Peter Pan

2

Le camion de déménagement était parti.
Éric aussi. Son petit ami avait voulu l'aider à s'installer dans sa nouvelle vie. Il avait tenu à être présent pour elle et Lucie avait apprécié l'attention. Son lit avait été monté tout comme son bureau et son armoire qui occupait plus de place qu'elle avait prévu. Éric était parti sur un dernier baiser possessif, laissant la jeune femme hilare. Elle connaissait son petit ami et elle voulait bien parier sa chaussette gauche qu'il était aussi venu tâter le terrain du côté de son nouveau colocataire. Enfin, il n'avait rien à risquer, ce n'était qu'un ado. Ces paroles la déprimèrent et la firent se sentir plus vieille qu'elle ne l'était en réalité.

Elle et ses 19 ans tout ronds, elle l'enviait quelque peu. Sa terminale à elle ne s'était pas déroulée comme prévue. Du moins pas aussi simplement qu'un lycéen devrait la vivre. À présent, elle rangeait ses vêtements méthodiquement jusqu'à ce qu'un bruit de clé se fit entendre à l'entrée. Il était quinze heures. Maël entra dans le vestibule et salua à la cantonade. Il déboula dans la cuisine et finit sont trajet devant le placard. Il entreprit de se tartiner des tranches de brioche. Mordant avec appétit, il posa un coude sur la table de la pièce et son menton trônant dans sa paume. Lucie apparut à son tour, prenant place face au jeune homme.

-Ta journée s'est bien passé?
-Arrête, grogna-t-il. On dirait ma mère.
-Très bien, je reformule: Tu t'es amusé aujourd'hui?
-Vite fait. Pauline a toujours pas digéré la nouvelle. Elle te voit comme une rivale en fait. C'est marrant.
-Pauline? Ah! Pauline...

La jeune fille dénudée de la dernière fois.

-Non ce n'est pas drôle.
-Mais si! C'est pas comme si je l'aimais non plus!

Lucie se fustigea mentalement pour ne pas répondre. Sa répartie à elle n'aurait pas manqué de saveur. Mais elle se tut.

-Et arrête de parler comme ça. On dirait que tu sors d'un dico.

Cette fois, Lucie ne chercha même pas à se retenir.

-Parce que je te fais une réflexion quand tu t'exprimes mal?
-Tu recommences! rit-il moqueur.

Il s'ébouriffa les cheveux lorsqu'il avala sa dernière bouchée, faisant fi des poings serrés de la jeune femme devant lui. Puis ils échangèrent un long regard.

-Qu'est ce que tu fais dans la vie Lucie?

La première fois qu'il l'appelait par son prénom. Encore un papillonnement furtif qui lui tombait dessus. Elle ouvrit la bouche et la referma avant de répondre dans un souffle:

-Je suis écrivaine.
-T'es au chômage c'est ça?
-Non.. C'est compliqué.
-La vie est compliquée Chérie. Vas-y, raconte tes soucis à tonton Maël!
-Je ne te connais pas encore, désolée.

Maël se recula, aucunement blessé. C'était vrai ils ne se connaissaient pas. Il baissa le regard sur ses mains et il sourit tristement. Il rit nerveusement.

-Je te connais pas non plus. Mais j'aimerais bien.

Et il tourna les talons, son T-Shirt blanc immaculé encore visible au fond du couloir.