Peter Pan

29

-Comment?!

Lucie écarquilla les yeux. Éric, un sourire mutin, lui saisit tendrement les mains. Il venait à l'instant de lui proposer un dîner au Millenium, le restaurant le plus jet-set de la ville. Un petit clin d'œil à leur première rencontre. C'était il y a trois ans déjà, il était en compagnie de ses parents dans ce haut lieu de la gastronomie. Il l'avait repérée de loin, accompagnée de ses éditeurs et attablée devant un large plateau de fruits de mer. D'ailleurs, il se souvint qu'elle lorgnait son plat avec un dégoût feint et cela avait bien amusé le musicien. Par la suite, elle lui avait avoué détester cela. La jeune femme haussa les sourcils:

-Ne me dis pas que tu vas commander des huîtres? s'exclama-t-elle soudain, taquine.

Éric rit doucement en secouant la tête. Jamais il ne lui imposerait ces mollusques même si lui en raffolait. Lucie vit son propre reflet dans le miroir du couloir, sa mise n'était pas des plus classes et la jeune femme ne souhaitait pas débarquer ainsi dans ce dédale de luxe. Son gilet aux couleurs fanées et son jean usé ne passeraient pas inaperçus.

-Chéri.. Je vais d'abord me changer.
-T'es sûre que tu ne veux pas qu'on aille t'acheter une robe ensemble?
-Non.. J'en ai une dans mon placard. Tu sais la rouge du cocktail de tes parents, l'année dernière?
-Pas vraiment. Mais Lucie... Allons t'acheter une robe, ça me ferait plaisir de te l'offrir!

La jeune femme sourit en dévisageant tendrement son petit ami. Ce bel homme à la coupe impeccable et au parfum raffiné . Cet homme fait pour elle, selon sa famille et son entourage proche. Alors, elle céda et sans qu'elle ne s'en rende compte, Éric lui serra la main et l'entraîna à l'extérieur de l'appartement douillet et de l'immeuble cossu. Ils grelottaient de froid tous les deux, mais ils s'en fichaient, ils étaient heureux.Spontanément, ils coururent sous la pluie gelée, leurs pas claquant sur le béton. Dans la rue éclairée par les façades des centres commerciaux, ils évitèrent les passants en riant comme deux enfants. Accélérant le rythme, Lucie sentit les gouttes d'eau dévalaient sur son visage rayonnant. Elle eut soudainement envie de pleurer. Cela se verrait-il ? Mais dans leur course folle, Éric explosa de rire et se tourna vers elle. La jeune femme lui pressa la main avec douceur et sourit à son tour. Ils passèrent devant quelques enseignes sans s'arrêter, la pluie glissait sur leurs vêtements, les imbibant d'eau. 

Éric la fit tournoyer sous la vent glacé mais Lucie ne sentit ni le froid, ni la fatigue. Seulement l'insouciance incarnée et dont elle avait bien besoin. Faisant fi du regard curieux des badauds, elle se jeta dans les bras de son compagnon en l'embrassant de tout son saoûl, ses mains caressant ses cheveux mouillés, d'un baiser vibrant de nostalgie et d'espoir. D'une sensibilité exacerbée et d'une passion toute nouvelle... Éric lui saisit la taille et la porta en tournant sur lui-même jusqu'à ce qu'ils en aient le vertige. Sous la pluie d'une nuit de décembre, ils rirent à en perdre haleine.