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Lucie leva les yeux au plafond. Sa chambre plongée dans le noir, elle n'y distinguait que la lumière feutrée des réverbères. Allongée sur son lit, elle se força à ne pas penser, ne plus penser à rien, éliminer toutes les contrariétés de sa vie. La musique de l'autre côté de la porte ne l'y aidait pas. Lorsqu'elle était entrée dans l'appartement, elle n'avait remarqué de la faune lycéenne que les cris, les rires et les bouteilles vides jonchées à même le sol. Cela promettait de joyeux moments de nettoyage le lendemain. Cette fiesta dans son appartement n'était pas la meilleure idée que Maël ait eu. D'ailleurs ce dernier n'avait cessé de la suivre des yeux jusqu'à ce qu'elle se réfugie dans sa chambre. Derrière sa porte, dernier rempart entre eux, elle se sentait un peu plus sereine. Moins fragile.

Par la fenêtre entrouverte, elle perçut des rires d'adolescents et une moto passant à toute allure. Puis, quelques coups légers sur sa porte. Le pouls de Lucie s'accéléra, devinant sans peine l'identité de celui qui attendait derrière. Ce fut avec hésitation qu'elle se redressa, jetant d'anxieux regards à la poignée. On frappa à nouveau... La jeune femme se leva alors et ouvrit avec appréhension. Maël.
Ce dernier, fébrile, la dévisageait. Tirant sur ses manches comme pour se donner contenance, il demanda d'une voix hésitante:

-J'peux entrer...?

Lucie acquiesça.

-Oui, je t'en prie.

Et elle s'effaça pour libérer le passage. L'adolescent ne se fit pas prier, il pénétra dans la pénombre de la chambre et referma aussitôt la porte derrière lui. Le son de la techno s'étouffa aussitôt. Ne sachant que faire, Lucie s'assit sur le bord de son lit. Maël resta debout. Tous deux se faisant face en ombres chinoises.

-Tu vas bien? Commença-t-il.
-Ça peut aller.
-Cool.

Fuyant le regard insistant de Maël, la jeune femme se perdit dans la contemplation de la nuit à travers sa fenêtre. Le blond se racla la gorge:

-Et là, c'est le moment où tu me demandes comment j'vais...

Lucie le fixa à son tour.

-Oui, excuse moi. Comment vas-tu ?
-Bien aussi, murmura-t-il.
-Super, dit-elle platement.

Maël s'agaça et reprit aussitôt :

-En fait, nan. Je vais pas bien.

La discussion prenait une tournure qu'elle redoutait. Mais la pente glissante était déjà amorcée et rebrousser chemin s'avérerait difficile,surtout avec Maël.

-Tu veux savoir pourquoi?
-Honnêtement, je..je ne pense pas...
-J'vais te le dire quand même.

Il s'assit aux côtés de Lucie et ils s'observèrent mutuellement comme s'ils se voyaient pour la première fois. L'adolescent leva une main et la posa sur la joue de celle qui hantait ses nuits insomniaques.

-Lucie, j'espère que t'as compris que je t'aime.

À ces mots, elle ressentit une grande tristesse. Jusqu'à présent, elle n'osait mettre de la lumière sur ce sentiment confus et voilà que Maël la contraignait à sortir de sa zone de confort.
Pour étouffer ce sentiment, elle décida d'esquiver.

-Ce n'est pas réciproque, désolée.

Il se mordit la langue jusqu'à ce qu'il ressente une vive douleur ; un écho à celle ressentie au plus profond de son être. Il enleva alors sa main de ce visage.

-Ouai, je sais. T'as un copain aussi. J'te demande pas de le quitter en fait.

Lucie s'exaspéra, serra les poings, la frustration pointant le bout de son nez.

-Dans ce cas, pourquoi cette déclaration ?

L'incompréhension se lut dans les yeux de Maël et Lucie se fit un plaisir de l'éclairer.

-C'est égoïste de me dire tout ça comme si rien n'avait d'importance! C'est égoïste et immature!

L'adolescent se recula devant tant d'aplomb. Il se sentit soudain bafoué, il la trouvait injuste de tout lui mettre sur le dos. Il pouvait se mettre en colère lui aussi, c'était toujours mieux que de souffrir en solitaire.

-Attends, qui de nous deux devrait gueuler hein?! Tu me demandes vraiment pourquoi je te dis ça? Sérieusement?!
-Pour soulager ta conscience sûrement ? Fulmina-t-elle. Sache que je n'avais pas envie de savoir! Je ne t'ai rien demandé moi ! Tu me balances ça comme un enfant gâté !!
-J'm'en fous! Ouai j'suis égoïste, enfant gâté ou immature comme tu veux ! Mais toi, t'es qu'une lâche, t'entends !?S'emporta-t-il. À fuir au moindre problème que tu rencontres. T'as qu'à oublier ce que je t'ai dit si t'en veux pas mais je n'ai pas à avoir honte de mes sentiments. Du courage j'en ai, contrairement à toi ! Moi, j'ai pas honte de te dire que je t'aime comme un dingue, bon sang! Si tu savais combien je peux t'aimer!

Touchée. Coulée.

Peter PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant