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Sûrement que le temps filait car depuis un certain moment, les canettes et les assiettes vides jonchaient la table comme les vestiges d'une adolescence insouciante à l'ordre. Les esprits s'échauffaient et les langues se déliaient. Lucie consulta son portable et décida qu'il était temps pour elle de rentrer et les laissait entre amis. Elle se redressa le plus discrètement possible, quelques regards interrogateurs la suivirent perplexes dont celui de Maël.

-Je rentre, j'ai des choses à faire.
-Mais pourquoi? Lui demanda-t-il brusquement.
-Du repos ne serait pas de refus...
-Je rentre avec toi alors !
-Ils sont venus pour ton anniversaire, reste avec eux.

L'adolescent se tourna vers ses amis comme s'il les voyait pour la première fois. Lorsqu'elle boutonna le haut de son manteau, Rebecca compris la détermination de la jeune fille, son départ était imminent. Daniel se tourna également vers Lucie qui époussetait sa manche pour masquer son embarras. Tel un effet domino tous se turent.

-Tu t'en vas déjà? Dit Rebecca.
-Oui, j'ai à faire.
-Je pensais que tu resterais, je voulais apprendre à connaître celle qui rend Maël moins radin, moi!
-Ce sera une prochaine fois j'espère, répondit-elle conventionnelle.

La rousse ne put masquer sa déception et lança un regard à l'aide à Daniel. Celui-ci haussa les épaules et adressa un franc sourire à Lucie:

-J'étais content de te rencontrer. J'espère aussi qu'on se reverra bientôt.

Rebecca le fusilla de ses prunelles félines et lâcha un "traître" bien senti. Mais le métis se contenta de rire doucement tout en fixant Maël qui s'était enfermé sur lui même. La jeune femme adressa un salut hâtif de la main et sortit à l'extérieur, déstabilisée par l'attitude boudeuse de Maël.

Dans le fast food, les discussions reprirent timidement, perturbées par ce départ précipité.

-Pourquoi tu l'as pas retenue?
-Sois pas agressive Rebecca. Ça sert à rien ! Dit Daniel
-Maël, jt'e cause là !

Daniel soupira en levant les yeux au ciel, ne pouvant rien contre l'attitude butée de la rousse. L'adolescent se reconnecta à la réalité en redressant son triste profil car l'interpeller par son prénom au lieu de l'affubler de surnoms ridicules, était annonciateur d'une mise au point.

-Mais pourquoi tu t'enfermes encore dans ton monde? C'est chiant sérieux.
-Tu devrais te calmer, t'as tes règles ou quoi ? Dit Maël faussement goguenard.
-Ah bah bravo ! C'est élégant ! Monsieur est là pour sortir des conneries mais pour les choses importantes, y a plus personne !
-C'est ça ouai, grogna-t-il.

Daniel croisa les bras sur la table et dévisagea le blond. Depuis leur rencontre, il savait que c'était un nerveux aux humeurs aussi changeantes qu'imprévues. Un gars avide de liberté, enfermé dans sa bulle, un petit monde si riche cependant pour qui prend la peine de le franchir...

Ça l'avait bien étonné lorsque le blond avait abordé le sujet d'une colocataire qui lui permettrait de faire des économies. Puis, l'évocation de Lucie entrait de plus en plus souvent dans l'équation. Ça l'avait surtout étonné, connaissant Maël très frivole dans ses relations. Surtout que celui-ci n'était pas du genre à aborder ses partenaires le premier, il se laissait désirer.

Naturellement, il avait eu envie de la rencontrer pour être certain que son ami ne se fasse pas d'illusions ni de désillusions. Il n'était pas déçu de la jeune femme. Leur amie Rebecca avait une vision biaisée du silence du blond, mais selon lui, elle pouvait cesser de jouer les mamans-poules car Maël était entre de bonnes mains désormais. Daniel s'adossa au siège de sa chaise le sourire aux lèvres. Le mutisme de Maël était une échappatoire pour l'adolescent ; une échappatoire à ce trop plein d'émotions.

Peter PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant