflétait à présent la désolation . Lucie savoura, elle se sentit maîtresse de la situation. Le port royal, elle se leva du canapé et passa devant lui altière. Mais, l'adolescent la retînt brusquement par la manche. Il avait une sacrée poigne!

-J'te parle! C'est quoi ce délire?!
-Il n'y en a aucun. Je souhaite simplement être avec mon copain.
-Ton copain hein? Cracha-t-il rageusement. Et pourquoi tu m'sors ça maintenant?
-Je n'ai pas à me justifier. Lâche-moi maintenant!

Elle tenta de se dégager mais c'était sans connaître Maël car cette fois, ce fut le poignet qu'il agrippa. Sa mâchoire se contracta. A quelques centimètres l'un de l'autre, Lucie le toisa fièrement.

-C'est quoi ton problème!? T'es lunatique ou quoi?
-Je ne vois pas de quoi tu parles. Répondit-elle sèchement.
-Ah ouai?! Tu veux que j'te rafraîchisse la mémoire?
-Non merci.

La jeune femme tira de nouveau pour se libérer. Mais il resserra plus fort encore, l'esprit en pagaille et complètement dérouté par l'attitude de la jeune fille.

-Lucie, je...je comprends rien! Pour..pourquoi?
-Je te l'ai déjà dit, je n'ai aucun compte à te rendre.
-Mais t'as pas le droit!! Rugit-il soudain. Nan, t'as dit que t'allais rester! Que tu me laisserais pas tout seul!
-Tu seras pas tout seul, tu auras tes plans cul!

Et elle désigna l'objet du délit, la trace de la forfaiture. L'adolescent mit instinctivement sa main sur le suçon et explosa aussitôt.

-C'est quoi ton problème!? T'es jalouse de Pauline? T'es frustrée p't'être? T'aimerais passer dans mon lit, c'est ça?!!
-Reste à ta place Maël. J'ai un copain pour ça, je ne vois pas en quoi tu serais mieux que lui.
-Alors après le coup de l'anniversaire de rêve, on retourne à la réalité hein?! Putain...

Et il serra les dents mais malgré lui, les larmes affluèrent. Elles roulèrent silencieusement tandis qu'il lâchait le poignet de Lucie. Celle-ci put assister à son oeuvre, à l'écho produit par des paroles blessantes. Maël pinçait sa bouche tremblante et ses épaules étaient secoués de pleurs inaudibles. Se laissant tomber désespérément sur le sol, il pressa ses poings sur les yeux.

-Dégage! Sanglota-t-il. Dégage... tout de suite!

Lucie, le coeur en miettes, ne demanda pas son reste et s'éclipsa sans un mot.